Suivie à la trace: une jeune louve du canton de Glaris porte depuis quelques semaines un collier émetteur. Avec six individus équipés jusqu’ici, la méthode est encore assez rare en Suisse. Elle vise à en apprendre davantage sur l’animal, mais aussi à l’effaroucher, car la pose du collier, selon une procédure complexe, peut pousser l’animal à ne plus se risquer au même endroit.

Quelque 140 loups vivent actuellement en Suisse, seuls ou dans une des seize meutes, dont cinq frontalières. Avec leur augmentation au fil des années, les dommages subis par le détail se sont aussi multipliés, et le débat n’en est devenu que plus émotionnel, surtout à l’approche des montées à l’alpage.

Dans ce contexte, le canton de Glaris a réussi une performance particulière, il y a un peu plus d’un mois. Deux gardes-faune ont en effet anesthésié une jeune louve de la meute d’Elm-Ennenda-Linthal et lui ont posé un collier émetteur. Après cinq loups ainsi équipés dans les Grisons, il s’agit du sixième individu qui pourra ainsi être observé à distance.

Grande mobilité

Devant son écran, le directeur de la division cantonale chasse et pêche, Christoph Jäggi, analyse les derniers relevés des signaux émis par le collier de la louve – un toutes les trois heures. «Elle parcourt souvent au moins 15 kilomètres par jour, commente-t-il. Bien sûr, entre deux signaux, nous ne savons pas quels trajets elle suit. Mais nous voyons bien qu’elle est très mobile.»

Elle parcourt souvent au moins 15 kilomètres par jour.

Christoph Jäggi, directeur de la division cantonale chasse et pêche

Le directeur se réjouit aussi que l’animal a rejoint la meute après l’intervention humaine, comme le montrent les images des pièges-photos. «Elle n’a pas été rejetée par ses pairs après la pose de l’émetteur, comme nous pouvions le craindre, car les loups sentent l’intervention humaine.»

Le garde-faune Marco Banzer est un des artisans de la manœuvre, pour laquelle il a été formé. «On n’a pas droit à l’erreur, raconte-t-il. Il faut que l’endroit où un animal mort attend le loup soit adéquat, sans rocher, mais avec une route non loin. Ensuite, la seringue doit être tirée à un endroit précis du corps de l’animal, sinon elle peut être mortelle. La vétérinaire cantonale doit pouvoir arriver dans les trente minutes, car elle doit faire une prise de sang, ce qui n’est pas facile sur un animal anesthésié. Il faut aussi placer le loup sous oxygène, sans cela, les dégâts au cerveau ne sont pas exclus.»

On n’a pas droit à l’erreur. Il faut que l’endroit où un animal mort attend le loup soit adéquat, sans rocher, mais avec une route non loin.

Marco Banzer, garde-faune

Quels sont les avantages du collier émetteur? «Les analyses génétiques des excréments ou de la salive apportent certes beaucoup d’informations, mais encore faut-il en trouver», répond Christoph Jäggi. Dans les Grisons, où deux émetteurs sont encore actifs, Arno Puorger, collaborateur scientifique de l’Office de la chasse et de la pêche, précise que les colliers «facilitent la surveillance et la récolte d’informations sur l’animal ou sa meute, sur leurs lieux de séjour et leur comportement.»

«Effet pédagogique»

Dans certaines circonstances, ajoute le spécialiste, «l’anesthésie de l’animal peut aussi avoir un effet pédagogique, notamment lorsqu’elle a lieu non loin d’habitations.» C’est le fameux «effarouchement» prévu par le Plan Loup de l’Office fédéral de l’environnement lorsque le loup a adopté un comportement problématique face aux humains.

Nous voudrions comprendre si effaroucher est efficace.

Fridolin Zimmermann, coordinateur du monitoring des grands carnivores en Suisse auprès de la fondation Kora

«Nous voudrions comprendre si effaroucher est efficace», explique Fridolin Zimmermann, coordinateur du monitoring des grands carnivores en Suisse auprès de la fondation Kora. «La capture est un moment traumatisant pour l’individu. Le loup ayant un très bon système de communication – on peut partir du principe que si un individu d’une meute sait quelque chose, tout le groupe le saura –, ce qu’il a vécu lors de la capture sera transmis aux autres.»

Un loup muni d’un émetteur fournit ainsi des informations sur la fréquence et, «dans le meilleur des cas, précise Fridolin Zimmermann, sur la raison de son apparition à proximité des humains. C’est très important pour comprendre le mode de vie des loups dans notre paysage multi-usage dominé par les activités humaines».

Autre avantage de la télémétrie – nom donné à ce type de surveillance: elle permet aussi d’analyser les restes des proies dont se nourrit le loup, y compris de petite taille, qui seraient introuvables sinon. Les colliers peuvent aussi révéler la fréquence de «visites» à des troupeaux, sans attaque ou avec, et, lorsqu’elles se produisent, dans quelles situations. «Est-ce parce que le troupeau n’était pas protégé ou parce qu’il y avait une faille dans le système de protection, par exemple si des chiens de protection étaient malades?» Grâce au collier, précise Fridolin Zimmermann, il est possible de reconstruire les événements.

Enfin, conclut le spécialiste, «en dévoilant les déplacements de la meute ou de l’animal seul, les colliers pourraient aussi faciliter la régulation de meutes ou le tir d’individus qui causent des dégâts importants aux animaux de rente.»

Vaud: un premier loup de la meute du Marchairuz a été abattu

Un des deux jeunes loups de la meute du Marchairuz concernés par une autorisation de tir a été tué la semaine dernière. Le canton de Vaud l’a annoncé à l’issue du processus d’identification.