Le Conseil fédéral l'a souligné ce vendredi: en Suisse, «l'argent liquide occupe une place de choix en comparaison internationale, mais a tendance à perdre de son importance par rapport aux moyens sans numéraire».

Un sondage réalisé par la Banque nationale suisse en 2017 montrait que dans plus de deux tiers des cas, les Suisses préféraient payer en liquide. Une nouvelle enquête effectuée durant l’automne 2020 révélait un effondrement de cette tendance: les sondés payaient alors en cash moins de la moitié de leurs achats (43%).

Ce changement de comportement a été accéléré par la pandémie et les recommandations sanitaires, selon lesquelles il fallait privilégier le paiement sans contact pour combattre la propagation du virus. Alors, l’argent liquide est-il en voie de disparition?

Cartes en tête dans les magasins

Selon une étude du service de comparaison en ligne Moneyland.ch publiée en août dernier, le cash continue de perdre du terrain par rapport aux cartes de paiement ou aux moyens électroniques comme Twint. En 2022, 30% des personnes sondées considèrent l’argent liquide comme «totalement indispensable». Or, ce chiffre se montait à 34% une année plus tôt.

Dans les magasins helvétiques, ce sont les cartes de débit et de crédit qui arrivent en tête des modes de paiement. Elles sont «souvent utilisées» par respectivement 54% et 36% des participants à l’étude. L’argent liquide est «souvent utilisé» par seulement 34% des sondés, alors que Twint obtient 17%.

De nombreux clients veulent payer par carte ou par Smartphone, et les magasins doivent s’adapter en conséquence.

Ralf Beyeler, expert des questions d’argent chez Moneyland.ch

Or, les commerçants doivent supporter des frais élevés lorsque leurs clientes et clients paient par carte. «C’est clair que ça augmente les coûts pour nos membres», confirme Dagmar Jenni, directrice de l’association des commerces de détail Swiss Retail. «Mais c’est une réalité que nous devons accepter car nous voulons laisser à nos clients le choix de leur moyen de paiement.»

Aujourd’hui, seul un petit nombre de magasins résiste aux solutions de paiement digitales. «Nos membres acceptent presque tous les paiements par carte, et la plupart acceptent aussi Twint», poursuit Dagmar Jenni.

Une tendance confirmée par Ralf Beyeler, expert des questions d’argent chez Moneyland.ch. «De nombreux clients veulent payer par carte ou par smartphone. Et les magasins doivent s’adapter en conséquence.»

Plus frappant encore, même si cela reste rare à ce jour: il arrive que des commerces n’acceptent plus l’argent liquide (voir ci-dessous). «A Zurich, certains restaurants et boulangeries n’acceptent plus que les cartes et Twint», illustre Ralf Beyeler.

L’attachement des Suisses au cash

Pourtant, alors même que l’utilisation d’espèces sonnantes et trébuchantes est en baisse, les Helvètes restent attachés à leurs billets et à leurs pièces de monnaie.

Toujours selon des chiffres publiés par Moneyland en 2019, 77% des Suisses se disent opposés à la disparition de l’argent liquide. Et même s’ils ont moins souvent recours aux espèces, ils restent 96% à les utiliser «rarement à souvent» en 2022.

Une initiative populaire lancée en septembre 2021 par le Mouvement de liberté suisse illustre d’ailleurs la crainte de la fin du cash ressentie par certains citoyens. Elle demande que les «pièces de monnaie ou billets de banque soient toujours disponibles en quantité suffisante» et met en avant la liberté que représente l’argent liquide ainsi que l’indépendance qu’il permet par rapport aux systèmes digitaux.

En Suisse, les espèces restent populaires et largement utilisées.

Fabio Sonderer, porte-parole de la BNS

«Certains consommateurs critiquent le fait que les paiements par carte et par smartphone ne sont plus anonymes et sont enregistrés», confirme Ralf Beyeler, qui pointe un autre avantage du liquide: «avec l’argent liquide, on peut toujours payer, même en cas de panne de courant ou de perturbation d’une liaison de communication.»

Un fait récent est venu corroborer les propos de l’expert de Moneyland: le 10 octobre dernier, une panne technique du système de paiement a touché toutes les filiales Coop de Suisse. Impossible, ce jour-là, de régler ses achats sans cash.

De son côté, la Banque nationale suisse (BNS) se veut rassurante quant à la pérennité de l’argent liquide: «En Suisse, les espèces restent populaires et largement utilisées. L’augmentation continue du volume des billets en circulation ces dernières années le montre», assure le porte-parole de la BNS Fabio Sonderer.

«La Banque nationale suisse continuera de mettre à la disposition du public des billets de banque modernes offrant une protection maximale contre les falsifications.» L’argent liquide n’a donc pas – encore – dit son dernier mot.

L’initiative sur l’argent liquide a abouti avec plus de 157’000 signatures

Le Mouvement de liberté suisse souhaite, via cette initiative, empêcher la suppression du cash, via une garantie constitutionnelle. Le peuple suisse devra probablement se prononcer.