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Coronavirus: similitudes dans la gestion hésitante de la grippe espagnole et du Covid-19

La Suisse n’aurait-elle pas appris de ses erreurs? Les hésitations et les tâtonnements dans la gestion du Covid-19 présentent d'étonnantes similitudes avec celles recensées il y a un siècle avec la grippe espagnole.

09 févr. 2021, 07:30
Les réactions du gouvernement suisse face à la grippe espagnole et au Covid-19 présentent des fortes similitudes.

Des actions hésitantes, des assouplissements trop précoces et des restrictions ignorées: la gestion de la pandémie de Covid-19 présente des similitudes frappantes avec celle de la grippe espagnole. Des chercheurs en font état dans la revue Annals on Internal Medicine.

Il est impressionnant de voir à quel point les actions du gouvernement et des autorités se ressemblent de plus en plus pendant les pandémies de 1918 et 2020.
Kaspar Staub, historien à l’Université de Zurich

En 1918 et 1919, la grippe espagnole a fait des ravages dans le monde entier et a tué 24’447 personnes en Suisse. La deuxième vague, très longue, a fait de nombreuses victimes, selon des sources historiques.

«Il est impressionnant de voir à quel point les actions du gouvernement et des autorités se ressemblent de plus en plus pendant les pandémies de 1918 et 2020», a déclaré Kaspar Staub, historien à l’Université de Zurich, dans un entretien avec l’agence Keystone-ATS.

Schémas étonnamment similaires

Il existe bien sûr des différences importantes. Aujourd’hui, il s’agit d’un autre virus, les conditions de vie ne sont pas les mêmes, le monde professionnel est plus interconnecté et les connaissances médicales ont grandement évolué. Néanmoins, certains schémas sont étonnamment similaires.

Une équipe de recherche canado-suisse a retracé les évènements survenus dans le canton de Berne pendant la grippe espagnole. Elle a analysé près de 10’000 rapports déposés aux Archives cantonales concernant plus de 120’000 cas de grippe espagnole provenant de 473 communes.

 

Selon cette analyse, la grippe espagnole s’est d’abord propagée dans la partie francophone du canton de Berne et dans les villes au cours de l’été 1918. Les infections dans les régions alpines ont suivi un peu plus tard.

Première réaction rapide en 1918

Au début de la première vague, le canton de Berne a réagi rapidement et de manière centralisée. Il a restreint les réunions, fermé les théâtres, les cinémas et les écoles. Il a interdit les répétitions de chorales, mais les magasins et les usines sont restées ouvertes.

Le nombre d’infections a diminué et les restrictions ont été levées beaucoup trop tôt. Il est vite devenu évident que la vague de l’automne, bien pire, était en route.

Cette réaction décentralisée par peur de nouvelles restrictions et de leurs conséquences économiques n’a pas fonctionné.
Kaspar Staub, historien à l’Université de Zurich

Selon l’étude, le point fatal est que le canton de Berne a réagi de manière hésitante au début de la deuxième vague. Il a placé les responsabilités entre les mains des communes. Dans certains cas, elles ont pris beaucoup moins de mesures que le canton lors de la première vague.

Réaction décentralisée

«Cette réaction décentralisée par peur de nouvelles restrictions et de leurs conséquences économiques n’a pas fonctionné», souligne Kaspar Staub. Il a fallu attendre quelques semaines avant que le gouvernement cantonal ne prenne des mesures plus strictes et centralisées. La pandémie s’est alors un peu calmée.

Ces évènements ont provoqué un rebond significatif du nombre de cas, ce qui a rendu la deuxième vague d’autant plus longue.
Kaspar Staub, historien à l’Université de Zurich

La deuxième vague a malgré tout maintenu son emprise. En novembre 1918, alors que le nombre de cas était encore élevé, des conflits ont éclaté entre le gouvernement et les ouvriers, évènements qui ont culminé avec la grève nationale et des rassemblements de masse. La présence de soldats dans les villes a fait augmenter le nombre d’infections.

Après la grève nationale, de nombreuses personnes se sont opposées aux restrictions sur les rassemblements, qui ont ensuite été assouplies. «Ces évènements ont provoqué un rebond significatif du nombre de cas, ce qui a rendu la deuxième vague d’autant plus longue», analyse Kaspar Staub. Une évolution similaire est aujourd’hui redoutée en raison des mutations du coronavirus.

Tirer des leçons de l’histoire

L’étude montre que la Suisse aurait pu tirer des leçons de son histoire, souligne le co-auteur et épidémiologiste bernois Peter Jüni de l’Université de Toronto. Il est aussi directeur scientifique du conseil consultatif Covid-19 du gouvernement de l’Ontario.

Il est difficile de comprendre que dans un pays bien organisé, très développé et privilégié comme la Suisse, une personne sur mille est morte du Covid-19 et une sur 300 a été hospitalisée.
Peter Jüni, épidémiologiste bernois de l’Université de Toronto

«Il est difficile de comprendre que dans un pays bien organisé, très développé et privilégié comme la Suisse, une personne sur mille est morte du Covid-19 et une sur 300 a été hospitalisée», déclare Peter Jüni. Malheureusement, le Conseil fédéral a agi de manière beaucoup trop hésitante dans cette situation de crise, estime-t-il.

Polarisation

Il y a eu une polarisation entre les représentants politiques et ceux de la science. Cette situation a conduit à une paralysie politique depuis au moins l’automne 2020, estime l’épidémiologiste bernois.

Cependant, la perspective historique révèle également un certain espoir. Au printemps 1919, la grippe espagnole a refait surface lors d’une troisième vague relativement bénigne et elle a disparu.

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