Verbier, capitale mondiale des sports d’hiver. Ce samedi – si le temps le permet – le mythique Bec-des-Rosses servira de cadre à la grande finale du Freeride World Tour (FWT) pendant que les techniciens alpins se donnent rendez-vous à Bruson pour les championnats de Suisse élites. A la veille de ces deux événements majeurs, plusieurs acteurs du milieu se sont retrouvés pour une table ronde où il a été question de dérèglement climatique et d’écoresponsabilité.

Des constats implacables

Qu’ils s’appellent Xavier de Le Rue, triple vainqueur du Freeride World Tour, Maxime Chabloz, vainqueur en titre, Arnaud Boisset, qui vient de gagner une place fixe en Coupe du monde de ski alpin, ou encore Gabin Janet, qui fait ses gammes au niveau FIS ou en Coupe d’Europe, tous sont aux premières loges de l’évolution du climat.

Moi qui skie énormément à Engelberg, c’est aussi la toute première fois de ma vie que je vois encore des crevasses non recouvertes dans le glacier.

Maxime Chabloz, vainqueur en titre de l’Xtreme de Verbier

«L’étape canadienne du FWT a dû être reportée d’un mois en raison du manque de neige. Moi qui skie énormément à Engelberg, c’est aussi la toute première fois de ma vie que je vois encore des crevasses non recouvertes dans le glacier, encore maintenant en mars», note le freerider Maxime Chabloz.

Dans l’organisation, ça devient compliqué. La limite pluie-neige monte de plus en plus. Pour le freeride, cela aura une conséquence directe sur la praticabilité de la face.

Joris Vautier, manager général du Freeride World Tour

«Cela fait quelques hivers qu’on ne comprend plus rien à la météo. Cela nous empêche d’avoir les routines qu’on avait à l’époque», enchaîne le Français Xavier de Le Rue. «Dans l’organisation, ça devient compliqué», convient le manager général du Freeride World Tour Joris Vautier. «La limite pluie-neige monte de plus en plus. Pour le freeride, cela aura une conséquence directe sur la praticabilité de la face. Le manteau neigeux se rétrécit. On en a eu l’exemple ici à Verbier l’an dernier ou cette année.»

Des conditions inéquitables pour les athlètes

Ces incertitudes ont un impact direct sur le quotidien des athlètes, que ce soit pour leur préparation sur les glaciers ou leurs courses, tout simplement. «Le problème du ski alpin, c’est qu’on ne peut pas tous partir en même temps», sourit Arnaud Boisset.

Les hauts dossards ont des conditions moins avantageuses que les premiers, surtout sur des pistes salées ou qui n’ont pas pu geler durant la nuit.

Arnaud Boisset, skieur de Coupe du monde

«Les hauts dossards auront donc forcément des conditions moins avantageuses que les premiers, surtout sur des pistes salées ou qui n’ont pas pu geler durant la nuit», ajoute le Martignerain avant que le Verbiérain Gabin Janet ne complète.

Verbier - 24 mars 2023 - Freeride: table ronde sur l'avenir du freeride. Ici, Arnaud Boisset, jeune skieur alpin de Swiss ski. © Héloïse Maret / Le Nouvelliste

Arnaud Boisset. © Héloïse Maret

«On voit clairement que la première manche chronométrée de nos entraînements est toujours la plus rapide. Plus on avance, plus le temps se réchauffe, plus la neige s’humidifie et plus les skis collent. En course, les premiers à partir auront donc bien plus de chances de performer que les athlètes qui partent de derrière. Par contre, s’il neige, la piste peut s’accélérer et donc avantager ceux qui partent plus tard. Dans ces deux cas, on n’a pas le choix, on doit s’adapter, c’est tout.»

Une plus grande variabilité source de dangers

S’ils ressentent tous ce changement, changement qui peut avoir un impact sur leur quotidien et leurs performances, tous sont curieux d’avoir l’avis scientifique sur l’évolution climatique des dernières années. «Ce qu’on remarque, c’est une augmentation de la variabilité. Mais cela dure depuis trente ans déjà», note le nivologue Robert Bolognesi.

Ce qu’on remarque depuis plusieurs années, c’est une augmentation de la variabilité.

Robert Bolognesi, nivologue

Robert Bolognesi, nivologue. © Héloïse Maret

«Aujourd’hui (vendredi), on a de la pluie à haute altitude, ce qui n’est pas normal, mais si vous vous souvenez, en début d’hiver, le 10 décembre, on avait de gros flocons à 600 mètres d’altitude. Les stations des Préalpes qui sont à 800 mètres avaient ouvert leurs portes, mais deux semaines plus tard, la pluie avait tout lessivé», illustre le Valaisan, mettant en exergue cette grande variabilité qui devient de plus en plus fréquente.

«Par contre, au niveau de la quantité de précipitations, peu importe les stations sur lesquelles on s’est penché, on a remarqué une augmentation en haute altitude. On voit aussi que le réchauffement est très marqué en décembre et en mars, alors qu’en janvier et février, on ne l’observe presque pas.»

On a davantage de risques d’avalanche. C’est un gros danger pour le futur.

Maxime Chabloz

Ces différents changements qui rendent les couches instables ne sont pas sans conséquences pour ces sportifs d’hiver. «On a davantage de risques d’avalanche. C’est un gros danger pour le futur», observe Maxime Chabloz.

«Quand on a de longues périodes de temps sec comme on a pu l’observer cet hiver, les couches perdent leur cohésion. Le problème, c’est qu’en cas de chutes de neige intenses ensuite, cela débouche sur des situations catastrophiques. Cette grande variabilité rend la pratique du ski beaucoup plus problématique et cela, à toutes les altitudes», prévient Robert Bolognesi, qui rappelle que les risques de variation du permafrost se développent surtout en été avec des chutes de pierres et de blocs et autres éboulements.

Cette grande variabilité rend la pratique du ski beaucoup plus problématique et cela, à toutes les altitudes.

Robert Bolognesi

«Les ouvrages paravalanches qui supportent des efforts considérables en hiver sont aussi en danger. Ils ont déjà tendance à se déformer sur un terrain résistant, mais bougent encore davantage sur un terrain qui bouge de plus en plus. Ces ouvrages pourraient se détruire plus vite que prévu. On pourrait ne plus réussir à les remettre en état. Certaines zones devraient alors être abandonnées parce qu’elles ne seraient plus suffisamment protégées.»

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