En tirant ce jeudi le bilan de sa présence au Forum économique mondial (WEF), Alain Berset a insisté sur les limites de l’exercice: «Ce n’est pas un endroit où nous signons des accords. Il s’agit d’un point de dialogue.»

Le président de la Confédération a pris l’exemple des négociations entre la Suisse et l’Union européenne (UE), après l’échec de l’accord-cadre en mai 2021. Il a martelé que les discussions se passent à Berne et Bruxelles et non à Davos. Même s’il y a brièvement rencontré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

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Il en va de même pour les livraisons d’armes et de munitions produites en Suisse à l’Ukraine. «Les échanges de vues se déroulent sur le plan bilatéral», a déclaré le chef du gouvernement. Cela signifie que la Confédération examine chaque demande de réexportation de matériel de guerre helvétique émanant de pays étrangers. La fourniture d’armement à l’Ukraine a été très débattue lors des quatre derniers jours du Forum.

Intransigeance critiquée

Si l’intransigeance de pays comme la Suisse a été critiquée par le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg, le conseiller fédéral fribourgeois souligne que la position de la Confédération a été bien comprise par les chefs d’Etat présents dans la station grisonne.

«Je ne trouve pas la critique d’Ursula von der Leyen si brutale. Elle affirme que l’abstention n’est pas une option et que la décision en matière de réexportation revient à la Suisse», a-t-il dit.

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Selon le ministre de l’Intérieur, Berne respecte la neutralité inscrite dans le droit international. La Confédération est cependant disposée à répondre à la lettre de Volodymyr Zelensky. Dans sa missive, le président ukrainien présente le plan de paix de son pays qui passe par la reconquête des territoires occupés par la Russie.

En fin de conférence de presse, Alain Berset a été interrogé sur l’affaire des fuites qui touche son département. Il s’y attendait et a botté en touche: «Je me suis déjà exprimé à ce propos.» Pas sûr que ce discours tienne la semaine prochaine: les commissions de gestion pourraient demander l’audition du Fribourgeois et le Conseil fédéral pourrait se pencher sur la question, comme l’a indiqué Ignazio Cassis ce jeudi à la SRF.

La politique et la justice

Justement, si la politique compte accentuer son étude du «cas Berset», la justice, elle, va à son rythme. C’est que cette affaire est d’une ampleur rare. «Elle est hors normes car les soupçons initiaux étaient dirigés contre des membres du Ministère public de la Confédération. Raison pour laquelle il a fallu nommer un procureur fédéral extraordinaire», analyse Alain Macaluso, professeur de droit pénal à l’Université de Lausanne et avocat.

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Ce procureur, Peter Marti, s’est lancé au début 2021 dans une première enquête pour des fuites dans l’affaire d’espionnage Crypto, du nom de cette entreprise suisse qui aurait été utilisée par des services de renseignements étrangers pour intercepter des messages dans le monde entier.

Lors de ses recherches, il a découvert d’autres méfaits présumés lors de la gestion de la crise Covid par le Conseil fédéral et étendu son enquête. Il a alors porté des accusations contre l’ancien chef de la communication d’Alain Berset, Peter Lauener, soupçonné d’avoir transmis des informations confidentielles au «Blick» en violation du secret de fonction.

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Cette enquête est à l’arrêt, notamment car le matériel informatique saisi est sous scellé et que Peter Lauener a déposé plainte pour abus d’autorité contre le procureur extraordinaire. Cette plainte est instruite par un autre procureur extraordinaire désigné, Stephan Zimmerli. L’ancien communicant a aussi requis que des e-mails déjà versés aux dossiers en soient retirés.

L’issue de toutes ces procédures complexes et imbriquées est incertaine. Tout comme le temps que prendra leur résolution – on parle de mois, voire d’années.

Tout reprendre à zéro

Pour Alain Macaluso, il y a probablement eu des erreurs procédurales ici ou là, «comme c’est souvent le cas dans ces dossiers très compliqués. La loi prévoit que l’intervention d’un procureur fédéral extraordinaire n’est justifiée qu’en cas de poursuite pénale dirigée contre un procureur fédéral. Cela crée un cadre de compétence très limité.

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Ainsi, Peter Marti, quand il a considéré que les soupçons d’infraction ne pointaient plus vers un membre du Ministère public fédéral mais vers un tiers, aurait probablement dû clôturer son enquête et dénoncer les faits et la personne concernée au Ministère public ordinaire», estime le professeur.

Samedi dernier, la presse alémanique a publié de larges pans du dossier pénal monté par Peter Marti. On y découvre de nombreux échanges entre Peter Lauener et le CEO de Ringier, éditeur du «Blick», ainsi que des détails sur les auditions d’Alain Berset et de Peter Lauener.

Le Ministère public de la Confédération réclame désormais la nomination d’un troisième procureur extraordinaire afin d’enquêter sur ces nouvelles fuites.

Aujourd’hui, le risque est grand que tout le travail de Peter Marti n’ait servi à rien. Pour Alain Macaluso, «si l’acte qui est à la base de l’extension de la première enquête à Peter Lauener devait s’avérer nul, on devrait tout recommencer à zéro».

La Liberté

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