Il alimente fantasme, crainte, et admiration. Lui, c’est le loup, revenu vivre dans nos contrées il y a bientôt trente ans. Avec les années, les meutes ont grandi et se sont multipliées. On compte désormais quelque 180 spécimens et au moins 20 meutes (lire l’encadré).

Avec leur prolifération, la cohabitation est devenue de plus en plus difficile dans les régions de montagne, avec des éleveurs qui voient leurs troupeaux se faire attaquer régulièrement ces dernières années. Nombre d’entre eux, désespérés, et une partie de la classe politique demandent d’agir en limitant la population du canidé.

C’est dans ce sens que la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil des Etats a déposé une intervention parlementaire. Sa proposition a obtenu le soutien du Conseil fédéral et sera débattue ce jeudi dans la Chambre haute. Tout indique qu’elle sera acceptée.

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Comme le bouquetin

La commission demande principalement de rendre possible la régulation préventive du loup du 1er septembre au 31 janvier, en fixant un quota maximal à prélever de manière proactive, à l’image de ce qui se fait déjà pour le bouquetin.

Aujourd’hui, le tir ne peut être autorisé que sur un loup qui a commis des dégâts ou provoqué un grave danger. La plupart du temps, l’autorisation est délivrée quand un animal s’est abondamment servi dans le troupeau d’un éleveur.

Si la proposition de la commission est acceptée par le Parlement, ces animaux pourront être tirés à bien plus large échelle, en prévision de dégâts potentiels. Ils pourraient aussi toujours l’être de manière ciblée après des dégâts.

Ce serait la première fois depuis la réapparition du loup dans nos contrées, strictement protégé par la Convention de Berne, qu’il serait ainsi exposé. La révision de la loi sur la chasse, qui prévoyait déjà l’introduction du tir préventif contre le loup, avait été refusée en 2020 par près de 52% des votants.

Un millier d’animaux tués

Pour le conseiller aux Etats centriste Beat Rieder, qui se bat depuis des années pour une meilleure régulation, les dégâts actuels ne sont qu’une première étape vers une situation catastrophique. Pour lui, on ne peut pas accepter plus de loups sur le territoire.

«La Suède et la Norvège ont déjà décidé d’un effectif maximal, 300, pour des régions beaucoup plus grandes – 800 000 kilomètres carrés. Nous comptons déjà 180 loups chez nous pour 40 000 kilomètres carrés en Suisse», illustre le Valaisan.

Les cantons alpins exhortent aussi la Confédération à agir et à réguler activement les populations de loups. «Cette année, les loups ont déjà attaqué un millier de moutons et de vaches dans les cantons de montagne du Valais, d’Uri, du Tessin, de Glaris et des Grisons», chiffrent-ils. Ce qui inquiète, c’est que les meutes sont désormais devenues assez grandes pour s’attaquer fréquemment à des bovins, à la surprise des experts.

«Rien ne lui résiste»

Du côté des paysans, on parle d’une situation «très mauvaise». «Cette année, nous dénombrons une attaque tous les deux jours dans le canton de Vaud. Les éleveurs sont à bout», souffle Claude Baehler, président de Prométerre. Il appelle également à une mise en place de quotas d’abattage. «Nous sommes d’accord qu’il faut cohabiter avec le loup, avec le risque de subir une attaque de temps en temps. Mais trois fois en un été, c’est intenable.»

«Le loup a une intelligence rare et une capacité d’adaptation impressionnante. Rien ne lui résiste: il parvient à déjouer les différentes mesures de protection des troupeaux mises en place», déplore-t-il.

Si le conseiller national écologiste Christophe Clivaz est d’accord sur le fait qu’il faut agir, le Valaisan estime que la commission fait fausse route en n’écoutant pas les acteurs concernés, qui se sont mis d’accord pour apporter des solutions.

En effet, neuf associations issues de l’agriculture, de la protection de la nature, de la chasse et de la sylviculture proposent un compromis, qui prévoit à la fois une régulation préventive du loup – sans quotas – et un renforcement de la protection des troupeaux, financée par l’Etat.

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«Tirer à l’aveugle ne servira à rien»

Pour Isabelle Germanier, porte-parole romande du Groupe Loup Suisse, la proposition de la commission ne tient pas compte de la nature du loup, qui ne se comporte pas du tout comme un bouquetin. «Tirer à l’aveugle ne servira à rien. C’est inefficace, voire contreproductif», explique la Valaisanne.

«En 1999, il y avait 2 loups en Valais et on comptabilisait 199 morts dans les troupeaux. En 2019, 25 loups étaient présents et on a dénombré la mort de 204 moutons. Cela montre qu’ils n’attaquent pas tous à la même fréquence, ni systématiquement. Chaque individu a son éducation et sa personnalité propre, comme nous», appuie-t-elle.

Pour Isabelle Germanier, il faut avant tout miser sur les moyens de protection des troupeaux et rendre obligatoire le trio suivant: installation de clôtures, surveillance par des chiens et présence de bergers. Puis, si cela ne suffit pas, elle estime que le tir ciblé est alors est justifiable.

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