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Stéphane Marguet, l’homme qui était bon comme son pain

Il se dit faiseur de pain, tombé amoureux des céréales anciennes. Stéphane Marguet les remet au goût du jour à Hérémence dans sa boulangerie face à la Maya.

16 mai 2021, 17:00
Avec Stéphane Marguet La Maya a trouvé son pain.

On peut imaginer que Stéphane Marguet a eu plusieurs vies. Mais à voir de plus près, ce serait plutôt une seule, guidée par le courant tumultueux de l’existence vers une unique direction.

Des cascades, des sauts et aujourd’hui un courant plus serein. Rien ne prédestinait ce Vaudois à se retrouver un jour devant son four à Hérémence, à raconter ému, comment on «boule» une pâte de 690 grammes. Rien? Vraiment? Mmmh…

L’ancien poêlier fumiste construisait des fours à pain, des cheminées de salon quand une double embolie pulmonaire le met à terre. «Il ne me restait que 9% de capacité respiratoire. A l’hôpital, dans les “vapes”, j’ai vu mon petit-fils au plafond et j’ai entendu une voix qui disait: “Ressortez-le de là il respire encore!”».

Trois jours après, il signe une décharge afin de sortir de l’hôpital, sans médication.

Prise de conscience

«Je me suis demandé ce que j’allais faire de ma vie», se souvient-il. Cet ancien cycliste et motard, s’il ne pouvait bouger son corps, avait besoin d’occuper son esprit.

L’idée de la nourriture saine commence alors à l’habiter, lui, l’adepte des pains rapides des stations-service «par facilité».

«Je savais qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Après déjeuner je n’avais plus d’énergie. J’ai lu des bouquins de boulangerie chez ma mère qui faisait un peu de brocante, vu un reportage sur Marc Haller sur “les pains de mon chemin”.

L’histoire de ce gars qui part sur la route de Saint Jacques-de-Compostelle, qui bousille ses deux énormes boulangeries à 14 ouvriers et recommence tout seul m’a fait tilt.

J’ai commencé à essayer de fabriquer un levain; j’ai loué le four à pain de Vollèges, et j’ai fait 50 kilos de pâtons pour 80 pains.

Et à 6 heures et demie j’étais au marché de Sion, novembre 2016. Je les ai tous vendus même si je ne les trouvais pas terribles.»

J’estime que le pain doit avoir une certaine prestance, comme les anciens le faisaient. 

 

 

 

Après un épisode à Saillon, le «faiseur de pain» dérhume le vieux four de Mâche, y reste une année avant de trouver, enfin, «son» local à Hérémence.

 

Stéphane Marguet  travaille devant cette Maya qu’il a enfin pu rejoindre en 3 h 30.Une victoire contre sa double embolie pulmonaire. Sabine Papilloud

«Il y avait trois sacs de farine pourrie et une vingtaine de petites souris», raconte attendri Stéphane Marguet. «C’était une chance incroyable!»

Là, il construit les meubles qui vont lui permettre de travailler le pain et le laisser se reposer. «Je n’avais jamais utilisé de four électrique, au début j’y plaçais des gobelets d’eau pour l’humidité!»

A l’ancienne

Stéphane Marguet ne travaille qu’avec de la farine, de l’eau et du sel et met un point d’honneur à monter son pain avec du levain. «Le levain offre plusieurs avantages: il permet aux pains de rester frais bien plus longtemps, et est plus digeste!»

Créer des pains à l’ancienne dans un circuit court lui tient à cœur. «Depuis quatre ans, nous avons mis en place avec le Service de l’agriculture une collection de 50 blés anciens, semés sur des parcelles de 2 ou 3 m².»

 

«La farine, tu la brasses avec une quantité toujours la même, et du levain que tu nourris tous les jours.» Sabine Papilloud

Aujourd’hui Stéphane Marguet confectionne ses pains avec de l’engrain (petit épeautre), de l’amidonnier, et de l’épeautre. «En collaboration avec Olivier Studer, président de Céréal’Hier, nous œuvrons à la mise en place d’une filière de céréales anciennes biologiques en Valais.»

