Il en impose, Billy F. Gibbons. Sur la scène, pendant le soundcheck, son jeu délié mais rugueux fait merveille sur les enceintes et dans la plaine Bellevue encore vide. Quelques notes, quelques riffs suffisent à dire la densité musicale dont ce Supersonic Blues Machine est capable. Ce «supergroupe» de briscards qui ont roulé leur bosse avec les plus grands et se font aujourd'hui plaisir avec en invité de luxe l'icône texane à la barbe rousse. Il en impose aussi en coulisses, costard taillé aux enluminures mexicaines, bagues et bracelets argent et une bonhomie qui contraste agréablement avec son statut de superstar du boogie rock. Ce vendredi soir, il est l'attraction majeure, la figure de proue de cette dixième édition du Sierre Blues Festival. Interview.

Billy F. Gibbons, ce n’est pas votre première venue dans le coin... Vous vous y sentez presque à la maison?
On m’a demandé pourquoi j’aimais bien cette région... J’ai répondu que quand on se réveille ici au petit matin, on ouvre les yeux et quelle que soit la direction où l’on regarde, le spectacle est beau à voir. Au Texas, on ne voit que du sable, des cactus, des serpents à sonnette... (rires). C’est très différent ici, très vert. Et j’ai entendu dire que Sierre est la ville la plus ensoleillée de Suisse. Et les vins du coin sont fameux... «From tequila to vino» (rires)...»

Vous aviez promis de revenir à Sierre cet été sur scène avec ZZ Top l’an passé. Mais cette fois vous êtes un peu plus nombreux sur scène...
C’est vrai, avec le Supersonic Blues Machine, tout est très différent. Tout est parti d’une situation un peu accidentelle. J’avais une chanson que je voulais faire avec ZZ Top, une chanson de rap. Notre producteur ne voyait pas vraiment le lien entre le groupe et le rap. On voulait l’arranger à notre sauce. On devait demander les droits à deux rappeurs que je connaissais mais ils sont morts suite à une fusillade. J’ai failli abandonner. Mais la veuve de l’un des rappeurs nous a donné l’autorisation de l’enregistrer, ce que j’ai fait chez Fabrizio Grossi (bassiste et fondateur de Supersonic Blues Machine). Je lui ai fait cadeau du titre et il a construit deux albums et un groupe à partir de ça. Et ensuite, ce groupe m’a invité à partir en tournée et c’est vraiment très agréable d’être sur scène avec ces musiciens incroyables.

Votre rôle est donc assez différent au sein de ce collectif par rapport au trio ZZ Top...
Oui, et il m’a permis de me coiffer de la casquette d’arrangeur... Aux premières répétitions, tout le monde jouait beaucoup et j’ai pu alléger, répartir les différentes lignes et déléguer beaucoup, c’est génial.

Quand vous vous retournez sur votre parcours, qui est tout de même ahurissant, quel est votre sentiment?
Tant qu’on avance, on ne regarde pas vraiment dans le rétroviseur. Mais ces derniers mois, on m’a fait remarquer que l’an prochain, ZZ Top fêtera ses 50 ans. Ça m’a fait comme un choc. Mais où est-ce que tout ce temps a bien pu filer? C’est fou. Mais je regarde devant, et devant moi, il y a mon deuxième album solo qui sortira en septembre, «The Big Bad Blues», qui revient aux sources après l’album «Perfectamundo» qui explorait un côté plus latin de la musique.

BB King m'avait dit: apprends à jouer ce que tu as envie d'entendre. Il n'y a rien de plus vrai je crois."
Billy F. Gibbons, chanteur et guitariste

Finalement, le blues n’a pas vraiment de frontière. On peut l’emmener partout, non?
C’est certain. La forme d’art du blues a été créée il y a plus de cent ans et tout est parti de trois accords. On pourrait voir le blues comme un mode d’expression limité, mais avec ces trois accords, on peut bâtir une infinité d’univers. Il s’agit d’interpréter cette histoire, de la faire chanter, évoluer. Bien sûr, je ne ramassais pas de coton dans le sud des Etats-Unis, mais connaître cette profondeur, ce sens, cet héritage et maintenir tout cela en vie, c’est quelque chose de merveilleux.

Quelle est la plus grande leçon que vous ayez apprise en musique?
Je crois que c’est BB King qui m’avait dit: «apprends à jouer ce que tu as envie d’entendre». Ça peut paraître simple dit comme ça, mais il n’y a rien de plus vrai je crois.

Vous êtes devenu un personnage iconique mais reste que Billy F. Gibbons est aussi une personne. Comment gérez-vous cette dualité?
J’incarne chaque jour ce personnage et d’une certaine façon, je suis en promotion constante pour cette figure de la musique que j’ai créée. Récemment, dans un aéroport, un petit enfant nous a vus Dusty (ndlr: Hill, bassiste de ZZ Top) et moi. Il s’est écrié: «Maman! Il y a deux Pères Noël...» J’ai trouvé ça génial. Vous savez, il y a toujours une séparation entre le personnage et moi. Quand je suis sur scène, j’incarne cette «chose»... et quand je suis sur mon canapé à regarder de vieux films, je suis juste moi.

Vous reste-t-il un rêve à réaliser aujourd’hui?
Oh, il y a ce nouveau hot rod ZZ Top qu’un ami constructeur de voitures est en train de réaliser. Il veut absolument que je vienne serrer les derniers boulons. Je crois que c’est ça aujourd’hui mon rêve. Bricoler ce magnifique bolide et y mettre un peu de ma sueur.

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