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PROPOS RECUEILLIS PAR JOEL JENZER

Les arcanes du pouvoir, il connaît bien. Vladimir Fédorovski, qui a notamment oeuvré en Union soviétique comme promoteur de la perestroïka, a fréquenté, de près ou de loin, des personnages qui ont fait l'histoire. Dans son dernier livre, "Le roman de l'espionnage", l'écrivain russe établi en France raconte la petite et la grande histoire des renseignements au cours du XXe siècle dans son pays d'origine. De Farewell aux fameux "cinq de Cambridge" en passant par le colonel Boris, la sulfureuse Anna Chapman, sans oublier Vladimir Poutine, entre autres agents, ces personnages, évoluant sur fond de Deuxième Guerre mondiale ou de guerre froide, ont vécu des aventures dignes de James Bond.

Vladimir Fédorovski, qui a côtoyé l'écrivain anglais Graham Greene, avec lequel il avait dressé la liste des espions qui ont changé le cours de l'histoire, revient sur des personnages hors du commun.

Considérez-vous les espions russes comme les meilleurs de tous?

Non, le Mossad était très fort autrefois, les Français et les Américains étaient parfois très bons. Dans mon livre, il n'y a pas que des espions russes, il y a des espions autour de la guerre froide; Philby n'était pas Russe... En fait, les meilleures heures des services russes, ce fut sous Staline: ils travaillaient à partir de considérations idéologiques, patriotiques. Les grands espions ne sont jamais payés, ce sont des illuminés. Dans le livre, c'est le côté psychologique qui m'a intéressé: mon copain Graham Greene me disait que l'on pense écrire sur l'espionnage, alors qu'en fait, on écrit sur l'amour. Les espions ont souvent des histoires sentimentales très fortes et ils se cherchent, ils cherchent le sens de la vie, ils vont jusqu'au bout des choses...

Vous dites que le XXe siècle est le siècle de l'espionnage.

Vous savez, la politique du XXe siècle, c'est la politque ambivalente: Gorbatchev était ambivalent, la révolution russe était ambivalente, Lénine était financé par des Allemands, Raspoutine était sans doute aussi mêlé aux services secrets, tout cela donne une image que l'on ne connaît pas et ça peut nous rappeler aussi des choses qui se passent aujourd'hui en Europe. Je pense que l'histoire est très utile pour réfléchir sur ce qui se passe. Cela dit, derrière chaque événement majeur du XXe siècle, il y a l'homme de l'ombre, c'est un phénomène unique. Ce n'était pas le cas avant, et, maintenant, ce n'est plus exactement comme ça, même si, aujourd'hui, l'espionnage joue aussi un rôle assez important.

En Russie, Poutine est très contesté. C'est un ancien agent secret qui a conservé ses méthodes?

Bush était chef de la CIA et il n'a pas vraiment gardé les méthodes de la CIA au gourvernement. Poutine garde les méthodes de manipulation, la manière de travailler avec les gens qui est propre au KGB. Sa personnalité ne peut pas être comprise sans cette dimension-là. Dans son entourage, il y a peut-être la moitié des gens qui sont issus du KGB et il y en a d'autres, des libéraux, etc., mais cela a une influence sur la manière de travailler: dans les conversations avec les chefs d'Etat, ils copient leurs gestes. Une fois, j'étais à un dîner avec Poutine et il a commencé à me copier...

Et d'où vient le mépris qu'il affiche parfois?

Le mépris, parfois, reflète un complexe d'infériorité. Mais il méprise les Occidentaux, c'est ça la réalité. Je me demande si c'est dû au fait qu'il a été formé comme agent...

Laquelle des histoires que vous racontez dans le livre trouvez-vous la plus incroyable?

Chaque histoire est incroyable! Le chef des services secrets britanniques travaille pour Staline; Philby, il était chef du contre-espionnage. Le gars du KGB qui pique tout l'espionnage scientifique, parce qu'il déteste le système. Il change la donne et finalement accélère la chute du communisme. Farewell, c'est incroyable: il sortait avec les papiers sous la veste. Sorge, ce playboy, ami des nazis, a eu toutes les informations sur le Proche-Orient et l'Extrême-Orient; il a changé la donne pendant la Deuxième Guerre mondiale, parce qu'il a sauvé Moscou...

Dans les coulisses de l'histoire

Vladimir Fédorovski raconte la grande aventure de l'espionnage à la mode russe dans son dernier ouvrage. Une traversée mouvementée du siècle passé.