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Coronavirus: «Nous vivons une véritable épidémie d’épidémiologistes de tous crins!»

En répondant à vos questions, le directeur de l’Hôpital du Valais Eric Bonvin évoque la comparaison internationale du nombre de cas, le chaos actuel de l’information ou encore le débat sur le confinement.

26 mars 2020, 19:50
Eric Bonvin, directeur général de l'Hôpital du Valais: "Aujourd'hui, l'un des principaux problèmes est le chaos de l'information."

Eric Bonvin, la Suisse est désormais le pays au monde qui compte le plus de cas de Covid-19 par rapport au nombre d’habitants. Cela signifie-t-il que nous gérons très mal cette pandémie? 

Non, car il ne faut pas oublier une donnée lorsque l’on fait ce constat. Lorsqu’on parle de cas Covid-19, ce ne sont que les cas diagnostiqués par test. Or nous ne connaissons pas le nombre exact de personnes infectées et cela correspond forcément à un nombre beaucoup plus important. Nous sommes aujourd’hui le pays au monde qui fait le plus de dépistages. En deux semaines, nous sommes passés de 2000 à 8000 tests quotidiens dans notre pays. Cela fait que nous avons davantage de cas diagnostiqués mais cela ne représente pas le nombre de cas réels. D’autres pays diagnostiquent moins et donnent donc l’impression d’avoir moins de cas, mais ce n’est qu’une impression.

«C’est un peu comme lors d’un tsunami, lorsque la mer se retire et qu’on attend une vague en retour dont on ignore la hauteur.»

Mais il y a tout de même une forte montée de la pandémie en Suisse? 

Oui, c’est un fait établi qui se constate tous les jours. Au niveau de l’Hôpital du Valais, près de 124 personnes ont été hospitalisées jusqu’à aujourd’hui pour le Covid-19 et 24 sont sorties rétablies. Cela signifie que l’hospitalisation est longue. Pour l’instant, en Valais, la montée du nombre de cas graves n’est pas aussi forte que dans d’autres cantons, mais on se prépare tout de même au pire. C’est une phase très bizarre, avec une partie de la population et du personnel soignant qui attend. C’est un peu comme lors d’un tsunami lorsque la mer se retire et qu’on attend une vague en retour dont on ignore la hauteur.

Pouvez-vous nous donner les chiffres actuels qui concernent l’Hôpital du Valais? 

Actuellement, 92 personnes atteintes par le coronavirus sont hospitalisées dont 14 se trouvent aux soins intensifs.

Hier, 300 professionnels de la santé en Suisse romande ont écrit une lettre ouverte aux autorités demandant le confinement. Ce matin, dans «Le Temps», un professeur de l’EPFL en fait de même et regrette que le monde politique n’ait pas écouté le monde scientifique en janvier. Que pensez-vous de ce débat? 

Le débat sur le confinement doit avoir lieu au bon endroit, entre les spécialistes de la santé, des pandémies et les autorités politiques. Je le répète encore une fois, le plus important est avant tout d’appliquer les mesures qui sont prises. Des recommandations et des mesures restrictives correctement respectées peuvent être aussi efficaces qu’un confinement. Je ne dis pas qu’il faut dire oui, amen à tout ce que dit le Conseil fédéral, mais actuellement il nous faut agir de façon unie et non pas débattre. Aujourd’hui, le plus grand danger, dans cette pandémie, est le chaos en termes d’information, entre les réseaux sociaux, les médias, la politique et les scientifiques de tout bord. Nous vivons une véritable épidémie d’épidémiologistes de tous crins! Il est très difficile de tenir la barre lorsque tant de théories et d’avis s’affrontent et nous paralysent, alors qu’il nous faut agir de façon cohérente. Cela désécurise autant la population que les professionnels, à l’hôpital notamment.

«Les gens doivent s’attendre à vivre comme cela pendant deux à trois mois.» 

Pourtant, l’information est vitale pour permettre aux gens d’adopter la bonne attitude.

Oui, mais alors il ne faut pas tout remettre en question tout le temps. La vérité est que nous sommes face à une inconnue pour l’humanité. Nous devons gérer ensemble cette incertitude, tout en faisant confiance autant dans les actions que nous entreprenons que dans notre aptitude à nous adapter en fonction des nouvelles données.

Respecter la distance sociale et l’hygiène des mains paraît facile sur quelques semaines, mais plus compliqué sur plusieurs mois, non? 

Alain Berset l’a dit, il faut se préparer à un marathon. Les gens doivent s’attendre à vivre comme cela pendant deux à trois mois. L’important est de garder confiance dans la pertinence des mesures prises et d’attendre leurs effets.

Aujourd’hui, une partie de la population travaille depuis chez elle et peut plus facilement respecter les mesures. A partir de ce constat, un lecteur nous demande pourquoi ne pas réaliser des tests systématiques sur toutes les personnes qui doivent se déplacer pour travailler et ainsi contenir localement la pandémie? 

Un diagnostic systématique permettrait certainement de savoir qui a déjà fait la maladie et peut retourner au travail sans crainte de contaminer les autres. Mais nous ne savons pas si nous aurions la capacité de réaliser autant de tests. Cependant, un diagnostic a du sens s’il permet d’entreprendre un traitement spécifique. En l’occurrence, le seul traitement à proposer à une personne positive est le même que pour tout le monde, à savoir le respect des distances sociales et l’hygiène des mains. 

«Chacun doit se montrer ingénieux pour garder un contact «à distance» avec nos aînés.»

Une lectrice nous demande si, au sein de la famille, la personne qui a le Covid-19 doit porter un masque?

Si le reste de la famille n’a pas de symptômes, le plus important pour cette personne est de se mettre en isolement durant dix jours dont deux sans symptômes. Cela signifie, pour elle, vivre dans une chambre séparée et, dans la mesure du possible, éviter de partager des espaces avec le reste de la famille, ne pas avoir de contacts et avoir une hygiène des mains scrupuleuse. Le masque ne sera alors utile que lorsque l’on ne peut pas éviter une trop grande proximité avec les autres, pour les protéger. 

On reçoit plusieurs mails par jour avec plus ou moins toujours le même scénario: des membres d’une famille qui ne veulent pas laisser leurs aînés en bonne santé seuls et qui désirent donc leur rendre visite. Que leur conseillez-vous? 

Je l’ai déjà dit. Ce type de visite est possible uniquement lorsqu’elle est vraiment indispensable, en prenant toutes les précautions d’usage. C’est une pesée d’intérêts par rapport à la prise de risque. On ne peut malheureusement pas «mollir» à ce niveau, car c’est la vie de gens qui est en jeu. Chacun doit se montrer ingénieux pour garder un contact «à distance» avec nos aînés. 

Comme les cas augmentent tous les jours, de plus en plus d’entreprises sont impactées par le Covid-19. Qu’en est-il de l’Hôpital du Valais?

On a 49 cas de Covid-19 sur un total de 5400 collaborateurs. La courbe d’augmentation du nombre de malades est identique à celle de l’ensemble de notre canton et nous sommes passés du simple au double en une semaine. 

Vous pouvez poser vos questions à Eric Bonvin en envoyant un mail à vincent.fragniere@lenouvelliste.ch et vous trouvez aussi de nombreuses réponses sur le blog de l’Hôpital du Valais: blog.hopitalvs.ch

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