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Adoptions illégales: le Conseil fédéral exprime ses regrets concernant le Sri Lanka

Le Conseil fédéral a reconnu ce lundi avoir fait preuve de manquement concernant les adoptions d’enfants srilankais dans les années 70 jusqu’aux années 90. Ces adoptions cachaient en fait un commerce international organisé.

14 déc. 2020, 10:55
Quelque 900 enfants srilankais ont été adopté en Suisse, le plus souvent dans l'illégalité, selon une étude de la Haute école zurichoise spécialisée en sciences appliquées (image d'illustration).

Les autorités suisses ont fait preuve de manquements en n’empêchant pas les adoptions d’enfants srilankais malgré les indices d’irrégularités parfois graves, a reconnu lundi le Conseil fédéral. Les abus s’étendent des années 70 aux années 90.

 

 

«Le Conseil fédéral exprime ses regrets sincères envers les personnes adoptées et leurs familles», a déclaré la ministre de la justice Karin Keller-Sutter devant la presse, suite à un rapport publié en réponse à un postulat de la conseillère nationale Rebecca Ruiz (PS/VD). La Confédération et les cantons n’ont à l’époque pas assumé leur responsabilité envers ces personnes adoptées.

Ces manquements sont «manifestes et incompréhensibles», a indiqué la conseillère fédérale. Ils marquent encore aujourd’hui la vie de «ces enfants adoptés qui sont aujourd’hui adultes et veulent savoir d’où ils viennent et ce qui s’est passé», a-t-elle ajouté.

Démarches longues et compliquées

Le Conseil fédéral va prendre des mesures pour soutenir davantage les adoptés dans la recherche de leurs origines. Ces démarches peuvent être longues, compliquées, coûteuses et psychologiquement éprouvantes, sans aucune garantie de succès, souligne le rapport. Il apparaît urgent de développer ce secteur en Suisse.

L’Office fédéral de la justice va ainsi renforcer ses relations avec les pays d’origine partenaires et rechercher avec eux des solutions pour les cas concrets. Il va aussi poursuivre ses efforts pour améliorer les possibilités de soutien et de recherche, en collaboration avec les cantons, l’autorité centrale du Sri Lanka, les services de recherche et l’association «Back to the Roots», qui représente les intérêts d’adoptés du Sri Lanka.

Nous ne pouvons pas changer ce qui s’est passé
Fredy Fässler, président de la Conférence des directeurs des départements cantonaux de justice et police

Si la Confédération est prête à offrir son soutien, c’est avant tout aux cantons que cette tâche incombe, a rappelé la conseillère fédérale. Ceux-ci sont disposé à agir, a précisé le président de la Conférence des directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP).

«Nous ne pouvons pas changer ce qui s’est passé», a regretté Fredy Fässler. Les cantons sont toutefois prêts à soutenir aussi bien que possible les personnes concernées dans leurs recherches et veulent s’assurer que de telles pratiques ne se reproduisent pas à l’avenir.

Commerce international organisé

Malgré des indices manifestes sur des pratiques illégales, les autorités ont traîné à prendre des mesures pour mettre fin à ces dysfonctionnements, comme l’a révélé une étude publiée en février par la Haute école zurichoise spécialisée en sciences appliquées (ZHAW).

Cette enquête indique que près de 11’000 enfants srilankais ont été fournis à des parents dans différents pays européens dans le cadre d’un commerce international organisé, souvent illégal. Les autorités helvétiques ont eu connaissance au plus tard dès fin 1981 d’irrégularités et de cas de trafic d’enfants, révèle l’étude.

Les cantons étaient chargés de contrôler les organismes d’adoption. Les procédures étant transfrontalières, ce sont toutefois les autorités fédérales qui étaient responsables en dernier ressort. Des voix critiques s’étaient fait entendre dès le milieu des années 1970 au sein du Département fédéral de justice et police (DFJP), constate l’étude.

«Fermes à bébés» avec géniteurs blancs

Au total, 881 adoptions ont été accordées entre 1973 et 1997. Les Srilankais adoptés étaient le plus souvent des bébés de quelques semaines ou de jeunes enfants. Ils provenaient de «fermes à bébés», où l’on faisait aussi appel à des hommes blancs pour produire des enfants à la peau la plus claire possible.

Les parents suisses payaient entre 5000 et 15’000 francs pour un enfant. Les mères srilankaises ne recevaient quant à elles que quelques dollars ou même seulement une bouteille thermos. Les intermédiaires au Sri Lanka, parmi lesquels des avocates, étaient eux grassement payés.

A Neuchâtel, une vingtaine d’adoptions en provenance du Sri Lanka ont été recensées durant cette période, a précisé le conseiller d’Etat neuchâtelois Alain Ribaux. Sur les quelques demandes de soutien parvenues au canton, une a débouché sur une «collaboration intense avec l’évocation d’un possible voyage soutenu par une fondation privée.»

Le Conseil fédéral veut désormais élargir l’étude historique des adoptions illégales en Suisse. Il s’agira notamment d’établir s’il existe des indices d’irrégularités systématiques lors d’adoptions en provenance d’autres pays. Un groupe d’experts passera le système actuel à la loupe. Si l’étude devait révéler des failles, le gouvernement proposerait des modifications de loi.

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