Votre publicité ici avec IMPACT_medias

Le prêche apocalyptique de Nick Cave terrasse Montreux

Avec son concert du Stravinski ce jeudi 12 juillet, le croque-mitaine australien est entré dans la légende d'un festival qui n'avait pas connu de tels assauts de violence et de beauté depuis des lustres.

13 juil. 2018, 12:17
Dans la puissance évocatrice et la dimension scénique, Nick Cave et ses Bad Seeds n'ont pas d'équivalent aujourd'hui.

Une image pour les résumer toutes. Nick Cave debout au milieu du public du Stravinski intégralement assis, obéissant à ses injonctions de prêcheur égaré, repoussant des cieux fantasmatiques de ses mains comme le fait le chanteur australien sur le sublime et lancinant "Push The Sky Away". C'est la fin du concert. Ou presque. Mi-ange déchu mi-croque-mitaine, Cave reviendra au bout des applaudissements extatiques pour deux rappels, après plus de deux heures de transe scénique. Mais la foule est aux pieds de ce songwriter sans équivalent aujourd'hui.

Une image pour les résumer toutes, donc. mais quel que soit l'instantané choisi durant ce concert, chaque centième de seconde aurait rendu un cliché anthologique. L'entrée en scène sur le fervent "Jesus Alone", titre introductif du déchirant "Skeleton Tree" composé après la mort de son fils... L'air de la salle se densifie en l'espace de quelques inflections vocales. Le son, pourtant difficile à dompter du Strav, est parfait pour les Bad Seeds et leur sens du tranchant. La batterie incise au centre, la basse pilonne le bas-ventre et les guitares et le violon infernal de Warren Ellis n'ont pas encore asséné leurs upercuts mais on sent que les assauts seront brutaux. Et beaux.

Puissance inconcevable

"We fucked the setlist", lâche Nick Cave au micro. Ce soir, la nuit est sienne et il compte l'emmener où ça lui chante. La narration progressive, imparable, du concert de novembre à l'Arena est sacrifiée à l'instinct du boss. Il sait qu'il tient le public au creux de ses mains trop grandes, elles qui dessinent dans l'air la trame des histoires noires qu'il porte dans sa voix et son corps décharné. Elles qui invoquent à la fois la mythologie de l'ouest américain, l'aridité des plaines australiennes peuplées des fantômes criminels de la vieille Angleterre et la noirceur de velous d'un cabaret berlinois...

"Boson Higgs Blues", "From Here To Eternity", "Loverman"... La puissance déployée est presque inconcevable. Les décharges sont soudaines, si bien équilibrées avec les moments de grâce que Nick Cave et ses Bad Seeds peuvent jouer avec les limitations de décibels en virtuoses, rester sur la moyenne du set à un niveau de son tout à fait légal et en même temps lancer des charges d'une violence que la salle et le Montreux Jazz Festival auront rarement connue. 

Vient une accalmie centrale, "The Ship Song", "Into My Arms, "Girl In Amber", "Distant Sky", une mer d'huile dont on devine que la surface en miroir dissimule à peine une tempête qui redoublera juste après. La fin du concert est apocalyptique. "Tupelo", un "Jubilee Street" qui crève le plafond, un "Weeping Song" où Cave, perché sur un podium au milieu des gens leur fait battre les mains, le coeur et les tempes, un "Stagger Lee" où il invite le parterre à monter sur scène pour mieux exploser de folie... Ce soir, Nick Cave a rejoint les légendes du Montreux Jazz. Ce soir, il a transformé le Stravinski en un temple où rien d'autre que la musique n'a compté. Sûrement - et déjà - le concert de l'été. 

 

Votre publicité ici avec IMPACT_medias