Ici, les chauffards roulent à 30 km/h. Une signalisation «Generell Schritttempo» rappelle la limitation à l’allure du pas. Les cyclistes n’ont qu’à se frayer un chemin parmi les piétons qui flânent le long des terrasses. Il flotte une atmosphère de dolce vita au cœur de la sixième ville de Suisse.

Urbaine

Impossible de saisir la mue de Winterthour sans plonger dans la Sulzer-Areal, ancienne friche industrielle d’une vingtaine d’hectares, aux abords immédiats de la gare. Vestiges de grues, voies ferrées et blocs de fonte témoignent du passé ouvrier. Une empreinte laissée par l’entreprise Sulzer qui, d’une fonderie d’une douzaine de compagnons au début du 19e siècle, s’est imposée en fleuron industriel du pays.

De ses halles sont sortis des bateaux à vapeur. La firme a aussi été pionnière du moteur diesel. Une «success story» qui a pris un tournant irréversible. «En octobre 1987, l’administration de Sulzer a informé la Ville de la fermeture du site pour la semaine suivante», raconte la guide Susan Meili Barnes.

Ce bâtiment de l'ancien quartier industriel Sulzer est surmonté d'une extension en matériaux recyclés. Photo: Charles Grandjean

Depuis? Un lent et perpétuel renouveau. Ce patrimoine est passé en mains du géant de la construction Implenia, acteur incontournable du développement local. Bureaux, appartements, coopératives de logements se côtoient, au gré des investissements de caisses de pension et d’assurances. L’affectation des édifices est variée.

L’immense chaudière à charbon est devenue un cinéma multiplexe. Une bâtisse protégée de 1834, au toit en tuile comme étranger au quartier, sert aujourd’hui de garderie d’enfants. Des hautes écoles sont aussi présentes. Dernière réalisation: la Dialogplatz, inaugurée le mois passé, avec ses 100 arbres bien alignés au milieu de cet univers minéral. Prochaine étape? Une halle de 5500 m2, aujourd’hui occupée par un parking, deviendra salle de concert.

Photogénique

Des beaux-arts au Technorama, Winterthour offre un large éventail de musées. Parmi eux, la Fondation suisse pour la photographie célèbre cette année son jubilé. Logée à l’intérieur des murs en briques d’anciens ateliers textiles du quartier Schleife, elle présente jusqu’au 10 octobre une riche rétrospective dédiée à Ernst A. Heiniger (1909-1993), pionnier de l’avant-garde photographique suisse.

Prises de vues en mode macro, reliefs d’un glacier alpin ou texture des pavés de la place de la gare de Zurich: l’homme joue habilement de son appareil. Son goût de l’expérimentation l’a amené à conjuguer photographie et graphisme, puis à tourner des films. Comme ce documentaire projeté sur 360 degrés pour l’exposition nationale de 1964. Pas encore rassasié d’images? Rendez-vous vis-à-vis au Musée de la photo ou filez à la galerie du bar Coalmine.

Il n'est pas rare de faire trempette dans les fontaines de la ville, comme ici devant l'église réformée de Winterthour. Photo: Charles Grandjean

Champêtre

Winterthour est cernée de collines verdoyantes, dont le coteau de vignes du Bäumli au nord. Pour profiter de la fraîcheur, on s’écartera des itinéraires tout tracés pour gagner Kybourg, au sud-ouest. Après une rapide montée, le promeneur se retrouve nez à nez avec Miss Schweiz, la Duchesse de Sutherland et Anne de Bretagne.

Ces noms prestigieux sont portés avec élégance par les fines fleurs du jardin des roses surplombant la cité qui déjà s’éloigne. La végétation prend peu à peu le dessus sur le bâti. La transition se fait en douceur avec le massif forestier de Eschenberg de 8,3 km2, où notre chemin croise sangliers et bisons… résidents du Bruderhaus, parc animalier niché dans les bois.

Le jardin des roses de Winterthour offre un joli point de vue sur la ville. Photo: Charles Grandjean

La géolocalisation nous aide à gagner la rivière Töss. Le temps d’un bain de pieds avant l’ascension finale jusqu’au château de Kybourg, d’où l’on contemple un paysage champêtre. L’impression se confirme au retour en bus, à travers des hameaux où les vaches paissent paisiblement sous des vergers.

Brassicole

Chopfab, Stadtguet, Euelbräu. La ville regorge de bières locales pour étancher sa soif. Quelque peu en léthargie depuis le transfert de la production à Coire, la brasserie Haldengut apparaît comme figée dans le temps. Cet été, trois jeunes associés ont investi le sixième étage de la tour de ce site industriel pour y installer un bar éphémère, baptisé Zum Wiedehopf, A la huppe.

«A cause du confinement, nous avons perdu nos mandats dans les festivals», explique Alex Prack, béret vissé sur la tête. Lui et ses associés de Frau Hund, une enseigne itinérante de hot-dogs, ont dépoussiéré l’ancienne cantine d’entreprise, avec son bar en forme de cuve, son carrelage et mobilier délicieusement surannés. «Le lieu dormait depuis vingt ans», ajoute celui qui a décapé la vieille terrasse panoramique où l’on sirote désormais sa bière en savourant le coucher de soleil.

Au centre de Winterthour, on circule à vélo, devant les façades de la vieille-ville. Photo: Charles Grandjean

Winterthour, charmante ouvrière

Nous serons nombreux à passer nos vacances au pays. Toute la semaine, nous vous proposons donc des bons plans Outre-Sarine. La cité postindustrielle de Winterthour cultive sa douceur de vivre entourée d’un écrin de verdure.