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Coronavirus: les travailleuses du sexe risquent de se retrouver à la rue

Avec le confinement et les mesures de sécurité pour endiguer le coronavirus, bon nombre de travailleuses du sexe se retrouvent en situation de précarité.

06 mai 2020, 20:00
Il reste primordial de se protéger pour chaque rapport.

Les mesures de confinement ont brutalement signé l’arrêt de nombreuses professions en Valais. Les salons de prostitution (activité légale en Suisse) ont dû fermer précipitamment, au même titre que les commerces, plongeant les travailleurs et travailleuses du sexe (le genre féminin sera utilisé comme générique, dans le but de ne pas alourdir le texte) dans une précarité soudaine.

Du jour au lendemain, ces personnes se sont retrouvées sans revenu. Certaines ne peuvent plus s’acheter à manger et risquent d’être mises à la porte.
Johanne Guex, Coordinatrice de l’antenne sida de Promotion santé Valais

Mélanie* témoigne de la difficulté de la situation: «Le lieu dans lequel je travaille est fermé. Je n’ai ainsi plus d’argent pour payer mon loyer et ma nourriture, et comme je n’ai pas l’intention de travailler illégalement…»

Incapables de subvenir à leurs besoins vitaux

«Du jour au lendemain, ces femmes se sont retrouvées sans revenu», explique Johanne Guex, coordinatrice de l’antenne sida de Promotion santé Valais. «En une semaine, on a reçu de nombreux téléphones. Toutes n’ont pas pu rentrer dans leur pays avant la fermeture des frontières.»

Si les travailleuses du sexe au bénéfice d’un permis de séjour occupent généralement un appartement et ne se rendent au salon que pour exercer, les femmes qui n’ont pas le précieux sésame logent souvent sur leur lieu de travail. Celui-ci ayant fermé, elles se retrouvent ainsi sans domicile. «On leur propose donc une aide d’urgence pour leurs besoins vitaux.»

L’antenne sida a ainsi distribué des bons alimentaires pour la Coop et la Migros. Des discussions avec les propriétaires, en collaboration avec la police cantonale, ont également permis de trouver des solutions temporaires. A la mi-avril, on ne dénombrait ainsi aucune fille à la rue, en Valais.

«Actuellement, nous surveillons la gestion «psychique» du confinement, pour nous assurer qu’aucune travailleuse du sexe ne reprenne le travail, puisque c’est interdit. On encourage vraiment les filles à ne pas recommencer en raison des recommandations sanitaires. Mais je pense qu’elles ont bien compris les enjeux», affirme Johanne Guex, selon qui les activités devraient probablement reprendre en même temps que la réouverture des commerces. «Mais il est difficile, aujourd’hui, d’estimer si les clients craindront encore la propagation du virus après la crise ou s’il y aura une urgence pour eux à retrouver les travailleuses du sexe.»

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Vos préjugés ne correspondent pas à la réalité

Dans ces conditions de précarité, peut-on imaginer que les filles risquent de subir plus de violences encore? Mélanie*, notre témoin, dit ne pas en avoir été victime. Si elles existent, il semble très difficile de les chiffrer en Valais, mais l’antenne sida, qui se rend régulièrement sur le terrain, estime qu’il ne devrait pas y en avoir «plus que la violence domestique».

La réalité s’avère généralement plus nuancée que ne le laissent penser les préjugés, comme nous l’explique Johanne Guex: «Certains clients réguliers sont bienveillants vis-à-vis de ces femmes. Plusieurs fois, ce sont d’ailleurs eux qui nous ont contactés pour évoquer des litiges de loyers avec les propriétaires, ou d’autres difficultés que rencontrent les travailleuses du sexe. Certains d’entre eux les ont même aidées à remplir les déclarations APG en cette période de coronavirus. Tout le monde ne les exploite pas.»

D’où l’importance de mettre en lumière la profession, d’informer et d’éveiller les populations sur les réalités du métier. Sans quoi les répercussions sociales et psychologiques peuvent être très lourdes à porter pour ces personnes. «Le pire des scénarios serait de cacher la prostitution ou de l’isoler dans des zones éloignées, du type des zones industrielles.»

La réglementation aiderait ainsi tout à la fois à protéger les travailleuses du sexe et à éviter la stigmatisation de ces femmes, qui cachent bien souvent leur profession à leurs proches. «La plupart des gens ont des représentations très caricaturales et faussées de ces femmes, allant de celles qui gagnent des mille et des cents à celles qui sont victimisées par des clients ou des patrons qui les exploitent. Or, c’est rarement le cas en Suisse, où la prostitution est légale.»

Préserver la santé psychique des travailleuses du sexe, c’est aussi leur éviter de tomber dans les addictions de toutes sortes. «Certaines d’entre elles travaillent dans des bars de contact ou des bars à champagne, où les propriétaires réalisent une marge autour des consommations des clients. Les filles y sont plus exposées aux addictions, parce qu’elles consomment avec le client. En ce qui concerne les drogues, on constate aussi que plus une fille est isolée, moins elle aura de repères et plus elle sera exposée à ces problèmes de consommation.»

Pour préserver les filles et leurs clients, il semble donc plus important que jamais de faire tomber les tabous et les préjugés, tout en informant la population sur les véritables enjeux de la profession.

* Prénom d’emprunt.

En savoir plus : Sur les projets de l'antenne sida

Un service social pour conseiller les travailleuses du sexe

En Valais, la LProst (2016) a permis d’assurer à la fois un volet sécuritaire (les travailleuses du sexe doivent s’enregistrer auprès de la police) et un volet socio-sanitaire (les antennes continuent à réaliser des mandats de prévention). C’est dans ce cadre qu’a pu être créée la prestation BellaDonna. Lancé en 2018, ce mandat offre un conseil social aux personnes exerçant dans la prostitution sur le territoire valaisan, grâce à la présence d’une travailleuse sociale aux bureaux de l’antenne sida. Ce service est traduit en six langues. Il permet de pallier tout problème professionnel ou personnel et de répondre à des questions administratives (assurances maladie, assurances sociales), voire au sujet de la sortie de la prostitution. Une permanence téléphonique et un service de visu sont disponibles le lundi auprès de l’antenne sida.
Le Collectif Femmes* Valais a conçu une cagnotte en étroite collaboration avec BellaDonna, afin de soutenir les travailleurs et travailleuses du sexe en Valais.
Contacter le service BellaDonna

Pourquoi le rapport protégé est-il essentiel?

  • La santé des travailleuses du sexe et des clients n’est pas contrôlée.
  • Une fille rencontre plusieurs clients durant une journée.
  • En Suisse, les travailleuses du sexe et leurs clients s’exposent plus à des risques de contracter des IST (syphilis en tête) que le VIH.
  • Que le sexe soit tarifé ou non, qu’on soit deux, trois ou huit, il en va de la responsabilité de chacun des partenaires de se protéger.

Ne rendez pas visite aux travailleuses du sexe en période de coronavirus. Cela va à l’encontre des règles de distance sociale.

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