En 1959, le Dr Schachter étudie le lien entre «grégarité et anxiété». Pour ce faire, il convoque deux groupes de personnes et leur explique qu’elles vont participer à une recherche portant sur la réaction aux chocs électriques. Au premier groupe, il informe que cela ne sera «pas douloureux du tout» alors qu’au deuxième il laisse entendre que cela pourrait être «assez désagréable». Il prétexte ensuite un réglage à faire et demande aux personnes si elles veulent attendre seules ou en compagnie d’autres participants à l’expérience.
Tous les résultats montrèrent que parmi le premier groupe, moins d’un tiers seulement des personnes voulurent rester seules alors que dans le deuxième groupe, elles furent plus de 70% à vouloir la présence des autres. En somme, plus nous sommes anxieux, plus la présence d’autrui est souhaitée. Ainsi nous pouvons nous comparer et tenter de diminuer notre état d’activation émotionnelle.
On le voit bien, en ces temps de Covid-19, combien, en effet, il est réconfortant de ne pas se sentir seul et de savoir que l’on peut compter les uns sur les autres. Et cela nous paraît tout à fait normal.
Mais ce qui étonne peut-être, c’est de constater que, dans une dernière variante, lorsqu’il est proposé à des individus d’attendre avec un groupe à qui il est dit que personne ne recevra de chocs électriques, les personnes préfèrent attendre seules. Si l’anxiété entraîne donc le désir d’être avec d’autres personnes, l’état de neutralité aurait pour conséquence une certaine indifférence par rapport à ses semblables.
Dès lors, puissions-nous, une fois ce cataclysme du Covid-19 éloigné, continuer de fréquenter, aimablement, solidairement, nos voisins, nos collègues, de prendre de nos nouvelles, en comparant, cette fois-ci, non plus nos peurs mais nos expériences de vie? Puissions-nous là encore prendre à défaut les théories de la psychologie sociale? C’est tout le bonheur que l’on peut se souhaiter.
Prenez soin de vous.
Yves Gaudin, Docteur en psychopathologie clinique, écrivain, Sion