Ce fut la soirée des doublés vendredi aux Mondiaux à Moscou. Déjà sacrée sur 100 m, la Jamaïcaine Shelly-Ann Fraser-Pryce a remporté le 200 m, tandis que le Britannique Mo Farah, six jours après son titre sur 10'000 m, marquait l'histoire en gagnant également le 5000 m.
Avec sa taille de 1m52 pour 57 kg, Shelly-Ann Fraser-Pryce est un peu l'"anti-Bolt". Mais elle se rapproche un peu de la superstar masculine du sprint au niveau du palmarès: elle affiche désormais quatre titres mondiaux (dont un en relais), qui s'ajoutent à ses deux couronnes olympiques du 100 m.
Depuis l'an dernier, "Pocket Rocket" (son surnom) s'est mise sérieusement au 200 m, distance à laquelle ses mensurations réduites ne la prédestinaient pas. Avec un rapide succès, qui lui permet de glaner son premier grand succès sur le demi-tour de piste. En 22''17, l'explosive Jamaïcaine a devancé l'Ivoirienne Murielle Ahouré (médaillée d'argent comme sur 100 m, en 22''32) et la Nigériane Blessing Okagbare (22''32 également). Victime apparemment d'un claquage, la triple championne du monde de la discipline Allyson Felix (EU) s'est écroulée dans le virage et a abandonné.
Farah en impose
Farah a été fidèle à ses habitudes: une position idéale pendant 4 km sans jamais trop s'exposer dans le peloton, puis une accélération progressive à 600 m de l'arrivée, histoire de se retrouver aux avant-postes à la cloche. Il pouvait parachever son oeuvre et l'emporter en 13'26''98, devant l'Ethiopien Hagos Gebrhiwet (2e en 13'27''26) et le Kényan Isiah Koech, classé 3e dans le même temps.
Le souriant et facétieux Britannique inspire un respect infini à ses rivaux. Comme sur le 10'000 m six jours plus tôt, Kényans et Ethiopiens n'ont pas été capables d'appliquer une tactique d'équipe efficace qui aurait pu user Farah. Le tempo fut beaucoup trop lent, et le lutin anglais a eu beau jeu de boucler l'affaire avec un dernier tour de feu (53''51).
Farah a réussi un sacré tour de force en signant le doublé 5000-10'000 m, douze mois après le même exploit aux JO de Londres. Il est le deuxième athlète de l'histoire à réaliser ce "double doublé", après Kenenisa Bekele (Eth). Egalement médaillé d'or du 10'000 m aux Mondiaux 2011 et double champion d'Europe en 2010, le Britannique a quasiment tout gagné depuis trois ans et s'impose comme le rival absolu des Africains. Contrer la suprématie des Kényans et Ethiopiens était du reste l'objectif affiché par son coach américain Alberto Salazar quand il a pris l'athlète sous son aile.
Désormais auréolé des plus grands titres, le Britannique de 30 ans va pouvoir s'attaquer aux records dès l'an prochain. Parallèlement, il prévoit aussi une incursion sur marathon... Et il apparaît prêt pour son futur défi contre Uain Bolt sur 600 m!
Deux titres pour la Russie
Les athlètes russes ont mis du baume sur le coeur de leurs fans après des débuts hésitants dans ces Championnats. Tatyana Lysenko a frôlé le record du monde du marteau en s'imposant avec 78m80, devenant la no 2 de tous les temps. Cette athlète, plutôt fine et élancée pour une lanceuse, en est désormais à deux titres mondiaux (2011 et 2013) plus un sacre olympique en 2012. La détentrice du record du monde (79m41) Betty Heidler (All) n'avait pas franchi les qualifications.
Victoire russe également à la longueur avec le grand espoir Aleksandr Menkov. Il l'a emporté avec 8m56, meilleure performance mondiale 2013, loin devant le Néerlandais Ignisious Gaisah (8m29) et Luis Rivera (8m27), qui a apporté au Mexique un premier podium mondial dans une discipline technique.
L'Allemand David Storl, tenant du titre, a prolongé la belle tradition allemande des lancers en remportant le poids avec 21m73. Les Etats-Unis (David Verburg, Tony McQuay, Arman Hall, LaShawn Merritt) ont par ailleurs logiquement gagné le 4 x 400 m (2'58''71) devant l'étonnante Jamaïque et la Russie.