«C’est presque un peu une relation filiale. Je suis né à 100 mètres de la halle-cantine. Dès ma plus tendre enfance, le Marché-Concours était une des attractions principales de l’année. Pas seulement les chevaux, la fièvre des préparatifs qui entoure cette manifestation», confie Jean-Pierre Beuret, président d’honneur.

Le père de l’ancien ministre jurassien l’entraîne rapidement dans l’organisation de l’événement. «Tout petit, j’allais amener les cartons avec les numéros pour l’exposition des chevaux. Le Marché-Concours a aussi accompagné toutes nos sorties de jeunesse.

«Le hasard a voulu que les organisateurs m’aient sollicité en 1987 pour trouver un avenir à la manifestation», poursuit celui qui en sera président à partir de cette année-ci jusqu’en 2003. «Toute ma vie s’est déroulée en parallèle à l’évolution du Marché-Concours.»

Défendre le cheval des Franches-Montagnes

A la fin du 19e siècle, les éleveurs francs-montagnards entendent défendre la race chevaline indigène. «Ils sont déterminés à établir un registre officiel propre à celle-ci», explique Jean-Pierre Beuret. Avec la Confédération, l’armée surtout, «le conflit est larvé». Les militaires privilégient le cheval demi-sang.

A l’époque, le débat est passionné. La Société d’agriculture des Franches-Montagnes décide d’organiser un marché exposition. Le premier Marché-Concours est organisé du 28 au 30 août 1897 à Saignelégier. Deux cents chevaux y sont présentés et jugés.

«Progressivement, la Confédération s’est laissée convaincre», relève Jean-Pierre Beuret. Le Franches-Montagnes est utilisé comme cheval de train, notamment. «Nous savons que le général Guisan était un adepte du cheval des Franches-Montagnes. Après 1945, il a continué de venir au Marché-Concours. Il a pu effectuer un pont intéressant entre l’armée, le Haras fédéral et le milieu des Franches-Montagnes.»

Vaillant et la halle-cantine: deux coups de pouce

Dans ce contexte, le destin donne un coup de pouce aux Francs-Montagnards. Le 5 avril 1891 naît Vaillant, l’étalon considéré comme le fondateur de la race. «Véritable phénomène de l’élevage», il fut le père de sept étalons éprouvés. Aujourd’hui, son sang est si répandu qu’on trouve sa trace dans quasiment tous les certificats d’ascendance.

Outre l’établissement d’un registre généalogique, il est très vite apparu que le Marché-Concours avait besoin d’une infrastructure permanente. «En janvier 1904, l’assemblée communale consent un crédit de 30 000 francs pour cet ambitieux projet», relate Jean-Pierre Beuret.

La halle-cantine a été bâtie en 1904. © Christian Galley

«C’est une histoire formidable. Un bâtiment de cette importance, si nous devions l’imaginer aujourd’hui, nous en aurions au moins pour 10 ans», dit-il. En effet, le bâtiment est sous toit pour l’édition de 1904 déjà. « Ce n’est pas simplement une construction en bois, la fondation est en pierre calcaire. En pratiquement 120 ans, elle n’a pas bougé.»

Une recette éprouvée et gagnante

«La recette du Marché-Concours, c’est d’abord la cohabitation entre les chevaux et la foule. Dès le samedi matin, les observateurs sont impressionnés par le fait qu’autour de la halle nous avons, sans précaution particulière, un mélange de chevaux et de public. Ils se côtoient dans la bonne humeur. Cette symbiose est à la base du succès du Marché-Concours», se réjouit Jean-Pierre Beuret.

Des courses de chevaux ont été organisées dès la naissance du Marché-Concours. © SP

Des courses ont très vite été organisées. «Il est possible que c’était pour montrer à l’armée que c’était un cheval agile capable de courir. Les courses ont évolué de manière considérable. Nous constatons que ces chevaux n’ont rien à envier aux demi-sang. Ils sont devenus rapides tout en conservant leur excellent caractère», juge Jean-Pierre Beuret.

Le quadrille – souvent imité, jamais égalé – tient aussi une place importante. «Des jeunes filles qui montent à cru, des costumes adaptés à la monte, les voitures, nous montrons que nous restons très attachés aux traditions de la terre.»

Des cantons et des conseillers fédéraux invités

Le canton d’Argovie est à l’honneur cette année. Depuis l’entrée en souveraineté du Jura en 1979, la tradition veut qu’un canton soit invité au Marché-Concours. Berne ne l’a jamais été. Mais, rappelle Jean-Pierre Beuret, il a été présent chaque année jusqu’en 1973. Le Marché-Concours était d’ailleurs une «chapelle» pro bernoise.

A partir de 1973, la manifestation s’est un peu ouverte. D’abord aux districts de Delémont et de l’Ajoie, puis aux villes – Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds y ont participé.

Puis, dès 1979, le Marché-Concours s’est ouvert aux cantons. «C’est devenu une tradition», note Jean-Pierre Beuret. Ils se poussent d’ailleurs au portillon. «Lorsque j’ai présidé la manifestation pendant 17 ans, nous établissions la liste trois-quatre ans à l’avance.»

Il en va de même ces dernières années avec les conseillers fédéraux. «Maintenant que la tradition est établie, il est rare qu’une année se déroule sans conseillère ou conseiller fédéral. Cette année, ce sera Guy Parmelin», relève-t-il.

Des affiches signées par des artistes

L’affiche du Marché-Concours est souvent signée par des artistes. «La première collaboration s’est déroulée en 1948 à l’instigation de Jean von Allmen, le père de Zouc, qui était le président de l’organisation du cortège. Il a commencé avec son ami Coghuf», explique Jean-Pierre Beuret. L’artiste a participé à la conception des chars et du cortège. Il a notamment mis en exergue les traditions des Franches-Montagnes comme le Baitchai.

D’autres ont suivi. Citons Lermite, Georges Froidevaux, Jean-Pierre Grosjean, Sylvère Rebetez, René Myrha, Liuba Kirova. «En 2015, en faveur d’une circonstance, le dessinateur Derib a été approché et a fait très belle affiche», relève encore Jean-Pierre Beuret. «En 1997, pour le centenaire, nous avons mandaté un bureau de graphisme qui nous a sorti le fameux logo du gamin et du cheval, qui est toujours en vigueur.»

Un livre pour le 125e et une fête

Pour marquer le 125e anniversaire du Marché-Concours, un livre a été édité. Jean-Pierre Beuret en a rédigé les textes. Ils retracent une partie de la riche histoire de la manifestation. De nombreuses photos d’archives et des reproductions d’affiches et de programmes l’enrichissent visuellement. Ce recueil d’une centaine de pages – «1897-2022. 125 ans de passion» – peut être commandé sur le site marcheconcours.ch.

Le traditionnel cortège – ici en 2001 – aura lieu dimanche 14 août. Christian Galley

Le Marché-Concours débute vendredi 12 août et se termine dimanche 14 août.

117e édition du Marché-Concours de Saignelégier: un grand millésime

Saignelégier a fêté ce week-end les 125 ans d’existence de la grande fête du cheval. L’occasion pour le conseiller fédéral Guy Parmelin de rassurer le milieu équestre quant au projet de révision de l’ordonnance sur l’élevage.