Les manifestants - 70'000 selon les organisateurs, 21'000 d'après la police - ont défilé le long de la rivière Moskova.
Leur nombre dépasse largement celui des manifestants ayant répondu aux appels de l'opposition ces derniers temps. Ce rassemblement rappelle par son ampleur les grandes manifestations organisées en 2011 et 2012 contre Vladimir Poutine.
Député ukrainien arrêté
Un député ukrainien qui s'était spécialement rendu à Moscou, Alexeï Gontcharenko, a été arrêté en marge de la marche par la police, qui le soupçonne d'avoir pris part à l'incendie meurtrier d'un bâtiment public à Odessa en mai. Plus de 40 personnes avaient péri brûlés vifs dans cette ville du sud de l'Ukraine, principalement des militants prorusses, après des affrontements avec des militants pro-ukrainiens.
"Les députés ukrainiens disposent de l'immunité diplomatique et cette arrestation est une infraction aux normes du droit international", a réagi le président du Parlement ukrainien Volodimir Groisman. Il a appelé à prendre des mesures immédiates pour sa libération.
Responsabilité claire
Les manifestants ont passé tout près du pont sur lequel l'opposant a été abattu vendredi soir de quatre balles dans le dos.
Vladimir Poutine a qualifié ce meurtre de "provocation" et promis de traquer les coupables. Les enquêteurs ont avancé plusieurs hypothèses, dont celle d'islamistes, Boris Nemtsov étant de confession juive, ou celle d'un assassinat politique perpétré par l'opposition elle-même pour ternir l'image du Kremlin.
Mais pour les opposants, la responsabilité de Vladimir Poutine ne fait aucun doute. "Si nous pouvons mettre fin à la campagne de haine dirigée contre l'opposition, alors nous aurons une chance de pouvoir changer la Russie. Sinon, nous allons au-devant d'un conflit civil de grande ampleur", a estimé Guénnadi Goudkov, un des chefs de file de l'opposition.
"Les autorités sont corrompues et ne tolèrent pas de voir émerger une quelconque menace pour leur pouvoir. Boris (Nemtsov) les dérangeait", a-t-il ajouté. Samedi, des milliers de Russes avaient déjà déposé des bouquets de fleurs sur le pont où il a été assassiné.
"Autorités criminelles"
Agé de 55 ans, l'ancien vice-Premier ministre de Boris Eltsine, à la fin des années 1990, avait été l'une des figures de la contestation anti-Poutine en 2011-2012. Il avait fait de la dénonciation de l'implication de Moscou dans le conflit ukrainien son nouveau cheval de bataille.
"Il faisait du tort aux autorités mais les autorités sont elles-mêmes criminelles. Elles ont foulé aux pieds tous les droits internationaux, annexé la Crimée, entamé une guerre avec l'Ukraine", a déclaré Iouri Voinov, un ingénieur à la retraite qui participait à la marche.
Selon des proches de Boris Nemtsov, celui-ci était en train de préparer un rapport détaillé sur la présence de soldats russes dans l'est de l'Ukraine, alors que Moscou dément toute implication de ses troupes aux côtés des rebelles séparatistes.
"Poutine, démission !"
"Qu'un officier du KGB se proclame président à vie est une catastrophe géopolitique. Poutine, démission !", pouvait-on lire sur une pancarte brandie par une femme.
Les opposants accusent le Kremlin d'attiser le nationalisme, la haine et un sentiment anti-occidental pour que la population soutienne sa politique en Ukraine et ne le tienne pas coupable de la crise économique.
La thèse du Kremlin convint certains Moscovites
Mais, signe que la propagande gouvernementale fonctionne, certains Moscovites se montrent convaincus par la thèse du complot évoqué par les autorités à propos de l'assassinat de Boris Nemtsov.
Ce dernier entendait participer à une manifestation dimanche pour remobiliser l'opposition. A Saint-Pétersbourg, deuxième ville de Russie, plus de 6'000 personnes se sont rassemblées pour honorer sa mémoire. Des milliers de personnes lui ont également rendu hommage en province.