17 h 46 hier soir. Quart de finale de Roland-Garros. Dans le tie-break du deuxième set, Federer craque. Deux manches à zéro pour Del Potro. A cet instant, Dorothée Bonvin grimace. Pour une toute autre raison. Plantée sur une chaise en plein milieu du centre commercial Bassin de Conthey, elle subit les premiers assauts d’un rasoir électrique. Bzzzz. Une pluie de mèches brunes tombe sur le sol.
Sous les yeux des badauds, cette valaisanne est la seule femme à avoir relevé cet improbable défi: mettre sa tête à prix en faveur de l’association «CHauve pour la bonne cause». Une action de solidarité pour les personnes touchées de près ou de loin par le cancer. Un geste courageux. Car si le look de Yul Brynner est presque devenu un classique pour les hommes, le crâne rasé de Sigourney Weaver fait encore peu d’adeptes chez les femmes.
Un long questionnement
A 53 ans, Dorothée Bonvin passe pourtant à l’acte avec détermination. Pas le moindre stress avant de s’installer sur le siège. «En fait, l’initiatrice du projet, Charlotte, est ma nièce. Quand elle est rentrée du Canada la tête rasée l’an passé, ça m’a fait réfléchir. C’est comme si elle avait planté une graine». La réflexion a fait son chemin. Et quelques mois plus tard, la décision était prise. «J’espère ne froisser personne. Mes deux parents sont décédés du cancer, c’est un hommage que je leur rends. Mais c’est le fruit d’un profond questionnement», explique-t-elle.
Enseignante à l’Institut Saint-Raphaël de Champlan, elle a tenu à informer ses collègues et ses élèves, qui ont d’abord cru à une blague. «Ils risquent d’être surpris lundi en me voyant».
Avant elle, trois autres volontaires passent sous la tondeuse experte de Sébastien Hofer. Car ce soir, le coiffeur sédunois rase gratis. Pas que des barbes ou des moustaches cette fois. «Jamais une femme ne m’avait demandé ça avant ce soir», confie-t-il. Quelques coups de lame plus tard, il se montre plutôt satisfait. «Vous avez une belle tête ronde en tous cas», lance-t-il à sa nouvelle cliente. Alors que son petit-fils de quatorze mois lui saute dans les bras, on s’inquiète de savoir si elle a froid. Et les commentaires fusent: «Magnifique», «ça fait ressortir les yeux», et même «Economie de shampooing en vue».
6000 francs pour 2 projets
Charlotte Meier-Crettenand a de quoi être fier d’un événement qui a commencé par une seule tête rasée, la sienne. Car les aspects esthétiques de ces «coupes» sont accessoires. L’action est avant tout un geste de solidarité envers les malades et leurs familles. Les dons récoltés entre Lausanne et Conthey, près de 6000 francs au total, seront intégralement reversés à deux projets: «Le souci de Roucky», qui vise à diffuser gratuitement un outil pédagogique adapté aux enseignants désireux d’accompagner les enfants dont l’un des parents souffre du cancer, et à l’Espace Médiane, un lieu de rencontre et de dialogue autour de la maladie coordonné par la Ligue genevoise.
18 h 30. Dorothée Bonvin file chez elle. Car «Rodgeur a fait exprès de perdre les deux premières manches pour que je puisse voir les trois suivantes.» Elle passera une bonne nuit. Qui lui portera sûrement conseil quant à la couleur du foulard qui lui servira désormais de couvre-chef.