Il ne lui manquait que ça, un titre olympique, pour compléter son fabuleux palmarès. Vendredi, Lara Gut-Behrami l’a enfin décroché. Meilleur temps du super-G devant l’Autrichienne Mirjan Puchner (2e à 0’’22) et sa compatriote Michelle Gisin (3e à 0’’30), la Tessinoise a décroché cette médaille d’or derrière laquelle elle courait depuis si longtemps. A 30 ans, la championne de Comano entre définitivement au panthéon du ski alpin.

Tout ne fut cependant pas facile pour elle au cours de ses déjà quinze ans de carrière, où embûches, doutes et critiques négatives de la part des médias ne l’ont pas épargnée. Quelques heures après son sacre, la nouvelle championne olympique du super-G a pris le temps de se livrer lors d’une interview sincère où elle n’a éludé aucune question.

Avec un peu de recul, quelles émotions cette première médaille d’or olympique vous procure-t-elle?

C’était une longue journée, intense. A l’arrivée, je ne pensais pas que ça suffirait. Je n’étais pas à 100% convaincue de ma course, donc je savoure. Ce titre, c’est génial de l’avoir obtenu. On a tous pleuré: mon mari, ma maman à la maison et mon papa, ici à Yanqing. C’est si beau… J’ai toujours pleuré aux JO, mais normalement pour d’autres raisons.

En 2018 à Sotchi, vous échouez à la quatrième place du super-G pour sept centièmes de seconde. Quatre ans plus tard à PyeongChang, le bronze vous échappe pour un centième cette fois. L’histoire n’est-elle pas d’autant plus belle aujourd’hui?

Je ne dirai pas ça, non… Vous savez, depuis deux ans, je prends les choses comme elles viennent, en n’oubliant jamais ce que j’ai réussi à accomplir dans ma carrière. A 16-17 ans, j’aurais signé pour un tiers de ce que j’ai gagné jusqu’ici. Mon problème par le passé, c’était que je me focalisais seulement sur la course d’après, sur les résultats que je devais faire. Je ne savourais pas le moment présent.

Pourquoi cela?

J’avais la sensation que demain, je devais à nouveau démontrer… Démontrer, démontrer et encore démontrer, comme s’il me manquait toujours une course, une victoire pour que ma carrière vaille quelque chose. Je l’avais déjà dit l’an passé aux Mondiaux de Cortina (elle y a remporté l’or du super-G, l’or du géant et le bronze de la descente, ndlr): maintenant, je profite. Je veux juste produire mon meilleur ski.

D’autant plus que treize années au plus haut niveau, c’est un exploit dont peu d’athlètes peuvent se targuer…

A 17 ans, je ne pensais pas que j’aurais une aussi longue carrière et avec autant de succès. Tout ce qui vient désormais n’est que du bonus. J’ai pris conscience que ce n’est pas une médaille d’or qui va me dire si ma carrière a de la valeur ou pas et que si je ne la gagne pas, eh bien, j’aurai perdu quinze ans de ma vie… Par conséquent, ça m’enlève la pression.

J’ai pris conscience que ce n’est pas une médaille d’or qui va me dire si ma carrière a de la valeur ou pas.

Lara Gut-Behrami, championne olympique de super-G

En raison de votre infection au Covid, vous n’avez pas couru entre le 12 décembre à Saint-Moritz et le 8 janvier à Kranjska Gora. Avec le recul, cela vous a-t-il aidée à arriver avec de la fraîcheur à Pékin?

Pas du tout, parce que c’était dur et que c’est toujours compliqué aujourd’hui. En géant, j’ai de la peine à retrouver mes sensations. Cela me prend davantage d’énergie, peut-être parce que le rythme manque encore, peut-être parce que je n’ai pas vraiment retrouvé la routine des courses. C’est un sentiment ambivalent. D’un côté, c’est dur, et de l’autre, je suis contente de savoir que ce Covid est derrière moi, de savoir que j’arrive à enchaîner les manches comme ces derniers jours.

Dans votre carrière, il y a eu des blessures, des moments difficiles. Est-ce que ce titre olympique représente votre plus belle victoire?

Non, parce que sinon ce serait dénaturer tout ce que j’ai accompli jusqu’ici. Comme j’ai dit auparavant, ce n’est pas une médaille d’or qui définit une carrière. Je savoure, mais je ne me suis pas entraînée toute ma vie seulement pour ça. La valeur de ma carrière, ce sont les quinze années passées à travailler avec un team exceptionnel qui m’a aidée, soutenue et donné cette énergie qui nous permet de passer des moments exceptionnels ensemble. C’est ça, à la fin, qui a de la valeur.

En tant que superstar du ski, vous êtes particulièrement sollicitée par les médias. Le fait de garder vos distances avec les journalistes vous aide-t-il à mieux préparer des événements tels que les Jeux olympiques?

Je pense plutôt que c’est l’expérience qui m’aide. Je sais ce qui est bon pour moi, ce qui me prend de l’énergie, comment me préparer. J’aime pouvoir être tranquille. Plus je suis éloignée des pistes, mieux je me prépare. L’année dernière, j’avais passé une semaine à Gênes avant les Mondiaux. Là, je suis aussi restée une semaine à la maison. Pour avoir de l’énergie et être prête au bon moment, il faut savoir prendre des pauses, avoir un équilibre dans la vie. Cela fait quinze ans maintenant que je suis en Coupe du monde. Si je suis encore là, c’est parce que j’ai envie de faire des courses de ski, juste des courses et pas tout le reste.

Dernière question enfin, à quoi avez-vous pensé sur le podium au moment de l’hymne national?

Sincèrement, je n’ai pas songé à grand-chose. Il y avait tellement d’émotions qui se bousculaient dans ma tête que je n’arrivais plus trop à remettre mes idées en place.

Pascal Dupasquier, envoyé spécial aux Jeux Olympiques, Yanqing

«J’ai toujours pleuré aux Jeux Olympiques», avoue Lara Gut-Behrami après son titre en super-G

Submergée d’émotions après la conquête de la médaille d’or du super-G, la Tessinoise savoure le bonheur de son premier titre olympique.