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Les Turcs ne veulent pas de la nouvelle loi sur le contrôle d'internet

Le gouvernement déjà contesté du premier ministre turc Recep Erdogan poursuit sa cavalcade anti-libertaire en votant une loi qui lui permet de contrôler, de surveiller et de bloquer n'importe quel site internet. Les opposants parlent d'une loi "orwellienne".

06 févr. 2014, 15:43
Bruxelles a demandé à Ankara de réviser la loi permettant au gouvernement de fermer et contrôler n'importe quel site internet.

De nombreuses voix ont critiqué jeudi le vote d'une nouvelle loi sur le contrôle d'internet en Turquie, dénoncée comme une nouvelle preuve de la dérive autoritaire de son gouvernement. Ils ont appelé le président Abdullah Gül à y mettre son veto.

Le baroud d'honneur des adversaires du Premier ministre islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan et les multiples appels qui l'ont mis en garde ces derniers jours contre toute velléité de "cybercensure" n'auront donc eu aucun effet.

Après un bref débat, les députés du Parti de la justice et du développement (AKP), largement majoritaires, ont adopté mercredi soir les amendements controversés à la loi internet de 2007 défendus par le pouvoir pour "protéger la famille, les enfants et la jeunesse" sur le web.

Entre autres dispositions, ils autorisent l'autorité gouvernementale des télécommunications (TIB) à bloquer, sans décision de justice, tout site internet contenant des informations portant "atteinte à la vie privée" ou jugées "discriminatoires ou insultantes".

La même TIB pourra aussi requérir auprès des fournisseurs d'accès toute information sur les sites visités par un internaute et les conserver deux ans.

L'Union européenne préoccupée

A l'heure où les négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne viennent à peine d'être relancées, Bruxelles a immédiatement exigé la "révision" du texte. "Cette loi suscite une forte préoccupation ici" car elle introduit "des restrictions à la liberté d'expression", a estimé Peter Stano, le porte-parole du commissaire européen à l'Elargissement Stephan Füle.

L'opposition turque et les ONG de défense des libertés ont tout aussi vivement réagi contre une loi qui, estiment-elles, vise d'abord à faire taire les accusations de corruption qui éclaboussent le gouvernement.

"Il s'agit d'intimider le peuple en lui disant 'Big Brother te regarde'", s'est indigné un vice-président du Parti républicain du peuple (CHP), Faruk Logoglu. "Ces interdictions ne mettent pas la Turquie au même rang que l'Iran ou la Chine, elles la placent dans une catégorie où les libertés individuelles sont totalement bafouées".

Le ministre turc des Transports et des Communications Lütfi Elvan a défendu jeudi le texte. "Ce que nous voulons faire, c'est répondre dans les plus brefs délais aux doléances d'une personne qui se dit victime d'une atteinte à la vie privée en intervenant dans les quatre heures (...) sans passer par une multitude de procédures bureaucratiques", a-t-il justifié devant la presse.

Dans un "rapport sur la transparence" publié en décembre, le géant de l'internet Google avait déjà classé la Turquie, avec la Chine, au premier rang des censeurs du web.

Le vote de mercredi soir intervient alors que M. Erdogan est fragilisé par une retentissante affaire politico-financière, à la veille des élections locales de mars et présidentielle d'août. En réaction, il a ordonné des purges massives dans la police et la justice et engagé une réforme judiciaire pour remettre au pas les magistrats.

Appel au président Gül

Comme un avant-goût de la réforme, la TIB a ordonné la semaine dernière à un député du CHP de retirer de son site internet le texte d'une question au Parlement dans laquelle il mettait en cause, sur la foi d'écoutes téléphoniques, l'intervention personnelle de M. Erdogan dans le rachat de médias "amis".

Dans ce climat délétère, les adversaires de la nouvelle loi en ont appelé jeudi au chef de l'Etat Abdullah Gül, qui a le pouvoir d'y mettre son veto. A l'heure où certains observateurs en ont fait un rival de M. Erdogan pour la présidentielle, beaucoup doutent toutefois de la volonté de M. Gül de s'opposer au nouveau texte, rappelant qu'il n'a jamais usé de son pouvoir depuis 2007.

Lui-même à la tête d'un compte Twitter suivi par près de 4,5 millions d'internautes, M. Gül a multiplié ces dernières semaines, à rebrousse-poil de l'intransigeance de M. Erdogan, les appels à l'apaisement et au respect de l'Etat de droit.

Jeudi, de nombreux adeptes des réseaux sociaux ont renvoyé le président à certains de ses "tweets". "Face au nouveau pouvoir des technologies de l'information, aucun régime ne peut rester fermé très longtemps", écrivait-il le 5 mars 2011.

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