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Coup de théâtre: Didier de Courten renonce aux étoiles du guide Michelin

En annonçant qu’il renonce aux étoiles, Didier de Courten provoque un séisme dans la haute cuisine. Une décision prise sans amertume assure le chef de file de la gastronomie valaisanne qui ne manque pas de projets. On vous dit comment et pourquoi, il en est arrivé à ce choix.

23 juin 2020, 18:30
Au revoir les étoiles: un changement de cap dans la vie professionnelle et personnelle du grand chef

Le chef le plus étoilé du Valais fermera son restaurant gastronomique à la fin de l’année. A 52 ans, auréolé de 19 points au Gault & Millau et de deux étoiles Michelin, Didier de Courten rêve d’une cuisine plus décontractée et plus accessible. Il reste fidèle à Sierre et officiera dès 2021 dans un Terminus relooké, adapté à son désir de lier le domaine artistique à son univers culinaire.

Mais qu’est-ce qui lui prend ? Pourquoi, lui, Didier de Courten connu pour sa rigueur de lieutenant de troupes mécanisées, sa ténacité de coureur émérite et sa quête de perfection, choisit de quitter ces sommets qu’il s’est appliqué à gravir avec constance et détermination ? 

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Pourquoi, lui qui construit chaque plat après réflexions et avec application, lui qui n’aime rien laisser au hasard, lui à qui le Gault & Millau accorde depuis 15 ans la note prestigieuse de 19/20 (ils ne sont que 8 en Suisse à figurer dans ce club élitiste), renonce aux étoiles et à la gloire ?

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Sa décision fait l’effet d’une bombe, et pas seulement dans le milieu culinaire. Mais on se dit que ce premier de classe qui a si bien su mener sa carrière a dû bien préparer son coup.

Didier de Courten est féru de course à pied. Il excelle régulièrement dans la fameuse épreuve de Sierre-Zinal. ©Sabine Papilloud / Archives


Guidé par le bon sens

«C’est un choix de maturité, guidé par le bon sens», affirme-t-il en jurant de ne pas être aigri, de ne rien renier et en remerciant les guides d’avoir si bien salué son talent. Pourtant, cette troisième étoile Michelin qu’il a longtemps espérée et qu’il n’a jamais décrochée n’a-t-elle pas peser dans la balance? «C’est un élément parmi d’autres, comme le covid-19 qui m’a contraint à mener une profonde réflexion sur la manière de faire perdurer un restaurant de très haut niveau au cœur du Valais. Au fil des ans, j’ai construit une Ferrari, mais je dois rouler sur un chemin de montagne. Alors même avec d’excellentes critiques, est-ce raisonnable de continuer ainsi ? Diriger une entreprise, c’est aussi savoir anticiper.»

Au fil des ans, j’ai construit une Ferrari mais je dois rouler sur un chemin de montagne.
Didier de Courten, 19 points au Gault & Millau, 2 étoiles Michelin, 

 

Une création estivale de Didier de Courten autour de l’abricot valaisan. ©DR


Selon le chef le plus titré du Valais, il est de plus en plus difficile de répercuter le coût des marchandises de luxe dans une région rurale. «L’avenir de la haute gastronomie passe selon moi par les grands centres urbains, là où il y a un gros bassin de population.»

La création de DDC Consulting fin 2019 (une société dans laquelle il conseille restaurateurs et hôteliers) était déjà le signe qu’il voulait exploiter différemment ses compétences. Mais au-delà de l’aspect économique et professionnel Didier de Courten confie avoir évolué au niveau de sa vie privée. 
 

La réaction de Knut Schwanger, rédacteur en chef de Gault & Millau Suisse romande.

Je regrette la décision de Didier de Courten, d’autant que sa table figure parmi les meilleures dans lesquelles j’ai mangé, mais je comprends parfaitement les arguments du chef. Ce n’est pas à un adieu à la gastronomie mais à un de ses restaurants et dans la situation actuelle, je conçois qu’il devient de plus en plus difficile pour un chef indépendant (la plupart des grandes tables peuvent aujourd’hui compter sur le soutien de sponsors, de mécènes ou d’actionnaires) de maintenir un très haut niveau face à la pression économique.


