Votre publicité ici avec IMPACT_medias

La face nord de l'Eiger vaincue pour la première fois il y a 75 ans

Il y a presque 75 ans, le 24 juillet 1938, la face nord de l'Eiger s'avouait enfin vaincue. Fritz Kasparek, Heinrich Harrer, Andreas Heckmair et Ludwig Vörg entraient alors dans l'Histoire.

21 juil. 2013, 08:32
Heinrich Harrer, Andreas Heckmair (avec le pic), Ludwig "Wiggerl" Voerg et Fritz Kasparek, de gauche à droite après leur exploit.

"A moitié gelés, fourbus et écorchés, nous avons enfin atteint le sommet", se rappelait l'alpiniste Fritz Kasparek. "La tempête avait encore gagné en intensité et soufflait de face. (...) Nous sommes redescendus de quelques mètres pour nous serrer la main."

Vingt-quatre juillet 1938, 15h30: pour la première fois, des hommes viennent à bout des 1650 mètres de la face nord de l'Eiger, la "paroi de la mort" soi-disant invincible. Les héros se nomment Fritz Kasparek, Heinrich Harrer, Andreas Heckmair et Ludwig Vörg. Les deux premiers sont Autrichiens, les deux derniers Allemands.

Avant eux, plusieurs cordées ont déjà tenté leur chance au cours des années précédentes, sans le moindre succès. La montagne bernoise a même ravi la vie de neuf alpinistes. Elle suscite l'ire du "Alpine Journal", qui n'hésite pas à taxer la face nord "d'obsession pour les détraqués de l'esprit de presque tous les pays".

Le gouvernement du canton émet même en 1936 une interdiction de gravir de courte durée. L'année suivante, il libère les guides de montagne locaux de l'obligation de secourir les alpinistes accidentés sur la fameuse paroi. L'effet dissuasif ainsi escompté n'est toutefois pas atteint: les candidats continuent d'affluer.

L'union fait la force

Rien ne prédestine les quatre vainqueurs du 24 juillet 1938 à faire route commune. Le 21 juillet, les deux duos entament l'ascension séparément, les Autrichiens d'un côté et les Allemands de l'autre. Plus haut, ils décident d'unir leurs forces, ce dont chacun profite. Les Allemands sont mieux équipés, tandis que leurs homologues connaissent la descente du côté ouest.

Ils se battent durant trois jours et trois nuits, endurant le mauvais temps et plusieurs avalanches. Leur association relève plus des aléas du destin que d'une volonté réfléchie. Toutefois, juste après l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne, la propagande nazie exploite l'événement pour mettre en exergue le Troisième Reich.

Eloges de Hitler

Cette "victoire sur la paroi des titans" est fêtée comme symbole de la détermination et de la force commune des peuples du "royaume pangermanique". Adolf Hitler accueille personnellement les quatre alpinistes de retour sur leurs terres.

Les habitants de l'Oberland bernois appelaient eux aussi cette première ascension réussie de leurs voeux. Pour une toute autre raison toutefois, comme le déclare alors un citoyen de Grindelwald au journal "Bund": "Ce bazar de touristes va maintenant enfin s'arrêter".

Fascination éternelle

Cela restera un voeu pieux. La face nord de l'Eiger continue de fasciner et d'attirer les alpinistes, qui découvrent au fil des ans plus de 30 nouvelles voies d'escalade. Les accidents graves demeurent eux aussi courants, quelque 70 vies humaines remplissant le carnet noir de la paroi. "Même aujourd'hui, la face nord ne pardonne aucune erreur", écrivait dernièrement le "Berner Oberländer".

De nos jours, les alpinistes de pointe effectuent l'ascension en quelques heures. L'Uranais Daniel Arnold, avec un temps de 2 heures et 28 minutes, détient depuis 2011 le record sur la voie historique ouverte par Andreas Heckmair.

Trajectoires différentes

Les quatre héros du 24 juillet 1938 connaissent après leur exploit des trajectoires bien différentes. Heinrich Harrer devient mondialement célèbre. Il séjourne sept ans au Tibet pendant la Deuxième Guerre mondiale, se lie d'amitié avec le Dalai Lama, parvient à masquer son passé nazi durant des décennies et décède à l'âge de 94 ans.

Andreas Heckmair s'applique quant à lui à garder ses distances avec les Nazis. Honoré toute sa vie comme héros de l'Eiger, il meurt en 2005 à 98 ans.

Ludwig Vörg, alors brigadier dans l'armée allemande, tombe en 1941 lors de la campagne de Russie. Fritz Kasparek rejoint pour sa part les SS après son exploit dans l'Oberland bernois, et combat en France et en Russie. Quelques années après la fin de la guerre, il fait une chute fatale à l'occasion d'une expédition dans les Andes.

Votre publicité ici avec IMPACT_medias