Credit Suisse a trouvé un accord pour régler le conflit fiscal avec les Etats-Unis. Reconnaissant sa culpabilité, il va payer une amende record de 2,815 milliards de dollars (2,51 milliards de francs). Le monde économique et politique est soulagé. Le directeur général Brady Dougan, dont la démission est demandée par le PS, n'a jamais envisagé de quitter le navire.
"Nous avons travaillé très dur à régler cette affaire. Nous avons fait un bon travail. Personnellement, j'en ai fait une priorité", a déclaré Brady Dougan. A la tête du numéro deux bancaire helvétique depuis 2007, le directeur général ajoute "rester très engagé".
Credit Suisse a été formellement inculpé dans la nuit de lundi à mardi d'aide à l'évasion fiscale, à l'issue d'une audience devant une cour fédérale de l'Etat de Virginie. Le ministre américain de la justice, Eric Holder, a déclaré que la banque avait activement aidé ses clients à mentir au fisc américain en cachant des avoirs et des revenus dans des comptes en banque illégaux et non déclarés. Il a fait part de fausses déclarations et de destructions de documents.
Le vice-ministre américain de la justice, Jim Cole, a expliqué que la différence de traitement entre Credit Suisse et UBS - le numéro un bancaire helvétique a lui déboursé 780 millions de dollars pour des faits similaires en 2009, sans toutefois plaider coupable - par le manque de coopération de Credit Suisse ainsi que l'aplomb affiché durant les trois ans d'enquête.
Un rapport du Sénat américain a estimé que le numéro deux bancaire suisse avait abrité en 2006, les comptes de plus de 22'000 clients américains, d'un montant total de 10 à 12 milliards de dollars, en grande partie non déclarés. Credit Suisse est la plus importante banque ayant accepté de plaider coupable de charges criminelles retenues contre elle depuis 20 ans.
Plus grosse amende
En tenant compte de l'amende de 196 millions de dollars infligée en février par l'autorité américaine de surveillance des marchés financiers, la Security and Exchange Commission (SEC), la note atteint 2,815 millions.
Sur ce montant, 1,8 milliard de dollars sont destinés au Département de la justice (DoJ), dont 670 millions en faveur de l'administration fiscale américaine (IRS) au titre de restitution. S'y ajoutent 715 millions pour le département des services financiers de l'Etat de New York et 100 millions pour le Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale américaine.
Il s'agit de la plus grosse amende jamais payée par une banque suisse. Outre UBS, la banque Wegelin et Swisspartners ont aussi dû passer à la caisse pour complicité d'évasion fiscale. Credit Suisse fait partie des 14 banques helvétiques sous le coup d'investigations des autorités américaines qui les soupçonnent d'avoir aidé de riches clients à échapper à l'impôt.
Compte tenu des provisions constituées à cet effet, soit 892 millions de francs, ce règlement entraînera une charge après impôts de 1,6 milliard de francs. Ce montant devra être comptabilisé au deuxième trimestre 2014.
Soulagement
"Nous regrettons profondément les manquements dans le cadre des anciennes affaires transfrontières américaines, qui ont conduit au présent règlement", a répété Brady Dougan. Il s'est déclaré heureux que cette affaire judiciaire et réglementaire, la "dernière" pour Credit Suisse, soit du passé.
Pour le patron de la grande banque, "il s'agit d'une très petite part de l'activité globale". Il évalue à 4 milliards de dollars le montant des avoirs de clients américains détenus en 2006. Soit le "tiers" des chiffres avancés par la sous-commission du Sénat américain, selon lui.
Pour le monde économique et politique, c'est le soulagement. La ministre des finances, Eveline Widmer-Schlumpf, est satisfaite de l'accord conclu entre le Département de justice américain et Credit Suisse. Le recours au droit d'urgence étant exclu, l'ordre juridique et la place financière suisse en seront renforcés, a-t-elle déclaré devant la presse à Berne.
L'amende record infligée au Credit Suisse ne laisse pas présager de la hauteur des sommes que devront débourser les autres banques dans le collimateur de la justice américaine, a ajouté la conseillère fédérale.
Démission
Si l'Association des employés de banque (ASEB), par la bouche de son président romand Jean Christophe Schwaab salue ce règlement, elle demande à la direction et aux actionnaires de payer maintenant les pots cassés. "Pas de bonus à la direction et pas de dividendes aux actionnaires", exige le conseiller national (PS/VD).
Au niveau politique, le Parti socialiste (PS) va encore plus loin et demande la démission de la direction du numéro deux bancaire helvétique.
A la Bourse suisse, l'action Credit Suisse évoluait en hausse mardi.