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De plus en plus de séniors sont victimes d'âgisme

L’âgisme, une discrimination plus importante que le sexisme et le racisme en Suisse, n’est pas sans effet sur la santé des aînés. L’un d’entre eux témoigne.

08 janv. 2020, 20:00
Les préjugés au sujet des aînés peuvent avoir des retombées sur leur santé.

Cela vous est-il déjà arrivé? Votre voiture est ralentie sur l’autoroute par un véhicule avançant à 110 km/h, votre interlocutrice vous demande de répéter la phrase que vous venez de lui dire, vous vous retrouvez bloqué à la caisse du supermarché par une personne âgée qui compte ses pièces de monnaie, et vous de penser: «Il roule comme un vieux», «Elle est sourde, c’est l’âge…», «Pourquoi ils font leurs courses à l’heure de pointe, alors qu’ils ont toute la journée?!»

Faites-vous preuve d'âgisme? Passez le test!

Avoir de telles réflexions, c’est faire preuve d’âgisme. Un récent substantif pour caractériser une discrimination qui, en Suisse, est plus attestée que le racisme ou le sexisme. En effet, selon une étude de Pro Senectute datant de l’automne dernier, 10% des séniors se sont sentis concernés par l’âgisme au cours de l’année précédente.

Delphine Roulet-Schwab, professeure à la Haute Ecole de la Santé La Source et spécialiste en gérontologie, explique que «c’est un phénomène dont on a conscience depuis peu de temps, qui a été renforcé par la mouvance des dénonciations de type «metoo», pour faire état des stéréotypes et des discriminations liés à l’âge. Il y a une prise de conscience générale qui se place dans la logique des mouvements d’affirmation des droits de la personne.»

«J’ai dû attendre quatre mois pour avoir des béquilles»

Chantal, 69 ans, a été confrontée à de telles discriminations lors d’un problème de santé survenu l’été dernier en Italie: «J’avais des douleurs à une jambe. Dans les pharmacies, on m’a prescrit des anti-inflammatoires et des pommades qui ont fini par ne plus faire effet. Je suis allée aux urgences où l’on m’a fait passer une IRM. J’ai subi une ponction, car j’avais le genou plein de liquide.» De retour en Suisse, son médecin joue des coudes et lui obtient un rendez-vous au CHUV, en novembre. «J’ai dû refaire une IRM, et donc payer les factures à double. On a constaté une déchirure du ménisque et alors, seulement, on m’a proposé des béquilles. J’ai ainsi développé de l’arthrose sur l’autre jambe.»

On lui intime le repos forcé, une décision particulièrement dure à accepter pour cette femme très active qui n’a, à ce jour, aucune opération de prévue. «J’ai deux nouveaux rendez-vous en janvier et en février mais, à la vitesse où vont les choses, je suis convaincue que je serai toujours dans cette situation l’été prochain, ce qui est insupportable à la fois physiquement et psychologiquement.»

«J’ai mal, malgré les médicaments»

Bénévole auprès de l’association AVIVO, Chantal constate que ce type de prise en charge est malheureusement monnaie courante chez les personnes âgées: «Ma concierge a le même problème de ménisque depuis le mois d’avril et elle n’a été opérée qu’en décembre. On part du principe que les gens à la retraite peuvent attendre. Sans doute, mais nous sommes pris en otage, contraints de vivre enfermés chez nous, impuissants face à la médecine. Je ne peux, ainsi, plus faire mes courses, j’ai perdu toute autonomie.»

Selon Chantal, il lui aurait fallu être au bénéfice d’une assurance complémentaire pour être traitée dignement: «J’aurais pu être prise en charge en clinique privée, par exemple, mais il faut des tuyaux pour passer avant les autres, ce qui me choque beaucoup. Je ne pensais pas qu’on en arriverait là en Suisse.» Et la sexagénaire de confier: «Vous savez, j’essaie de faire un maximum de choses pour n’être un poids pour personne, mais il y a des moments où je pleure: c’est dur de se voir comme cela, je commence à être résignée et j’ai mal, malgré les médicaments.»

Une attitude qui a des impacts sur la santé des aînés

En plus de révéler une profonde injustice, ces discriminations ont également un impact sur la santé des personnes âgées. Une étude réalisée en 2013 a ainsi démontré que les séniors ayant une attitude négative vis-à-vis du vieillissement rencontrent plus de stress, et donc plus de risques cardiovasculaires. Elles s’engagent moins volontairement dans des comportements de prévention comme faire du sport, manger sainement ou arrêter de fumer, développent facilement un sentiment de culpabilité ou un isolement social, et présentent, in fine, une espérance de vie qui peut être amputée de 7,5 années par rapport à des personnes du même âge ayant une vision positive du vieillissement.

“Si l’on pense qu’il est normal d’avoir mal en étant âgé, on se soigne plus tard... ce qui augmente, au final, les coûts de la santé.”
Delphine Roulet-Schwab, professeure à la Haute Ecole de la Santé La Source et spécialiste en gérontologie

Le fait d’aider et de surprotéger les personnes âgées présente également des effets délétères: faire les choses à leur place engendre une baisse de confiance en elles, et donc une diminution des performances motrices et cognitives. En d’autres termes, à infantiliser ses aînés on les rend plus dépendants. Des attitudes et comportements à interroger et à remettre en question, d’autant que, d’ici à 2040, plus d’un Européen sur quatre aura plus de 65 ans.

Définition de l’âgisme en quelques mots

Tout repose sur des préjugés, des attitudes discriminatoires, une perception générale négative du vieillissement. «Les personnes âgées seraient lentes, technophobes, coûteraient cher à la collectivité», explique Delphine Roulet-Schwab. «Des idées qu’on établit comme un constat unique et qu’on élargit à l’ensemble des plus de 65 ans.» Des représentations stéréotypées véhiculées notamment dans les médias et la publicité. «On y évoque souvent les coûts de la retraite, stipulant que les personnes âgées vont faire «couler» notre société. Cette vision se heurte à celle de jeunes séniors actifs qui courent avec leurs petits-enfants. On est dans un pôle ou dans l’autre, faisant fi de cette zone grise dans laquelle on trouve une grande hétérogénéité de profils».

 

Comment lutter contre l’âgisme?

  • Nouer des liens intergénérationels, afin d’avoir une meilleure connaissance du vieillissement.
  • Prendre conscience de ses propres préjugés, en remplaçant les personnes âgées par un autre groupe de population. Par exemple: «Ces femmes qui prennent le bus aux heures de pointe!»
  • Consulter les statistiques afin de relativiser la représentation qu’on se fait des aînés.
  • Traiter les personnes âgées comme des adultes; éviter l’infantilisation.
     

En savoir plus : au sujet de l’âgisme

En savoir plus : L'Association suisse romande contre la maltraitance des personnes âgées

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