Kerviel: peine de prison, mais annulation des dommages et intérêts

La Cour de cassation s'est prononcée mercredi sur le pourvoi de l'ancien trader de la Société générale, Jérôme Kerviel. Elle a confirmé la peine de prison mais annule les dommages et intérêts.

19 mars 2014, 16:08
Jérôme Kerviel sort du bureau de ses avocats mercredi à Paris.

La Cour de cassation a confirmé mercredi la condamnation de l'ex-trader de la Société Générale Jérôme Kerviel à cinq ans de prison, dont trois ferme. Elle a en revanche annulé les dommages et intérêts record de 4,9 milliards d'euros (6 milliards de francs), renvoyant ce volet à un nouveau procès.

Pour ce volet civil de l'affaire, la plus haute juridiction a renvoyé le dossier devant la cour d'appel de Versailles. Ce sera "le procès de la Société Générale", a commenté devant la presse Me Patrice Spinosi, un des avocats de l'ancien trader.

"C'est une victoire" pour Jérôme Kerviel, a renchéri son autre conseil, Me David Koubbi, alors que l'avocat de la Société Générale, Me Jean Veil, a lui considéré que l'ex-trader avait "perdu son procès".

Concernant sa condamnation à de la prison, a expliqué Me Spinosi, "la peine est aujourd'hui exécutoire, nous allons prendre attache au plus tôt avec le parquet" pour savoir quand et comment Jérôme Kerviel, 37 ans, devra purger sa peine.

Pas d'aménagement de peine

Il ne pourra pas bénéficier d'un aménagement de peine avant incarcération, qui n'est ouvert qu'aux personnes condamnées à moins de deux ans d'emprisonnement. En 2008, il avait passé 41 jours en détention provisoire, ce qui porte le solde de sa peine à un peu plus de 2 ans et 10 mois.

Pour autant, "il semble pour le moins surprenant d'incarcérer Jérôme Kerviel alors même que vient d'être reconnue l'existence de manquements significatifs de son employeur et des conséquences de ces manquements dans les faits qui lui sont reprochés", selon l'avocat.

Plus de six ans après les faits, Jérôme Kerviel, accusé par la Société Générale de lui avoir faire perdre près de 5 milliards d'euros en 2008, continue à clamer son innocence et à reprocher à son ancien employeur d'avoir menti sur ses propres responsabilités dans l'affaire.

Rencontre avec le pape

Il était absent mercredi au prononcé de la décision de la Cour de cassation. Il a entrepris depuis bientôt un mois une marche depuis Rome, après une rencontre avec le pape, et avait indiqué mardi soir qu'il ne s'exprimerait pas à l'issue de cette décision.

"C'est une super bonne nouvelle, c'est la seule chose que je dirai, je continue à marcher", a-t-il seulement déclaré mercredi, tout en marchant, toujours avec sa polaire rouge et ses lunettes, entouré d'une grappe de journalistes qui tentaient tant bien que mal de suivre son rythme, sur une route de la région de Parme. Interrogé sur la peine de prison maintenue, il n'a pas répondu.

Pour se déterminer sur le volet des dommages et intérêts, la Cour de cassation a estimé que la cour d'appel de Paris avait condamné Kerviel à réparer l'intégralité du préjudice subi par la Société Générale, tout en reconnaissant "l'existence de fautes commises" par la banque.

Coup de théâtre

Ces fautes ont "concouru au développement de la fraude et à ses conséquences financières". Dès lors, la cour d'appel de Paris n'a pas pris en compte les fautes de chacun pour évaluer le montant des dommages et intérêts et fait supporter au seul Jérôme Kerviel la réparation intégrale de la perte.

C'est un véritable coup de théâtre dans cette affaire, où la justice avait jusqu'ici été totalement sourde aux arguments de l'ancien trader et de sa défense, que ce soit lors du procès en première instance ou en appel.

Aujourd'hui, la plus haute juridiction française "a montré (...) la liberté (...) et l'indépendance dont elle fait preuve et elle a indiqué que ce n'est pas une affaire à cinq milliards d'euros", a encore déclaré Me Koubbi. "Nous repartons à zéro sur ce sujet".

"La Société Générale a gagné son procès... Nous n'avons pas du tout le sentiment, au sein de la Société Générale, que nous avons en quoi que ce soit perdu notre dossier", a de son côté martelé Me Veil.