L’automne touche à sa fin. Les chamois grattent la neige enquête de brins d’herbes, de feuilles, d’aiguilles de conifères et de mousses. Ils ne sont pas vraiment fringants. Les mâles sortent du rut et les femelles sont portantes.

Mais ils ne craignent pas le froid. Leur pelage s’est épaissi et cache sous les couches de poils de jarre longs et médians, un duvet laineux très protecteur.

Le canton du Valais compte actuellement quelque 20 000 chamois. Leur population décroît toutefois sur l’ensemble de l’espace alpin. © Marcel Gaspoz

Pour qui n’a jamais assisté au rut des chamois, leurs ébats sont spectaculaires et énergivores. «Début novembre, les boucs entrent dans un état de surexcitation», explique Nicolas Dulex, biologiste et zoologue au bureau Drosera écologie appliquée.

«Les mâles âgés défendent ardemment leurs territoires de reproduction et sont prêts à tout pour repousser la concurrence!»

Ils frottent leurs cornes contre les arbres, buissons et rochers pour marquer leur territoire d’une forte odeur musquée, provenant du liquide sécrété dans deux glandes hormonales à la base des cornes.

Ils tirent la langue pour intimider les femelles et arborent une couleur roussâtre sur les flancs, résultant de leurs propres jets d’urine.

Un représentant emblématique de notre faune sauvage. © Marcel Gaspoz

«Si les jeunes mâles concurrents ne se laissent pas dissuader, s’ensuivent alors des courses-poursuites et cavalcades intenses sur de très longues distances, voire des coups de cornes violents jusqu’à ce que l’un s’impose et puisse s’approprier les femelles», relate le biologiste.

Montagnard ou forestier? Les chamois ne se cantonnent pas à la seule haute montagne. Une frange de ces gracieux ongulés vit aussi en forêt, au pied des coteaux voire même jusqu’en plaine où ils trouvent un environnement propice et protecteur: pentes abruptes, falaises difficiles d’accès, éboulis et rochers entrecoupés de pâturages. Une même espèce, mais avec des mœurs différentes!

Un arsenal de champion

«Leur incroyable endurance s’explique par des poumons très développés, un cœur surdimensionné et un sang 4 fois plus riche en globules rouges qu’un humain», précise encore Nicolas Dulex. «Il est capable d’avaler 1000 mètres de dénivelé en quelques minutes.»

Leurs sabots sont équipés de deux onglons orientables jouant tout à la fois le rôle de ventouse, d’antidérapant et de carre. Ils sont reliés entre eux par une membrane élastique et poilue faisant office de raquettes à neige. Sans oublier un petit ergot en guise de frein.

Une vraie machine de guerre quand il s’agit d’avaler du dénivelé, de franchir des obstacles, de bondir dans les rochers et de s’agripper aux falaises. © Marcel Gaspoz

Un équipement de pro pour terrain ultra accidenté. Enfin, la position demi fléchie du chamois lui procure une détente hors du commun et une puissance spectaculaire. Il bondit tel un ressort. Avec de tels atouts, il paraît invincible.

J’ai un feeling avec les animaux de nos montagnes et particulièrement avec celui-ci. Un vrai sauvageon très photogénique, surtout en hiver quand son pelage plus épais vire sur le noir et valorise son masque facial.

Marcel Gaspoz, photographe amateur du val d'Hérens

Oui…mais l’hiver s’en vient. Mâles, femelles et cabris restent groupés. Avec la neige et le froid, la saison hivernale est une période de disette alimentaire. La nourriture est rare et peu énergétique.

Ces ongulés peuvent perdre jusqu’à la moitié de leur poids dans les conditions les plus extrêmes.

Le chamois est le plus petit représentant des caprinés, comprenant les mouflons et bouquetins. © Marcel Gaspoz

Et la mortalité est optimale dans les hardes qui ne sont pas épargnées par les avalanches. Dès le retour du printemps, alors que leurs réserves sont épuisées, ils se refont enfin une santé avec l’herbe tendre et grasse des alpages au-dessus de la limite des arbres.

Les boucs se dispersent ensuite pour vivre en mode solitaire. De la mi-mai à la mi juin, les chèvres s’isolent sur des éperons rocheux et autres vires herbeuses, pour mettre bas à l’abri des prédateurs.

«Le chamois est une espèce nidifuge, autrement dit: sitôt né, sitôt sur pattes. Un lien très fort unit la mère à son petit dont elle s’occupera pendant une année. C’est essentiel pour la survie du jeune durant son premier hiver.»

Avant les mises-bas au printemps, éterles et éterlous (femelles et mâles âgés d’un an) sont déjà sevrés depuis l’automne et rejetés par la mère.

«Mais tout ce petit monde restera groupé pour savourer l’été. Ils ont besoin de tranquillité pour refaire des réserves en prévision de la prochaine saison froide.»

En savoir plus: Atlas des mammifères de Suisse et du Liechtenstein. Ed. Haupt, 2021. Soit 99 portraits d’espèces, de nombreuses photos et des cartes de distribution. Publié par la Société Suisse de Biologie de la Faune SSBF.

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