Crainte de devoir compenser un manque de recettes fiscales, insécurité liée au franc fort, mécanisme favorisant les revenus élevés: de multiples motifs ont plombé dimanche l'initiative du PDC visant à exonérer les allocations familiales de l'impôt. Les partis avancent d'autres remèdes pour aider les foyers.
Le sentiment d'instabilité a contribué à pousser les Suisses à glisser un "non" dans l'urne, analyse Lucrezia Meier-Schatz. La conseillère nationale (PDC/SG) évoque un "effet franc fort".
Pirmin Bischof, conseiller aux Etats (PDC/SO), déplore l'isolement de son parti, "attaqué à gauche et à droite". Parmi les autres formations, seul l'UDC avait appelé à accepter le texte, mais une dizaine de ses sections cantonales avaient prôné le "non".
L'épouvantail des pertes fiscales a également joué un rôle déterminant, relève Mme Meier-Schatz, également directrice de l'organisation Pro Familia. "Les ministres des finances des cantons ont beaucoup mis en avant cet aspect."
Un avis que son collègue de parti Peter Hegglin, président des argentiers cantonaux, ne partage pas. La Conférence des directeurs cantonaux des finances n'a pas mené campagne contre le texte; elle s'est contentée d'avertir la population des pertes fiscales en cas de "oui", assure le conseiller d'Etat du canton de Zoug.
Crainte de devoir compenser
Ces mises en garde ne sont pas restées lettre morte. Le conseiller national Raymond Clottu (UDC/NE) a constaté sur le terrain que "les retraités ont eu peur de devoir passer à la caisse" pour combler le manque de recettes.
L'initiative du PDC "était un cadeau empoisonné", renchérit le conseiller national Ruedi Noser (PLR/ZH). Car l'imposition aurait augmenté à l'échelon communal, estime-t-il.
Pascal Broulis: "excellent!"
"Excellent!", s'est enthousiasmé le ministre des finances du canton de Vaud Pascal Broulis (PLR), réagissant au résultat. Exonérer les allocations familiales de l'impôt aurait ouvert une boîte de Pandore: d'autres soutiens auraient pu devenir susceptibles de bénéficier du même régime. Le grand argentier se réjouit d'avoir pu préserver 83 millions de recettes fiscales.
Un autre motif a coulé l'initiative populaire, selon le PS. Le mécanisme proposé pour soutenir les familles "était fondamentalement injuste", vu qu'il favorisait davantage les revenus élevés, souligne la conseillère nationale Rebecca Ruiz (PS/VD).
Une analyse partagée par le PBD. Le conseiller national bernois Lorenz Hess voit les raisons de l'échec du projet dans le fait qu'il était "cher et injuste".
Solutions alternatives
Les partis ne perdent toutefois pas de vue la nécessité d'aider les familles avec enfants. Les perdants du jour rappellent leurs autres projets actuellement en cours au Parlement, à l'instar de la gratuité des primes d'assurance maladie pour les enfants, ou de rabais d'impôts supplémentaires.
Les socialistes estiment eux judicieux de soutenir les foyers en "augmentant les allocations familiales". Rebecca Ruiz annonce vouloir déposer une initiative parlementaire en ce sens. "Je proposerai une hausse de 50 francs par mois."
Les Verts plaident pour la généralisation de l'horaire continu dans les écoles, qui doit permettre aux deux parents de travailler plus facilement. Ils appellent aussi à la création d'un Secrétariat d'Etat pour les familles.
L'UDC a une autre solution. Des rabais fiscaux doivent soulager les "familles qui ne recourent pas à la garde extra-familiale, comme nous l'avions déjà proposé" dans une initiative refusée récemment. Le conseiller national Raymond Clottu espère que les partis ne rechigneront pas à former des alliances. Il pense notamment au PDC.
PDC positif en vue des élections
En pleine année électorale, le résultat de dimanche comporte une dimension supplémentaire. Mais le PDC ne pense pas que cela prétérite ses chances cet automne.
Lucrezia Meier-Schatz se réjouit au contraire de la mobilisation de la base du parti. "Nous avons même attiré des votants au-delà de notre électorat", affirme-t-elle. "Cette défaite ne constitue pas un mauvais présage en prévision des élections d'octobre prochain, au contraire".