La montagne est belle et à peu près tout le monde souhaiterait la préserver. Or, l’été que nous venons de connaître a montré, si c’était encore nécessaire, que le changement climatique pouvait être cruel avec les environnements montagneux et les activités qui en dépendent.

La sécheresse record a mis à mal la végétation et les troupeaux qui en dépendent et les glaciers ont fondu à une vitesse que l’on peine à imaginer.

Dans un tel contexte en continuelle mutation, définir une économie durable des montagnes tient presque du paradoxe. Réuni lors du dernier Swiss Geoscience Meeting (SGM), organisé du 18 au 20 novembre derniers à Lausanne, un ensemble d’experts s’est penché sur le sujet.

Un manque de visibilité

«Les questions de montagne sont bien moins présentes dans les cadres internationaux en comparaison, par exemple, aux régions côtières ou aux mégapoles», déplore Stefan Schneiderbauer, du Centre for Global Mountain Safeguard Research de Bolzano (Italie).

Une situation d’autant plus dommageable, continue-t-il, que la moitié des régions du monde dépendent des contributions naturelles des zones montagneuses. En cause, selon lui: la diversité des montagnes, rendant difficile la communication à leur sujet.

La situation évolue néanmoins doucement. 2022 a été déclarée année internationale de la durabilité dans les régions montagneuses par l’ONU et le dernier rapport du Giec, sorti fin février, leur consacrait un chapitre entier.

En attendant, il va surtout s’agir de rendre les activités humaines plus résilientes, c’est-à-dire réduire leur vulnérabilité aux chocs engendrés par le réchauffement climatique. Car bâtir des activités économiques respectueuses de l’environnement ne suffira pas si elles ne peuvent survivre aux nouveaux extrêmes et à ceux à venir.

Le pastoralisme en illustration

Ce constat s’applique à l’ensemble des activités économiques, du tourisme à la production énergétique en passant par l’agriculture, notamment l’élevage en pâturage. Cette dernière activité illustre parfaitement la vulnérabilité de la situation.

Les éleveurs que nous avons interrogés craignent un climat encore plus marqué par la sécheresse estivale dans le futur.

Claire Deléglise, ingénieure de recherche à l’INRAE

Descente précoce d’une partie des troupeaux, utilisation de stocks de réserve de fourrage et montées quotidiennes de nourriture et d’eau pour les bêtes restées en altitude ont permis aux exploitations de survivre à la sécheresse de 2022.

Ceci a toutefois eu un coût économique non négligeable, accompagné d’une baisse de production à prendre également en compte, démontrant, s’il le fallait encore, la vulnérabilité du pastoralisme à ce type d’événement.

«Les éleveurs que nous avons interrogés craignent un climat encore plus marqué par la sécheresse estivale dans le futur», souligne Claire Deléglise, ingénieure de recherche en agronomie à l’Institut national pour la recherche en agronomie et environnement (INRAE), en France.

Après avoir collaboré avec l’Agroscope de Changins sur les impacts des sécheresses sur les herbages en milieu pastoral, elle a poursuivi ses travaux avec un groupe d’éleveurs dans les Préalpes françaises. Avec ses collègues, elle cherche à identifier les leviers et les barrières à une meilleure résilience des élevages de montagne.

Se transformer ou disparaître

«Globalement, pour les éleveurs, l’objectif est de gagner en souplesse et en résilience à l’échelle de la ferme, pour rester le plus autonome possible, tout en gardant la même capacité de production», relève l’ingénieure.

Parmi les options envisagées: l’obtention de plus grandes surfaces de pâturage, la sécurisation et l’optimisation des ressources fourragères ou la diminution du cheptel, compensée par une meilleure productivité individuelle.

Une mise en réseau des éleveurs entre eux, privilégier les circuits courts pour la revente des produits ou encore la diversification des activités sont également des pistes à suivre.

La résilience implique l’évolution.

Davnah Urbach, directrice du GMBA

Le constat des chercheurs présents au SGM est sans appel: des adaptations temporaires à des événements climatiques ponctuels ne suffiront plus. Les solutions à court terme ne seront pas suffisantes à long terme. Ou pour reprendre les termes de Davnah Urbach, directrice du Global Mountain Biodiversity Assessment (GMBA) à Berne: dans un tel contexte, «la résilience implique l’évolution».

En montagne, la durabilité au défi du changement climatique

Rendre plus durables nos activités dans un environnement en changement permanent semble plus facile à dire qu’à faire, même de l’avis d’experts.