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Il est temps de mettre les toits suisses en lumière. La chronique immobilière de l’EPFL

19 déc. 2020, 20:00
Roberto Castello, collaborateur scientifique et chef de groupe au Laboratoire d’énergie solaire et de physique du bâtiment de l’EPFL.

Aujourd’hui, 55% de la population mondiale vit dans des zones urbaines, et ce pourcentage devrait passer à 68% d’ici 2050, selon un rapport des Nations Unies publié en 2018. La consommation énergétique de l’environnement bâti deviendra donc de plus en plus élevée. En 2017, les Suisses ont voté en majorité en faveur de la stratégie énergétique 2050, pour la promotion des énergies renouvelables et contre l’utilisation des énergies fossile et nucléaire. L’objectif est noble et ambitieux, mais est-il vraiment réalisable?

Le projet de recherche en cours au Laboratoire d’énergie solaire et physique du bâtiment de l’EPFL (LESO-PB) essaye de répondre à cette question au moyen d’une approche scientifique, basée sur l’analyse des données. Il vise à développer une méthodologie permettant de mesurer avec précision le potentiel des énergies renouvelables en Suisse, notamment en combinant les sources solaire, éolienne et géothermique.

Estimer le potentiel des toits suisses

Attardons-nous sur l’énergie solaire: quel est le meilleur endroit, en ville, pour installer un panneau photovoltaïque (PV)? Les toits offrent des conditions optimales pour capter l’énergie transmise par les rayons solaires sans trop perturber l’architecture urbaine. Mais quelle est la quantité maximale d’électricité qu’un toit peut fournir si toute sa surface est couverte de panneaux solaires, en d’autres termes, quel est son potentiel? Cette estimation dépend de plusieurs facteurs: le rayonnement solaire mesuré sur la surface du toit, la géométrie de ce dernier, son orientation et la fraction quotidienne d’exposition au soleil du panneau.

La méthode que nous avons développée permet d’obtenir cette estimation à une résolution spatiale et temporelle, heure par heure, à l’échelle du toit, tout en tenant compte des incertitudes liées aux processus de modélisation. Imaginons faire cette estimation pour chacun des 2,3 millions de bâtiments en Suisse à chaque heure de la journée: nous devons traiter une énorme quantité de données (Big Data) avec des techniques appropriées. C’est pourquoi nous avons aussi recours à des techniques d’apprentissage automatique grâce à l’intelligence artificielle, particulièrement efficaces pour connaître la tendance d’une certaine variable par rapport à d’autres sur de gros volumes de données. Elles peuvent être utilisées pour déduire la valeur d’une variable lorsque les mesures manquent.

Un outil pour les urbanistes

Les résultats nous permettent d’estimer le potentiel PV annuel des toits suisses à 24 ± 9 TWh, ce qui correspond à une production capable de couvrir 40% de la demande en électricité enregistrée en 2018. L’analyse géospatiale de ces résultats montre que déjà 25% du potentiel estimé peut être réalisé en installant des panneaux PV sur moins de 2% des bâtiments, ceux présentant le potentiel le plus élevé, comme les toits plats. Et si l’on veut aller plus loin, les 75% du potentiel estimé restants peuvent être atteints en installant des panneaux sur un tiers des bâtiments.

La haute résolution de cette méthodologie permet aussi aux urbanistes d’évaluer la demande en électricité qui pourrait être satisfaite par l’installation de systèmes photovoltaïques sur les toits existants dans un certain quartier. Elle permet aussi d’estimer plus précisément le rendement attendu pour les nouveaux toits, en tenant compte de leur taille, de leur inclinaison et de leur orientation. Les décideurs peuvent agréger ces résultats à différentes échelles spatiales, afin de formuler des politiques efficaces pour intégrer le PV dans l’environnement construit. La route menant à la décarbonisation du secteur de l’énergie en Suisse est encore longue et sinueuse, mais nous sommes en marche.

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