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Plats suisses à la sauce allochtone: quels enjeux pour les migrants?

Les populations étrangères se heurtent à un défi de taille: conserver leurs habitudes alimentaires tout en les adaptant au nouveau contexte culturel.

30 janv. 2020, 08:44
Conseils nutritionnels

L’installation dans un nouveau pays implique des bouleversements multiples: culturels, sociaux, linguistiques, professionnels… et alimentaires! Les repères changent, tant en ce qui concerne les aliments disponibles, que les lieux où se les procurer, les horaires des repas ou encore les normes sociétales.

Toutes les personnes migrantes ne sont pas égales face à ce défi: la capacité à retrouver un équilibre alimentaire dépend d’un grand nombre de facteurs et peut parfois prendre du temps, voire nécessiter un accompagnement professionnel, dans certains cas. Comme nous l’explique Laurence Bridel, diététicienne ASSD: «Certaines populations migrantes sont plus à risque car elles ne sont pas encore intégrées; elles connaissent une phase de transition fragilisée par la barrière de la langue, des différences culturelles, des moyens financiers réduits.»

Quand une personne est migrante, elle connaît en effet une rupture d’équilibre dans son système. Au moment de quitter son lieu d’origine, mais aussi quand elle arrive dans notre pays, ce qui ajoute des éléments inconnus avec lesquels elle doit se familiariser.

Aspects psychologiques et culturels

«Des études nous montrent que les populations migrantes n’ont pas forcément un état de santé qui diffère de celui de la population locale au moment de leur arrivée», affirme Laurence Bridel. «Mais plus elles restent dans leur pays d’accueil, plus certaines d’entre elles développent des écarts de santé.» On l’explique du fait des conditions de vie précaires, du manque de connaissances au sujet des produits locaux, des croyances concernant l’alimentation, de l’idée de vouloir profiter des produits modernes et industrialisés comme les snacks et les boissons sucrées.

«Pour des populations qui ont souffert, c’est magique de pouvoir offrir cela à leurs enfants. On constate qu’en voulant bien faire, elles se font happer par notre système, en faisant un emprunt progressif de nos comportements à risque.» Le matraquage publicitaire autour des produits alimentaires comporte en effet beaucoup d’idées reçues et les populations migrantes, parfois déjà handicapées par la langue, ne sont pas toujours armées pour trier l’information.

Les migrants intègrent nos comportements à risque. Ainsi, on constate, par exemple, une augmentation du diabète de type 2.
Laurence Bridel, diététicienne ASSD

Prise de poids, augmentation des risques pour le syndrome métabolique et le diabète de type 2, problèmes de dénutrition, tels sont les principaux enjeux sanitaires contre lesquels la prévention alimentaire tend à se dresser.

La diététicienne Danaé Chevillat évoque le problème de la dénutrition: «Une perte de poids souvent involontaire et qui survient sur le trajet de la migration ou lors de la vie en foyer d’accueil, contexte dans lequel le choix alimentaire est imposé et ne correspond pas forcément à leurs habitudes.» Laurence Bridel évoque aussi un problème de choix alimentaires: «Un manque de fruits et de légumes ou de produits laitiers, des excès de protéines animales, qui sont souvent liés à des aspects culturels. On cherche alors des solutions de remplacement en tenant compte des produits qu’ils sont habitués à consommer.»

Danaé Chevillat soulève également l’enjeu des lieux dédiés à l’achat alimentaire: «J’observe pas mal de réticences, chez les populations issues de l’asile, à aller faire leurs courses au supermarché. Elles y trouvent les mêmes produits que dans leur pays d’origine, mais elles ont parfois des doutes quant au goût ou à la fraîcheur, parce qu’elles ne sont pas habituées à les voir présentés sous vide ou ailleurs que sur les marchés.»

Résoudre les enjeux sanitaires en s’ouvrant aux autres

Prendre en charge ces populations nécessite donc d’analyser les contextes individuels, au cas par cas. «On procède tout d’abord à un bilan qui nous permette de comprendre le contexte général de la demande, puis nous recherchons des solutions concrètes les plus adaptées possible», détaille Laurence Bridel, «dans l’idée d’un travail collaboratif, en faisant un pont avec d’autres cultures. Nous avons des compétences, mais eux en ont aussi. Il faut tisser des liens pour trouver un consensus qui ne répond pas forcément aux idéaux, mais qui permet d’améliorer le bien-être physique et psychologique des individus.

Pour ce faire, les interprètes communautaires nous aident énormément.» Et Danaé Chevillat de confirmer: «Ils peuvent apporter des détails sur une recette ou une habitude du pays qu’il est parfois difficile pour nous de comprendre.» Une preuve de plus – s’il en faut – de la nécessité d’ouvrir le dialogue interculturel. 

INFOS PRATIQUES

Laurence Bridel et Danaé Chevillat travaillent au Cabinet de Nutrition et Diététique à Sion.

 

Des rencontres pour échanger autour de l’assiette

Le projet femmesTISCHE/hommesTISCHE propose aux personnes migrantes d’échanger, en petits groupes et dans leur langue maternelle, autour d’une thématique en lien avec la santé, l’éducation ou l’intégration. L’alimentation fait partie des sujets fréquemment abordés.
«Nous travaillons avec des images de plats», explique Mohamed Ali, animateur. «Les participants en choisissent une et cela lance la discussion.» Celle-ci permet de faire sauter les idées reçues et de présenter les produits disponibles en Suisse. «Nous en profitons pour délivrer des messages de prévention en évoquant le contenu de l’assiette: comment faire pour qu’elle soit équilibrée? pourquoi chaque composante est importante? combien de morceaux de sucre contient chaque boisson? etc.»
Les rencontres durent deux heures environ. La participation est gratuite. Un service de garderie peut être proposé.

En savoir plus : pour participer aux rencontres FemmesTISCHE/HommesTISCHE, rendez-vous ici!
ou auprès de sa coordinatrice: marie.pitteloud@psvalais.ch, 027 329 63 47.

Vous rencontrez des difficultés de langue? N’hésitez pas à contacter le service de traduction communautaire.
Pour bénéficier des services d’un(e) interprète communautaire, c'est par ici.
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