Vu de loin, le monde du vin et celui de l’horlogerie n’ont pas grand-chose en commun.

A y regarder de plus près, les similitudes sont nombreuses, en particulier dans le haut de gamme. Qu’il s’agisse de production, de marketing ou de vente, les domaines viticoles et les manufactures suisses partagent le même champ lexical: ils mettent en avant l’artisanat, la tradition, l’innovation et la volonté de se rapprocher toujours plus de l’excellence. Avec l’ambition réitérée de «vendre du rêve» pour se démarquer de la concurrence.

Investissement réfléchi

Le groupe de luxe français LVMH a bien compris l’intérêt d’investir dans les deux secteurs, lui qui possède dans son portefeuille des marques horlogères, des maisons de champagne et plusieurs domaines viticoles.

Des horlogers ont également investi à titre personnel dans le vin: l’ancien président de Cartier Alain Dominique Perrin a choisi la région de Cahors; l’ancien CEO de Roger Dubuis, Carlos Dias, le Portugal; le président du groupe de luxe Richemont Johann Rupert, l’Afrique du Sud.

Le président de Chopard, Karl-Friedrich Scheufele, a fait le pas il y a tout juste 10 ans. En 2012, après plusieurs années de recherches, il rachète le domaine Monestier La Tour, dans le Périgord, où il est passé 20 ans plus tôt lors de son voyage de noces. Avec l’objectif de réaliser un vieux rêve: produire son propre vin. Une suite logique pour un passionné de longue date: dans les années 1990, il avait créé une œnothèque, La Galerie des arts du vin, avant de reprendre le Caveau de Bacchus.

Il faut du temps, beaucoup de temps, pour planter une vigne et la développer.

Karl-Friedrich Scheufele, patron horloger et vigneron

Situé dans l’appellation des Côtes de Bergerac, le domaine Monestier dispose d’un vignoble de 30 hectares et d’un château du XIIIe siècle, rénové par son ancien propriétaire, un homme d’affaires néerlandais.

«Quand nous sommes arrivés, tout était à faire au niveau viticole, souligne le néovigneron. Nous avons restructuré et rajeuni le vignoble puis créé des locaux techniques adaptés à la vinification parcellaire. Il y avait une part de risque, bien sûr. Mais c’était plus facile de se lancer ici, à partir d’une page blanche, que de le faire dans un domaine déjà établi.»

Précision et conviction

Karl-Friedrich Scheufele a baptisé son deuxième vin «Cadran», décliné en rouge, en blanc et en rosé. Un nom choisi en référence à son métier d’horloger et à l’installation sur un mur de la cave d’un cadran solaire réalisé par un artisan spécialisé.

«C’est le temps qui réunit le vin et l’horlogerie, souligne le propriétaire. Il en faut pour développer des mouvements horlogers et de grandes complications. Il faut aussi être précis et avoir une conviction. Avec le vin, c’est pareil: il faut du temps, beaucoup de temps, pour planter une vigne et la développer. Il faut aussi travailler avec précision et vigilance, sans rien laisser au hasard.»

Des vins abordables

Comme pour les montres, le prix du vin dépend très largement du prestige et de l’image renvoyée par la marque ou l’appellation – le fameux facteur «rêve». Un paramètre qui dessert Monestier par rapport au vignoble de Saint-Emilion, situé à moins de 50 kilomètres. Les prix des vins du domaine – entre 15 et 25 francs – ne sont d’ailleurs pas comparables à ceux de grands châteaux bordelais. «On a un peu augmenté les prix ces dernières années, mais notre volonté est de rester accessibles, souligne le patron horloger. Notre luxe, ici, c’est la tranquillité.»

Certifié bio avec une conversion à la biodynamie en cours, le Château Monestier La Tour est un ambassadeur Chopard à part entière: les vins sont servis dans une cinquantaine de pays lors de tous les événements organisés par la marque. Une vitrine qui permet aux crus du domaine, ainsi qu’à tous les côtes-de-bergerac, de gagner en notoriété.

De l’horlogerie au vin, l’ambition de Karl-Friedrich Scheufele de «vendre du rêve»

Le président de Chopard a acheté un domaine viticole en Dordogne. Il n’est pas le seul patron horloger à avoir fait le pas.