La frêle silhouette à la crinière blanche s’accroche un instant aux notes de Xi Jinping assis à ses côtés, fait mine de résister, avant d’être embarqué vers la sortie de l’immense auditorium du Grand Hall du peuple par des officiels en costume sombre.

Hu Jintao, lance un ultime regard vers son impérieux successeur avant de disparaître de la scène du XXe Congrès, juste avant le vote entérinant la nouvelle équipe qui dirigera la Chine pour les cinq prochaines années. L’ancien dirigeant de 79 ans «ne se sentait pas bien» selon l’agence officielle Xinhua, justifiant ainsi son éviction saisie au vol par les caméras des rares journalistes étrangers sur place, et sévèrement censurée sur la toile chinoise.

Cette scène fleurant l’humiliation publique d’une purge contre un ponte du régime, certes affaibli par la maladie, restera un mystère bien gardé dans le théâtre d’ombres du Parti communiste chinois.

Elle sonne pourtant comme une métaphore du nouveau triomphe engrangé par Xi Jinping à l’occasion du plus grand rendez-vous politique de la seconde puissance mondiale qui s’est conclu dimanche, tournant résolument la page de «l’ouverture et de la réforme» de son prédécesseur vacillant, affirmant une Chine rouge vif, autoritaire à l’intérieur, au nationalisme décomplexé sur le front extérieur.

65% du Comité central remplacé

«J’ai été réélu secrétaire général», a annoncé lui-même Xi, l’œil plissé, rompant un suspense inexistant. Il a surgi à midi pile d’une lourde porte dorée, dans les entrailles du bâtiment stalinien en bordure de la place Tiananmen, à la tête des sept membres du nouveau comité permanent du Politburo, le saint des saints du régime.

En costume noir, et cravate rouge sombre, les six apparatchiks le suivent en file indienne, avant de s’immobiliser sous les applaudissements des journalistes chinois.

Le dirigeant le plus autoritaire depuis Mao vient de rempiler pour un troisième quinquennat sans partage, réélu à l’unanimité, et son règne devrait durer bien au-delà, au vu de l’absence de successeur en puissance dans le nouveau comité, désormais totalement à sa main.

Le «Prince rouge» impose un vigoureux coup de balai, remplaçant quatre des sept membres, et 65% du Comité central pour imposer des fidèles à la tête de la seconde puissance mondiale, écartant les derniers caciques de l’ère Hu.

«Xi a éliminé toute opposition»

«Xi a éliminé toute opposition», juge Richard McGregor, chercheur au Lowy Institute. Il place en numéro deux et probable premier ministre son lieutenant Li Qiang, défiant les pronostics et les critiques qui avaient fusé à l’encontre du secrétaire général du Parti de Shanghaï, lors du confinement brutal de la première métropole du pays.

Cette désignation récompense la loyauté inflexible de ce cadre fidèle, et augure d’une poursuite de la draconienne stratégie «zéro Covid», à rebours du reste de la planète, isolant le pays derrière une grande muraille de la quarantaine. «Cela veut dire que Xi pourra dicter sa volonté personnelle, sans souffrir de contradiction», s’inquiète un politologue indépendant à Pékin, alors que la stratégie sanitaire pèse lourdement sur une croissance déjà en berne.

Xi va pouvoir faire beaucoup plus de choses, en s’appuyant sur sa prééminence idéologique.

Chen Gang, chercheur à la National University of Singapore

Le président de 69 ans a mis à la retraite son premier ministre sortant, Li Keqiang, membre de la faction de la «Ligue de la jeunesse» de Hu, ainsi que le madré Wang Yang, partisan de la réforme économique dans l’entrepreneurial Guangdong.

Les «hommes du président» prennent le pas sur la méritocratie technocratique qui a piloté le spectaculaire décollage de l’«usine du monde», au tournant du siècle, tracté par le dynamisme de ses entrepreneurs, aujourd’hui inquiets de la vision étatiste du nouveau timonier. Son secrétaire particulier Ding Xuexiang, rejoint l’Olympe rouge tout comme le fidèle secrétaire du Parti de Pékin Cai Qi, qui cadenasse efficacement sa capitale vitrine d’un communisme frugal et patriotique.

Concentration du pouvoir

Ce congrès sonne l’entrée de plain-pied dans la «nouvelle ère» proclamée par Xi, après dix ans de règne aux allures de prologue. Le Parti a entériné au garde à vous «le rôle central du camarade Xi Jinping», piétinant la gestion collégiale du pouvoir en vigueur depuis Deng Xiaoping, imposant une concentration décisionnelle sans précédent depuis l’ère maoïste.

«Xi va pouvoir faire beaucoup plus de choses, en s’appuyant sur sa prééminence idéologique», juge Chen Gang, chercheur à la National University of Singapore. Le dirigeant se projette sur le long terme, les yeux rivés sur son «rêve chinois» visant à la «grande renaissance nationale» à l’horizon 2049, centenaire de la Chine rouge.

Plus Xi Jinping va avancer, plus il va s’isoler de la société.

Alex Payette, fondateur du Cabinet Cercius.

Il a promis de «travailler dur» pour accoucher d’un «pays socialiste moderne», grâce à une feuille de route «Chine 2035» annonçant un règne au long cours, voire à vie. Au risque de la fuite en avant, alors que les mécontentements grandissent sous l’horizon plombé du ralentissement économique et démographique, et que certains cadres se résignent à la résistance passive. «Plus il va avancer, plus il va s’isoler de la société», pointe Alex Payette, fondateur du Cabinet Cercius.

Hanté par la chute de l’URSS, ce marxiste-léniniste devrait poursuivre sa reprise en main autoritaire de la société, couplée à une confrontation frontale avec les démocraties, comme l’illustre la promotion de Wang Huning, l’idéologue en chef du Parti, architecte de la «Pensée de Xi», inscrite dans la Constitution, et convaincu du déclin irrémédiable de l’Occident. Taïwan est dans sa ligne de mire, alors que la tâche de la «réunification» a été réaffirmée durant le Congrès.

«La Chine ne peut pas se développer sans le monde»

Immédiatement félicité par Vladimir Poutine, le chantre d’une renaissance nationaliste décomplexée, a entonné l’air du multilatéralisme pour rassurer les investisseurs échaudés par la fermeture du pays et les sanctions américaines ciblant ses entreprises technologiques chinoises.

«La Chine ne peut pas se développer sans le monde et le monde a aussi besoin de la Chine», a prévenu le dirigeant du pays qui représente 18 % des importations de l’OCDE. Pékin mise sur sa place centrale dans les chaînes d’approvisionnement pour déjouer la stratégie d’encerclement de Washington et accueillera le chancelier allemand, Olaf Scholz, en novembre pour tenter d’amadouer les Européens.

Sébastien Falletti / Le Figaro

Chine: le correspondant de la RTS relâché après une interpellation en direct

Le correspondant de la RTS en Chine, Michael Peuker, a été brièvement arrêté dimanche soir en direct dans le 19h30, lors d’un duplex à Shanghai. Il a été relâché peu de temps après.