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Aider les élèves en difficulté psychique à achever leur cursus: un défi pour les directeurs du secondaire II

Phobies scolaires, dépression, troubles alimentaires, telles sont certaines des difficultés rencontrées par les élèves du secondaire II. Quelles sont les ressources des directeurs d’établissement?

02 sept. 2020, 20:00
Sachez tendre la main à un élève en difficulté.

Il existe peu d’études au sujet de la santé psychique des élèves du secondaire II, toutefois «des enquêtes de perception subjective montrent qu’environ un jeune sur deux est en souffrance, à un moment donné de sa formation secondaire, et qu’il s’agit d’autre chose que d’une crise d’adolescence», explique Susanne Lorenz, professeure à la HES-SO de Sierre et coautrice (avec Pascale Schalbetter) d’un rapport paru en 2018 intitulé «Etude exploratoire sur les besoins spécifiques de santé dans les établissements scolaires du secondaire II».

Un jeune sur deux est en souffrance, à un moment donné de sa formation secondaire.
Susanne Lorenz, professeure à la HES-SO de Sierre

Des maux psychiques qui ne sont, la plupart du temps, pas diagnostiqués, mais qui entraînent cependant absentéisme et/ou difficultés scolaires. «On peut voir apparaître cette souffrance à travers la qualité du sommeil, de l’alimentation ou des rapports sociaux. Ne pas repérer ces signes, c’est prendre le risque de voir apparaître des décrochages scolaires ou des comportements inadaptés comme des violences de ces élèves, contre eux-mêmes ou des tiers», met en garde la spécialiste.

Des problèmes bien réels dans les écoles valaisannes

Les directeurs d’établissement sont unanimes: de tels problèmes existent bel et bien, et seraient en augmentation. «Nous sommes confrontés à de multiples situations allant des crises d’angoisse à la tétanie qui nécessitent un soutien, voire l’intervention de médiateurs ou de l’équipe de santé», affirme René Constantin, directeur de l’Ecole professionnelle, commerciale et artisanale de Sion. Des problèmes dont l’enjeu pour les élèves s’avère crucial, selon Patrice Birbaum, directeur de l’Ecole de commerce et de culture générale de Monthey, puisque «ce mal-être vis-à-vis de l’école ne les rend, bien souvent, pas aptes à passer les examens».

La définition du mal est déjà ardue. Si l’on prend le décrochage ou la difficulté scolaire comme points de repère, il faudrait inclure les élèves présentant des troubles dys, TDA (troubles du déficit de l’attention), TSA (troubles du spectre autistique), un HP (haut potentiel), au même titre que les étudiants atteints d’anorexie, de dépression ou de phobie scolaire.

Au lycée-collège des Creusets, la totalité de cette population représente environ 10% des élèves. «Cette année, nous avons également le cas d’un élève en transition. Si cette situation n’est pas comparable avec les pathologies mentionnées précédemment, elle peut toutefois déboucher sur un mal-être scolaire et il a donc fallu trouver une solution ad hoc pour l’utilisation des sanitaires, et pour sensibiliser ses camarades et professeurs» explique Christian Wicky, directeur du LCC.

Les ressources, insuffisantes

Le principal défi pour les directeurs d’établissement? Prendre en compte ces besoins particuliers en proposant une formation «à la carte» avec tous les partenaires, pour accompagner au mieux l’élève dans l’achèvement de sa formation. Pour ce faire, les écoles bénéficient d’un réseau de professionnels, «une sorte de liste de numéros de référence, en fonction des cas… mais qui date de 2012», regrette Christian Wicky qui est parfois contraint de contacter le 144, faute de référents.

Pour les cas relevant de la psychologie clinique, les élèves sont souvent réorientés vers le CDTEA (Centre pour le développement et la thérapie de l’enfant et de l’adolescent) ou vers des privés, mais la liste d’attente est longue. Le réseau d’écoles21 permet également de mettre sur pied des projets à visée sanitaire au sein des établissements, par le biais de conférences ou de formation continue, voire en prenant en charge les coûts d’activités thématiques. Mais le manque de professionnels intervenant directement auprès des élèves contraint les directeurs à faire avec les moyens du bord.

Des groupes de santé ou de parole, des ateliers de méditation, de méthodes de travail ou de yoga se mettent en place, sur l’initiative des directions et des enseignants. Les demandes sont fréquentes pour engager des infirmières scolaires – il n’y en a pas au secondaire II – mais ces dernières traitent surtout de problèmes physiques. Les psychologues en orientation scolaire et professionnelle ne sont, quant à elles, pas tenues d’occuper ce rôle. Il revient aux médiateurs de rediriger les jeunes vers des professionnels de la santé. «Faute de personnel, ces enseignants médiateurs doivent encore trop souvent quitter la salle de classe pour intervenir auprès d’élèves en crise», confie René Constantin pour qui «seule la collaboration étroite entre enseignants, médiateurs, direction et maîtres d’apprentissage permet de trouver des solutions «sur mesure». Mais il nous manque des ressources, c’est une évidence.»

Les directeurs interrogés estiment qu’une solution pourrait être de pouvoir compter sur des professionnels de la santé qui interviendraient sur les différents sites d’une même commune. En attendant, il semble primordial d’agir sur la santé de l’ensemble des acteurs des établissements pour améliorer le climat scolaire.

En savoir plus: Le réseau d’écoles21 vise, entre autres, à réduire les souffrances psychologiques à l’école.

«Il est difficile d’avoir 20 ans à notre époque.»

Susanne Lorenz explique: «L’adolescence est un âge délicat, en raison des modifications qu’on rencontre dans son corps, ses relations sociales, les nombreuses questions existentielles qui peuvent nous fragiliser. Certains parents sont aussi parfois moins disponibles pour écouter ce qui se joue chez les jeunes en matière de doutes, d’addiction, de violence, d’angoisse face à la précarité, etc.» Le contexte professionnel actuel contribue aussi à exacerber les interrogations des jeunes. Un point de vue partagé par Christian Wicky: «La société dans laquelle nous vivons ne facilite pas leur insertion dans le monde du travail. Il est difficile d’avoir 20 ans à notre époque.» D’où la nécessité d’offrir des ressources aux étudiants, afin de les outiller le plus précocement possible.

Pour aider les élèves en difficulté…

  • Repérez les signes qui peuvent alerter (absentéisme, stress, fatigue, perte de poids, isolement social, etc.)
  • Discutez-en avec l’élève, son titulaire, ses parents, la direction

  • Privilégiez un rapport de confiance basé sur la responsabilisation («Que va-t-il se passer si rien ne change?», «Pourquoi cela peut t’aider?»), plutôt que sur des solutions toutes faites («Il faut aller dans telle structure»)

  • Si nécessaire, remettez-vous-en aux médiateurs, à un psychologue ou à un professionnel de santé

  • Se souvenir que ces problèmes demandent du temps pour être résolus

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