Quelle image faut-il retenir du match extraordinaire de Xherdan Shaqiri à Kaliningrad ? Son but magnifique qui qualifie pratiquement la Suisse pour les huitièmes de finale ou sa célébration ?
Comme Granit Xhaka près de quarante minutes plus tôt, le Bâlois a dessiné avec ses mains l'aigle bicéphale du drapeau albanais. Une manière pour les deux hommes de rappeler d'où ils venaient, de cette terre du Kosovo que leurs familles avaient dû abandonner pour le chemin de l'exil.
On peut comprendre ce geste qui a redonné à cette rencontre Serbie - Suisse le volet politique que leur entraîneur s'était efforcé depuis des jours d'évacuer. Granit Xhaka et Xherdan Shaqiri ont fait face à des provocations de la part des joueurs et de la presse serbes avant la rencontre. Ces provocations ont inévitablement trouvé leur prolongement sur le terrain dans un match qui était, faut-il le rappeler, celui de la vie et de la mort pour les deux équipes.
Le malaise perceptible auprès de plusieurs suiveurs de l'équipe du Suisse s'explique aussi parfaitement. Pour beaucoup, le fait de jouer pour l'équipe de Suisse doit primer sur tout. Honorer le maillot ne tolère pas un tel message. Des dirigeants de l'Association Suisse de Football ont certainement pu être heurtés par le geste de leurs deux buteurs. Ils peuvent même redouter l'ouverture d'une procédure de la FIFA qui ne tolère pas que la politique s'invite de la sorte sur le terrain.
Shaqiri présent dans les moments décisifs
Mais la victoire de Kaliningrad restera dans les esprits comme la preuve ultime que Xherdan Shaqiri est bien le joueur qui aura le plus marqué l'histoire du football suisse dans les grands tournois. Quatre ans après son triplé devant le Honduras et son huitième de finale magnifique contre l'Argentine à la Coupe du monde au Brésil, et deux ans après son but venu d'ailleurs devant la Pologne à l'Euro en France, le Bâlois a signé un nouveau chef-d'oeuvre. Son raid victorieux de la 90e minute de vendredi soir n'est pas sans rappeler celui de Kubilay Türkyilmaz le 1er mai 1991 à Sofia pour le 3-2 devant la Bulgarie au même instant de la rencontre.
A Kaliningrad, on a tout de suite compris que Xherdan Shaqiri était dans un grand soir. Il fut le seul à surnager lors d'une première mi-temps qui a bien failli tourner au cauchemar pour l'équipe de Suisse. Après le repos, il est impliqué d'une manière décisive sur l'égalisation de Xhaka, avant de trouver la transversale quelques instants plus tard. Il a su ensuite exploiter magnifiquement les espaces qui se sont ouverts devant lui en raison de l'obligation faite aux Serbes de gagner à tout prix cette rencontre.
Un but "à l'instinct"
L'homme du match explique avoir inscrit son but "à l'instinct". Lancé merveilleusement par Mario Gavranovic, le Bâlois a su résister aux charges de Dusko Tosic avant d'ajuster le gardien. Et inscrire un but qui va sans doute inciter Jürgen Klopp à accélérer son transfert à Liverpool. Avec une clause à 15 millions de francs, Shaqiri c'est cadeau comparé aux plus de 100 millions de francs exigés par la Lazio pour le départ d'un Sergej Milinkovic-Savic, bien transparent vendredi soir dans le camp adverse.
"Il était en jambes. Il avait l'envie", souligne Vladimir Petkovic, qui n'a pas voulu ajouter que cela changeait tout. Avec un Shaqiri aussi fort, le sélectionneur est désormais convaincu que la Suisse peut aller plus loin que les huitièmes de finale. Que tout, vraiment tout, devient possible.