«Nous sommes très tristes.» Directrice opérationnelle du Verbier Festival, Câline Yamakawa accuse le coup au bout du fil ce jeudi. La 27e édition qui aurait dû se dérouler du 17 juillet au 2 août est purement et simplement annulée, la faute au coronavirus. «On est un festival international et intergénérationnel, il y avait beaucoup trop de risques. Le conseil de fondation a pris la seule décision possible.»
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Une décision qui fait forcément mal au fondateur Martin T. Engstroem; il n’avait jamais connu pareil scénario. Mais la sagesse a primé. «Les incertitudes étaient bien trop nombreuses. Notre public et nos musiciens viennent du monde entier avec un important brassage de population. On ne pouvait pas prendre la responsabilité d’une nouvelle flambée du virus», explique, la voix sombre, le timonier soucieux de préserver «la famille» du festival.
Pas de précipitation
Reste que le timing de l’annonce peut surprendre si l’on songe que d’autres grands raouts musicaux comme le Montreux Jazz ou le Paléo espèrent toujours pouvoir se dérouler normalement. Alors la situation de crise prévalant actuellement dans la station bagnarde qui serait un foyer infectieux a-t-elle précipité le couperet? «Pas du tout», tranche le Suédois d’origine. «C’est une décision réfléchie et discutée depuis un certain temps au sein du conseil de fondation.»
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Appel à la solidarité du public
Cette annonce intervient avant le déploiement d’infrastructures coûteuses comme le montage de la salle des Combins qui aurait dû commencer à la mi-mai. Malgré tout, la perte financière sera importante pour un festival dont le budget avoisine les 10 millions de francs.
«Mais on ressent déjà un fort élan de solidarité avec nos sponsors et donateurs qui nous ont assurés de leur soutien», se rassure Martin T. Engstroem qui pense pouvoir tenir le choc.
Les musiciens en revanche devraient durement pâtir de la situation, privés d’émoluments et sans assurance perte de gain. «On essaiera de les soutenir d’une manière ou d’une autre.» Le public est aussi appelé à se montrer solidaire, les détenteurs de billets pouvant choisir de faire don de la valeur – totale ou partielle – de leur achat.
La commune de Bagnes touchée
Autre «lésée» de ce coup de canif, la commune de Bagnes qui bénéficie d’importantes retombées économiques, près de 23 millions de francs par édition qu’elle se partage avec le canton. «C’est clair que le coup est rude mais la santé de tous doit primer. Comme membre du conseil de fondation, j’ai appuyé cette décision difficile mais sage», commente le président Eloi Rossier confronté à la perte d’un pilier de la saison estivale après les annulations en cascade de l’Xtreme et de la Patrouille des glaciers.
«C’est une suite de décisions regrettables mais logiques. Il faut savoir renoncer pour mieux rebondir. Il s’agit aujourd’hui d’assurer la pérennité du festival», argue le chef de l’exécutif bagnard qui assure vouloir maintenir sa subvention d’un peu plus de 1 million à l’événement musical.
Coup dur touristique de plus
Ce sont les hôteliers et les agents immobiliers qui font grise mine avec la perspective de près de 20 000 nuitées envolées. Arrivé en janvier à la tête de Verbier Tourisme, Simon Wiget regrette évidemment cette annulation mais la comprend.
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«On s’est déjà réuni par Skype avec les différents acteurs touristiques pour trouver des pistes en vue d’animer la station durant cette période. Mais on s’attend tous à passer un été très spécial. Après un hiver exceptionnel, on va vers l’inconnu», réagit l’Anniviard. «C’est la première fois en vingt-cinq ans que j’ai dû diffuser des messages incitant les gens à renoncer à venir chez nous!»
Un signal négatif?
Du côté des musiciens, c’est la douche froide. Ancien percussionniste du Verbier Festival orchestra et intervenant pédagogique régulier, Pascal Viglino a le moral en berne. Free-lance à 100%, il voit ses contrats annulés jour après jour depuis la fin février.
«C’est un choc car Verbier est une manifestation phare de l’été. Je crains que d’autres ne lui emboîtent le pas.» Et le Bas-Valaisan d’espérer que le festival marquera malgré tout le coup cet été avec divers événements. «Il faut montrer qu’il est là, bien vivant, pour les artistes et pour le public.»
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