Elle fascine autant qu’elle effraie. L’intelligence artificielle franchit une nouvelle étape après le lancement de ChatGPT le 30 novembre dernier.

Développé par la start-up américaine OpenAI, ce robot a été entraîné dans le but d’imiter et d’entretenir une conversation humaine. Doté d’un puissant esprit de synthèse, ChatGPT est capable de satisfaire – presque – n’importe quelle demande (voir encadré). En quelques secondes, il rédige vos mails, invente une poésie ou résume les enjeux valaisans autour du loup.

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En affinant ses recherches, le chatbot permet davantage de précision. Capture d’écran: ChatGPT.

Des performances qui font évidemment écho au monde de l’enseignement. «C’est le sujet de la rentrée», confie Alexandre Moulin, directeur de l’école Ardévaz, à Sion. Car si le triangle amoureux entre technologie, apprentissage et enseignement n’est pas nouveau, «ChatGPT apporte une touche créative qui n’existait pas auparavant», complète le directeur.

Une révolution «à la Wikipédia»?

«ChatGPT interpelle», lance Jean-Philippe Lonfat. Selon le chef du Service de l’enseignement valaisan, son avènement matérialise un nouveau défi pour la formation: «Il change notre rapport au savoir et le sens de certains travaux, en particulier ceux rédigés à domicile», explique-t-il.

Nous sommes sensibilisés à ne pas faire une utilisation aveugle de certains outils ou logiciels.

Olivier Solioz, président de la Société pédagogique valaisanne

Après DeepL, Photomath ou Dall-E, c’est au tour de ChatGPT de pousser les enseignants valaisans à la réflexion. Selon Olivier Solioz, l’utilisation de moyens informatiques dans le cadre scolaire est évidemment suivie de près. «Nous sommes sensibilisés à ne pas faire une utilisation aveugle de certains outils ou logiciels», explique le président de la Société pédagogique valaisanne qui peut compter sur l’appui du Centre cantonal des technologies de l’information et la communication (ICT-VS).

A Ardévaz, le problème a déjà infiltré les murs de l’enceinte sédunoise. Par curiosité, Alexandre Moulin a soumis ChatGPT aux épreuves d’une maturité gymnasiale. Résultat? «Bluffant.» En quelques secondes, le robot a obtenu le 100%, toutes matières confondues.

Selon Gaëtan Cherix, ChatGPT vient mettre un coup de pied dans la fourmilière. «C’est une prouesse technologique qui va révolutionner notre manière d’apprendre, comparable à l’avènement de Wikipédia», ose le directeur de la Haute école d’ingénierie valaisanne qui propose parfois des examens en open book. Autrement dit, un contrôle durant lequel la documentation est autorisée. «Nous devrons sans doute adapter notre façon d’organiser ce genre d’examen», poursuit-il.

S’il est utilisé comme moteur de recherche intelligent pour confronter des sources, ChatGPT peut devenir intéressant.

Jean-Philippe Lonfat, chef du Service de l’enseignement

Selon André Freitas, le mot révolution est un peu fort. «Chat GPT est un accomplissement qui s’inscrit dans la continuité d’une évolution technique», relativise le responsable du groupe d’intelligence artificielle rationnelle et explicable à l’Idiap de Martigny.

Quels atouts pédagogiques?

Comment cette technologie peut-elle profiter à l’enseignement? Outre le gain de temps considérable, ChatGPT permet une autre approche, selon Thomas Progin. «Ce serait intéressant de voir en classe comment la machine traite le texte, et comment elle l’organise», explique l’enseignant et président de l’Association valaisanne des professeurs de l’enseignement secondaire (AVPES).

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En quelques secondes, l’intelligence artificielle fournit un plan de rédaction. Capture d’écran: ChatGPT.

«S’il est utilisé comme moteur de recherche intelligent pour confronter des sources, ChatGPT peut devenir intéressant», complète Jean-Philippe Lonfat.

Je pense qu’on peut concilier les outils numériques avec la stimulation intellectuelle des études.

Alexandre Moulin, directeur de l’école Ardévaz

Dans tous les cas, la technologie fait désormais partie des meubles dans les écoles valaisannes. «Je pense qu’on peut concilier les outils numériques avec la stimulation intellectuelle des études», confie Alexandre Moulin qui a mené un sondage auprès de ses élèves afin de savoir qui utiliserait ChatGPT. Résultat? «Cinquante pour cent ont répondu par l’affirmative, 30% disent que non et 20% ne connaissaient pas», rapporte-t-il.

Tricherie et fausses informations

Si le monde de l’enseignement souhaite profiter des bienfaits de ChatGPT, il devra aussi en éviter les méfaits. «La qualité et la fiabilité des réponses fournies par ChatGPT ne peuvent être garanties», explique André Freitas qui rappelle les dérives de Galactica. Ce prototype semblable à ChatGPT a été retiré deux jours après son lancement, rapportait Bilan.ch en novembre dernier.

Sans oublier qu’il ouvre une nouvelle porte à la tricherie. «Notre logiciel anti-plagiat est incapable de déceler la fraude avec ChatGPT», détaille Jean-Philippe Lonfat.

Mais dans les écoles, la tricherie est un problème qui a toujours existé. Et qui s’explique: «L’élève aura tendance à recourir à ChatGPT lorsqu’une matière aura peu de sens pour lui», explique Alexandre Moulin en déplorant le décalage entre l’école actuelle et les outils technologiques à disposition.

La qualité et la fiabilité des réponses fournies par ChatGPT ne peuvent être garanties.

André Freitas, responsable du groupe d’intelligence artificielle rationnelle et explicable à l’Idiap

Une observation appuyée par Thomas Progin qui prend l’exemple de la traduction. «Dans sa vie future, un étudiant qui aura besoin de traduire un texte pourra utiliser DeepL», explique-t-il. «Peut-être faut-il reconsidérer la manière d’apprendre les langues», s’interroge Alexandre Moulin.

Quelles solutions?

Comment distiller le progrès pour n’en garder que les effets bénéfiques? Quelques pistes ont été discutées par Alexandre Moulin et ses collègues: «Plutôt que de donner un travail à faire à la maison, nous pourrions favoriser les passages oraux en classe», explique-t-il.

De son côté, le Service de l’enseignement assure être proactif en misant d’abord sur l’information. «Une analyse du centre ICT-VS est menée. Elle aboutira rapidement à une fiche qui sera dirigée à toutes les directions et tous les enseignants», explique Jean-Philippe Lonfat. Une fiche qui compilera les atouts pédagogiques et les dangers de ChatGPT, car «si l’intelligence artificielle fait déjà partie de notre quotidien, le développement de notre esprit critique reste une priorité», conclut-il.

Depuis son lancement, des internautes du monde entier martèlent ChatGPT de questions. Et à chacune de ses réponses, l’intelligence artificielle nous interroge en retour.

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