En quête de plénitude

On a senti bien qu’il avait changé Didier de Courten. Depuis quelques années, le taciturne chef, qui ne sortait jamais de ses cuisines, tente de fugaces apparitions, un sourire aux lèvres. On le croise surtout à l’Atelier Gourmand ou au bar l’Ampélos, échangeant quelques mots avec les habitués. «La vie m’a appris à accueillir les bonheurs simples du quotidien. J’aime la nature, soigner mes vaches et faire les foins.»

On a sursauté en automne 2019 lorsqu’il a lancé un concours inédit pour les Catherinettes de la foire de Sainte-Catherine de Sierre, offrant à la célibataire de 25 ans élue, une nuit de rêve au Terminus. «C’est vrai qu’avant je n’aurais jamais pensé à proposer une telle animation. Mais j’aime le côté festif de la Sainte-Catherine. Ce n’est pas pour rien que je propose à cette date une choucroute à midi et une raclette dès 18h00 en compagnie de mes proches amis Jean-Maurice Joris et Paul MacBonvin.» 

On s’est interrogé en le voyant prendre position de plus en plus souvent sur sa page Facebook. Découvrant du même coup que le grand chef aime citer certains philosophes et autres références spirituelles. «Je lis beaucoup et ma femme m’a ouvert d’autres voies.» 

Didier de Courten possède plusieurs vaches de la race d’Hérens. Il se plaît dans le milieu rural. ©Sacha Bittel / Archives

 

Sa décision réjouit sa famille. «Durant le coronavirus, j’ai redécouvert mon papa. Quand seule la brasserie était ouverte, il était plus serein, plus disponible.Mon frère vous dira pareil», déclare sa fille Elodie. 

«J’ai réalisé un jour en regardant ma femme, que je ne l’avais plus regardée comme ça depuis 25 ans», sourit Didier de Courten. «Et comme l’écrit si bien Laurent Gounelle : «Pour bien vivre sa vie, il est nécessaire d’être à l’écoute de ce qui vient du plus profond de nous-même. Entendre les messages chuchotés par notre âme… Mais comment veux-tu (les) percevoir dans le brouhaha incessant ? Comment veux-tu y prêter attention quand ton esprit est accaparé par des milliers de choses en dehors de toi-même ?» 

Quant à son désir d’inviter la culture à entrer dans son nouveau restaurant, il fourmille d’idées. «Je réserve quelques jolies surprises à mes clients.» Pour le moment, on n’en saura pas plus.

Quelle cuisine et quelles restructurations ?

On a compris. Didier de Courten change de vie. Mais va-t-il changer pour autant de cuisine ? «J’aime toujours profondément mon métier et je continuerai à concocter des plats créatifs mais avec des produits moins onéreux, dans un seul restaurant, et non deux comme actuellement. Je veux des menus accessibles à un plus grand nombre. Avec ma brigade, nous allons écrire un nouveau chapitre de l’histoire du Terminus, toujours avec ambition, mais avec moins de tension et l’esprit plus libre.» 

J’aime toujours profondément mon métier et je continuerai à concocter des plats créatifs mais avec des produits moins onéreux.
Didier de Courten, 19 points au Gault & Millau, 2 étoiles Michelin


Si le bar et le restaurant vont être relookés, la brigade va également être impactée. «Actuellement, nous avons 42 employés. L’équipe de cuisine va nécessairement être réduite, mais en douceur. C’est une des raisons pour lesquelles nous annonçons ce changement en juin et pas en fin d’année. Nous avons six mois pour restructurer l’entreprise et assumer les réservations déjà enregistrées.»

Je ne sais faire que ça, de la bonne cuisine.
Didier de Courten, 19 points au Gault & Millau, 2 étoiles Michelin

La dernière carte d’automne du restaurant gastronomique sera ponctuée de quelques plats emblématiques créés ces dernières années. L’avenir se profile gourmand, mais Didier le perfectionniste saura-t-il oublier les plats complexes et très élaborés ? Son amour de la perfection ouvrira sans aucun doute la porte à de nouvelles distinctions pour sa brasserie. «Je ne sais faire que de la bonne cuisine», avoue le chef multi-étoilé.

Didier de Courten explique son choix: 

 

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