L'enfer est peut-être pavé de bonnes intentions. En matière de gestes qui sauvent, sur le plan juridique comme sur le plan médical, "le pire que l'on puisse faire, c'est de ne rien faire du tout" , affirme sans détour le D r Jean-Marc Bellagamba, directeur de l'Organisation cantonale valaisanne des secours.
"En effet, si quelqu'un est en danger de mort imminente, qu'il s'écroule devant nous d'une crise cardiaque ou qu'il se noie, on a l'obligation pénale d'intervenir" , reprend Maître Odile Pelet, D r en droit, spécialiste en responsabilité civile et droit des assurances. "On ne nous demande pas de risquer notre vie non plus" , précise-t-elle.
"Les cas jugés le sont le plus souvent pour négligence." Elle illustre: un groupe de personnes retrouvent un ami inconscient couché dans son vomi. Ils le mettent sur le côté et s'en vont. Le souffrant aspire son vomi et s'étrangle. "Dans cette affaire, les suspects ont finalement été acquittés. On a estimé qu'ils n'avaient pas réalisé le risque que courait leur camarade."
"Quand on ne sait pas quoi faire, ou si on n'est pas sûr de soi, le mieux c'est encore de nous appeler immédiatement" , conseille dès lors le directeur du 144 valaisan. "Nos centralistes sont formés pour vous guider pas à pas dans l'analyse de la situation et son appréhension. Et plus les secours arriveront vite, plus les chances du patient seront grandes."
Le 144 suffit
"Donner l'alarme" suffit le plus souvent. "Un homme fait une overdose" , commente Maître Pelet. "Les gens qui l'entourent prennent la fuite par crainte des autorités. La personne décède. Ils sont accusés d'omission de prêter secours. Ils auraient dû au moins appeler le 144 ou la police avant de partir."
"Dans tous les cas de figure, on prendra en compte l'état psychique des personnes, leur capacité de discernement." Etaient-elles capables ou non de se rendre compte du danger qu'encourait le malade? Pouvaient-elles ou non réagir? "En cas d'état de choc, par exemple, on pourrait comprendre qu'une personne n'ait pas une réaction appropriée. Dans cette situation, sur le plan juridique, on pourrait estimer qu'elle n'était pas responsable de ses actes."
Sur la route, les règle sont un peu plus strictes cependant. Le carambolage de ce week-end sur l'A9 le démontre. Une dizaine d'automobilistes ont été rappelés par la police. "Selon leur degré d'implication, ils peuvent encourir jusqu'à une peine de prison" , analyse l'avocate au barreau. "Au minimum, ils pourraient être condamnés à une amende pour avoir enfreint les devoirs en cas d'accident de la Loi sur la circulation routière. Cette dernière les oblige à rester jusqu'à ce que la police les autorise à reprendre la route."
Le geste de travers
N'empêche que si on reste et qu'on tente une manoeuvre qui aggrave la situation du blessé... "Il faudrait vraiment un geste absurde, une faute ou une négligence grave, pour avoir des ennuis" , s'exclame Maître Pelet. Laisser un blessé à proximité d'une fuite de gaz. Ou, au contraire, sans qu'il n'y en ait la nécessité, le déplacer alors qu'il se plaint de douleurs dans le dos. "Sur le plan civil, en cas de paralysie, pour l'exemple, des poursuites pourraient être engagées afin d'exiger réparation."
"Devant le tribunal, on tiendra compte toutefois de l'intention. Si vous avez voulu aider, que vous vous situiez dans une démarche altruiste, on sera moins sévère avec vous" , tempère l'avocate au barreau. Le D r Bellagamba se veut rassurant à son tour: "Lors d'un massage cardiaque, si on place correctement ses mains, hormis casser une côte, on ne peut pas faire grand mal. Avoir entamé la réanimation, en revanche, est un geste qui peut faire gagner un temps précieux aux ambulanciers et sauver la vie de la personne. On ne condamne pas pour ça."