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Magazine Culture: la danse qui rend libre, au-delà des carcans

Florence Fagherazzi et Gaetan Daves signent l’émouvant ballet chorégraphique de deux corps, valide et handicapé. Leur prestation "Bist du frei?" nous questionne sur la liberté de nos existences.

16 oct. 2018, 15:06
/ Màj. le 16 oct. 2018 à 17:00
La sensualité du couple sur scène balaie tous les clichés limitants de l’handicap.

Son regard clair est rieur. "Quand je danse avec Gaetan, je deviens le prolongement de son corps. Et lui, chef d’orchestre du mien, dit-elle. En le laissant faire tout ce dont il rêve, je le libère de sa prison. Lui m’oblige à lâcher prise. Mon cerveau en mode off me décroche du mental. Nous partageons alors un moment de liberté incroyable."

Florence Fagherazzi est chorégraphe et danseuse, à la tête depuis dix ans de la Cie valaisanne Monochrome. Gaetan Daves, danseur en situation de handicap moteur cérébral. Leur spectacle «Bist du frei?» célèbre une fusion chorégraphique bouleversante, sur fond de pensée sartrienne et de questionnement sur l’implication mutuelle entre liberté et responsabilité personnelle. Gaetan a 19 ans quand a lieu leur rencontre en 2014 au centre Valais de Cœur à Sierre.

Coup de foudre

«Il a poussé le son et le tapis dans sa chambre pour se mettre aussitôt en mouvement. J’ai vécu un véritable coup de foudre artistique. J’ai vu son potentiel, ressenti sa présence et son charisme au-delà de son enveloppe corporelle toute biscornue.» Spontanément, elle lui propose de partager ensemble la scène. «Il y avait du boulot, j’avais besoin de comprendre le fonctionnement de son corps pour me mouler dedans, de ressentir son rythme et ses blocages.» Un vrai travail de laboratoire en amont de ce spectacle, soutenu par «Art en partage», et dont Gaetan signe par ailleurs une première chorégraphie.

Sensualité sans clichés

Florence Fagherazzi est alors balayée par une interpellation éthique: n’y aurait-il pas une part de voyeurisme dans cette démarche visant à faire danser une personne handicapée? «Dans l’étape1 de “Bist du frei?”, enfermés dans nos corps et esprits, nous reculons mécaniquement sur des chemins balisés de lumière.

Quand Gaétan sort progressivement des rails, je savais que le public allait frémir en redoutant que le pauvre ne soit en train de louper sa prestation. Mais c’était voulu puisqu’il vient dans ma direction pour faire de moi sa marionnette.» A cette prise de conscience, se rajoute le fait qu’en ne niant pas leurs différences par des costumes asexués, le couple de danseurs dégage une forte sensualité.

Une prestation bluffante au point que le public en oublie visuellement le handicap. «Dans cette perspective, il n’y a effectivement pas d’utilisation gratuite du handicap. Gaetan ne m’a pas attendue pour être un soleil.»

Le public est embarqué

Florence est bien consciente que le concept de «danse contemporaine» puisse avoir un effet réfrigérant. «Raison pour laquelle j’essaie de la rendre accessible à tous, de faire surgir une émotion, complaisante ou dérangeante, pourvu qu’elle soit vibrante. J’aime confronter les spectateurs sans imposer ma dramaturgie, mais en laissant à chacun sa propre grille de lecture.» Son approche du public est clairement inclusive.

Dans l’étape 2 du spectacle «Bist du frei?» en 2017 au Manoir de Martigny, Florence et Gaetan, accompagnés de danseurs et d’un groupe d’électro, sont dispatchés dans différents espaces, le public restant libre de s’attarder où bon lui semble. Cette proximité interactive s’intensifie encore dans l’étape 3, au Centre Johannis de Chamoson en avril 2017.

Surprise

«Les spectateurs circulent autour des danseurs et quand une vingtaine de mes élèves créent la surprise en nous rejoignant sur scène, d’autres personnes n’hésitent pas à en faire autant.» Cette approche intégrative est largement revisitée lors de workshops à la HES-SO Valais-Wallis, dans le cadre scolaire ainsi qu’en milieu carcéral.

Dans «SchwerKraft» présenté en solo cet automne, Florence repousse plus loin ses limites, son corps ne se mouvant qu’au seul contact tactile des gens. «Je suis leur objet et bien sûr, il y a un sens à tout cela inspiré cette fois par le poème “Ainsi parlait Zarathoustra” de Nietzsche.» Mais que faisons-nous de notre vie? Avec Gaetan ou son public, Florence a manifestement trouvé une ébauche de réponse.

 

INFOS PRATIQUES

 

"SchwerKraft" les 23 et 24 novembre 2018 à 20 heures à l’espace Johannis

En savoir plus : www.chamoson.ch
 

"Bist du frei?" au théâtre Interface de Sion, les 17 et 18 janvier 2019 à 20 heures.

En savoir plus : www.theatreinterface.ch
 

"Création carte blanche" les 2, 3 et 4 mai 2019 à La Belle Usine de Fully.

En savoir plus : www.belleusine.ch
 

"Bist du frei?" le 5 mai 2019 à la Maison de Chailly à Lausanne.

En savoir plus : www.m-q-c.ch

En savoir plus :  www.ciemonochrome.ch

 

Vous pouvez consulter cet article dans notre magazine "Culture" en cliquant sur la couverture

 

 

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