 

«Avec le pain à l’ancienne, il ne faut pas s’occuper de l’aspect financier, mais de ce que l’on fait de la pâte. Savoir comment et pourquoi elle réagit ainsi» raconte-t-il en boulant son pâton. Sabine Papilloud

Après avoir laissé reposer sa pâte dans un brasseur, Stéphane Marguet «boule» ses pains sur son établi. «Ces farines anciennes ne se pétrissent pas, comme les céréales modernes, elles ont très peu de gluten, donc j’essaie de les conserver pour qu’elles continuent leur fermentation naturelle.»

Un geste ancestral pour des céréales que l’on utilisait déjà il y a 11000 ans.

«Ici on ne tape pas la pâte. Ce serait un manque de respect, on ne va quand même pas frapper quelqu’un qui nous donne à manger!», raconte-t-il en plein geste.

Puis Stéphane dépose le «bébé, les fesses en l’air» dans son «berceau» de lin ou de coton saupoudré de farine avant de le cuire dans un four à 235 degrés.

 

Les pains (les bébés) reposent dans leur berceau de lin ou de coton en attendant de passer dans le four (la mère). Sabine Papilloud

«C’est la pâte qui décidera à quel moment elle doit être cuite.» Le pain sorti, il restera encore huit heures dans la boulangerie.

«Les anciens disaient que le pain se fait aussi à l’extérieur du four. On ne sépare pas la mère de ses bébés tout de suite. Ainsi, quand il partira à la vente, il sera parfait pour la digestion.»

 Des frissons

A chaque fournée, l’émotion est toujours présente. «Je suis comme un gamin qui attend un cadeau. A la sortie du four, tu ressens les odeurs qui se mélangent, le chant du pain sur les planches.»

 

Stéphane Marguet dessine ses gammes de pain avec la passion du geste pour trouver le goût des temps anciens. Sabine Papilloud

Emu et toujours reconnaissant, en faisant des recherches sur son passé, Stéphane Marguet apprend que deux de ses arrière grands-parents étaient boulangers. «Je n’ai pas besoin de réfléchir quand je fais une recette, c’est génétique. Je sens ce qui se passe dans la pâte. J’ai même parfois l’impression d’être accompagné.»

Stéphane Marguet dit être devenu quelqu’un d’autre à Hérémence. «Je m’aperçois au bout de cinq ans de travail que plus je suis dans cette énergie, mieux je me porte et mieux mon pain se porte.

 

Avec le pain à l’ancienne, il ne faut pas s’occuper de l’aspect financier, mais de ce que l’on fait de la pâte.

 

 

 

Tous les jours des gens me prient de ne pas arrêter. Mes petits-enfants me disent que ce n’est pas du pain que je fais, mais des biscuits.» Papy pain, un surnom tout trouvé. Aujourd’hui, Papy pain rêve d’une autre aventure.

«Je me suis rééduqué avec deux ânes après mon accident de moto, j’ai compris ce que cet animal pouvait apporter à quelqu’un de stressé et de mal dans sa peau.

Mon idée maintenant est de fabriquer une roulotte et de partir sur les routes de Suisse faire du pain et le distribuer aux gens qui ont faim.

Je voudrais trouver des sponsors, pour les farines, etc. Une quarantaine de pains à donner par jour, et vivre comme ça, une année ou deux, ou trois avec mes ânes.»

 

INFOS PRATIQUES

«Le pain que j’aime» se retrouve à Vex, Chez Mamie à Martigny, Fully et Viège, à la Roulotte verte à Bramois et chez Intchiè No à Sion et à Nouvelle Terre à Martigny.

 

Retrouvez cet article dans notre magazine «Terroirs2 en cliquant sur la couverture ci-dessous.

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