Cela fait si longtemps qu’on annonce la mort du secret bancaire. Une étape décisive a enfin été franchie, hier, avec le feu vert donné par le Conseil national à l’échange automatique de renseignements en matière fiscale.
Ce changement de paradigme va concerner les comptes en Suisse des résidents étrangers, ainsi que ceux à l’étranger des résidents suisses. Le principe du secret bancaire restera toutefois de mise pour les comptes en Suisse des résidents suisses.
«Aujourd’hui est un jour historique: nous institutionnalisons une révolution en Suisse», s’est enflammée Ada Marra (PS, VD). «Qui aurait parié il y a seulement sept ans sur la mort du secret bancaire?» L’enthousiasme à gauche contraste avec une certaine résignation à droite, car c’est sous la pression internationale que la Suisse fait ce pas.
«Devant le fait accompli»
Dominique de Buman (PDC, FR) confesse son «sentiment désagréable d’être mis devant le fait accompli». Mais pour le Fribourgeois, «la Suisse ne peut pas manquer le train de la nouvelle gouvernance internationale. L’ensemble de notre économie est en jeu, pas seulement la place financière». Dans la même veine, Jean-René Germanier (PLR, VS) soutient que «l’échange automatique de renseignements est devenu un principe universel et il n’est pas question d’ignorer cette réalité». Le rejeter serait, selon le Valaisan, «irresponsable pour la place économique suisse qui se retrouverait isolée».
L’UDC a tenté le baroud d’honneur en s’opposant au projet. Thomas Matter (UDC, ZH) y voit une étape vers la fin du secret bancaire en Suisse aussi. Et pour Thomas Aeschi (UDC, ZG), «la Suisse doit réapprendre à négocier plus fermement avec l’étranger». Une attitude critiquée pour son opportunisme par tous les autres partis: «L’UDC pourra ainsi se vanter d’avoir été l’ultime défenseur de l’ancien secret bancaire», dénonce Anne Mahrer. Et la verte genevoise de souligner qu’il n’y a «aucune alternative réaliste» et que le projet a le soutien tant du secteur financier que des cantons.
Vers une amnistie fiscale
Au niveau de l’examen de détail, le point le plus sensible a été la question de l’utilisation des données que la Suisse va recevoir de l’étranger, suivant le principe de la réciprocité. Cela concerne l’argent que des résidants suisses ont placé dans des banques à l’étranger. L’UDC voulait instaurer un organe indépendant chargé de récolter ces données et de ne les transmettre au fisc que s’il y a un soupçon fondé de fraude fiscale. Une proposition que la majorité a jugée par trop bureaucratique. En revanche, le principe de la transmission de ces données aux fiscs cantonaux n’a été acquis qu’à une seule voix de majorité.
Pour y échapper, il n’y a qu’à rapatrier l’argent au noir dans des banques en Suisse, a malicieusement laissé entendre, par deux fois, la ministre des Finances, Eveline Widmer-Schlumpf. Le Conseil national y a ajouté une autre cautèle sous la forme d’une amnistie fiscale en cas de déclaration de l’argent planqué à l’étranger, un vote acquis à cinq voix de majorité.
A l’horizon 2018
Il devra encore se prononcer, la semaine prochaine, sur un projet parallèle de renforcement de la lutte contre le blanchiment d’argent. Mais la droite est fermement opposée à ce qu’elle qualifie de «Swiss finish» superflu. «Un monstre marin à faire disparaître dans les profondeurs du département dont il n’aurait jamais dû sortir», image Andrea Caroni (PLR, AR). «Les banques ne sont pas le bras armé du fisc», ajoute Jean-François Rime (UDC, FR).
Toutes ces options devront ensuite être confirmées par le Conseil des Etats. L’entrée en vigueur de l’échange automatique de renseignements se profile à l’horizon 2018. Pour qu’il devienne réalité, il faudra encore en passer par un accord avec chaque pays individuellement, sous forme de traité ou d’activation bilatérale. Les négociations ont déjà abouti avec l’Union européenne et l’Australie.