Les livraisons des fournisseurs au Centre Riesen, à Granges-Paccot (FR), c’est comme les blagues de Carambar: on ne sait pas sur quoi on va tomber et ça ne fait rire personne. En tout cas pas Christian Riesen, le directeur de cette entreprise spécialisée dans l’aménagement de cuisines et l’électroménager. «Ce n’est qu’une fois le camion ouvert que nous nous rendons compte qu’il manque des lave-vaisselle ou des frigos», soupire-t-il. «Le fournisseur peut aussi nous avertir du retard seulement trois jours avant la livraison d’une commande passée trois mois plus tôt…»

Le Covid-19 a grippé toute la chaîne de production et de logistique d’une bonne partie du commerce mondial: délais de livraisons non respectés, pénurie de pièces détachées, livraisons incomplètes. Le Centre Riesen a connu la totale, comme d’autres entreprises helvétiques qui travaillent à flux tendu. Dernière grosse tuile en date: il devait recevoir en novembre 300 colonnes de lavage à installer dans un quartier d’immeubles. Elles n’arriveront pas avant janvier-février prochains.

Un an pour un lave-vaisselle

Les frigos de 178 cm de hauteur intégrale? Il n’y en a quasiment plus sur le marché. Pour une marque de lave-vaisselle, c’est un an d’attente. «Nous sommes dans une situation catastrophique qui n’a fait que de se dégrader depuis le début de l’année», se préoccupe le patron. «Et tous les indicateurs nous font penser que ce sera pire en 2022.»

Fournisseur de Riesen, le fabricant suisse d’électroménager Miele reconnaît subir depuis la fin de l’année dernière de gros retards de livraison dans certaines gammes de produits, notamment celles des lave-vaisselle, des lave-linge et des sèche-linge, ainsi que pour certains modèles d’aspirateurs. «Les délais d’attente peuvent aller jusqu’à douze semaines», concède la porte-parole Barbara Kaiser.

Les délais d’attente peuvent aller jusqu’à douze semaines.

Barbara Kaiser, porte-parole de Riesen

Il faut dire que les fabricants en Suisse sont aussi victimes par effet domino des goulets d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement et de la pénurie de pièces détachées. En particulier les semi-conducteurs, composants électroniques indispensables à la production de nombre d’appareils.

De nombreux secteurs d’activité en Suisse naviguent ainsi à vue, sans garantie sur les délais de livraison, ni sur les quantités. Prenons le commerce de vélo qui cartonne avec 24,4% de hausse des ventes en 2020. Chez le spécialiste romand Ciclissimo, les clients doivent patienter entre trois mois et une année avant de pouvoir enfourcher leur commande.

Autres marques proposées

Les mauvaises surprises, c’est la routine. «Nous avons reçu récemment 800 vélos sur les 1000 commandés», s’impatiente Raul Villafuerte, responsable de l’atelier, à Vésenaz. «Certains vélos ne sont carrément plus livrés. Tout dépend des marques. Beaucoup de groupes entiers comme les transmissions (dérailleurs, cassettes, etc.) ou les freins sont aussi indisponibles avant fin 2022 chez certaines marques.» Et il suffit qu’une pièce manque au puzzle pour ne pas pouvoir assembler le vélo.

L’entreprise fait tout pour ne pas pédaler dans le yaourt. Elle peut puiser dans le volume de stock de ses dix magasins en Suisse romande pour répondre aux attentes du client. «Nous passons aussi des commandes assez grandes pour avoir de la marge», ajoute Raul Villafuerte. «Sinon, nous proposons une autre marque comme SRAM plutôt que Shimano, qui a des problèmes de production. Le haut de gamme, ce sont des matériaux mieux travaillés (titane et carbone) et donc plus difficiles à obtenir.»

Nous passons aussi des commandes assez grandes pour avoir de la marge.

Raul Villafuerte, responsable de l’atelier Ciclissimo à Vésenaz (GE)

A l’inverse de Ciclissimo, nombre de commerces de vélos ne parviennent pas à assurer les services ou réparations dans les délais en raison du manque de pièces détachées telles que les chaînes ou les cassettes pour pignons.

Même son de cloche chez les garagistes qui ont du mal à tenir les délais habituels des réparations. Les pièces standards comme les plaquettes de frein ou des filtres à air sont plus disponibles que des pièces particulières du type crochets d’attelage, boîtiers, pièces de carrosserie, pièces électriques contenant des semi-conducteurs ou les modules de batteries à haut voltage. «En fait, tout dépend du fabricant et du type de pièce», relève l’Union professionnelle suisse de l’automobile (UPSA).

Voitures mises de côté

Le garage Lanthemann, à Cortaillod (NE), s’en sort bien avec les réparations basiques, quitte à recourir au système D. «Pour les pièces très concurrentielles, comme les disques de freins, nous nous tournons vers d’autres fournisseurs», souligne le patron Gaël Lanthemann. «Le gros problème, c’est que nous n’arrivons pas à avoir de délais fixes de la part de nos fournisseurs. Par exemple pour des véhicules neufs, il faut habituellement compter 2 à 3 mois d’attente. Mais si la voiture a des soucis avec les semi-conducteurs, les fabricants mettent le véhicule de côté, le temps d’obtenir les pièces. Cela peut aller jusqu’à 8 mois.» Et plus il y a d’options, plus il y a de risques de retard.

Le carnet de commandes du garage est aussi bien rempli que l’an passé avec près de 500 contrats.

Gaël Lanthemann, patron du garage Lanthemann à Cortaillod (NE)

Pas de quoi mettre en difficulté financière le garage. Les reports de ventes de cette année devraient gonfler le chiffre d’affaires en 2022 grâce à l’effet de rattrapage. «Le carnet de commandes du garage est aussi bien rempli que l’an passé avec près de 500 contrats», apprécie le responsable. «Un seul a été rompu.»

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