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Coronavirus: «Il faut fixer des priorités dans l’utilisation des masques, le risque de pénurie est là»

Le directeur de l’Hôpital du Valais répond tous les jours aux questions de nos lectrices et lecteurs. Au programme du jour, le dépistage systématique, les masques, les comportements à avoir ou encore la possibilité d’un confinement comme en France.

17 mars 2020, 19:30
Eric Bonvin, directeur général de l'Hôpital du Valais, répond à vos questions tous les jours dans «Le Nouvelliste».

Eric Bonvin, on a appris aujourd’hui deux nouveaux décès en Valais, ce qui porte le total à trois. Où en est la situation au sein des hôpitaux?

Deux personnes sont décédées à l’hôpital. Aujourd’hui près de vingt malades confirmés s’y trouvent, dont deux aux soins intensifs. Au niveau de notre personnel, plus de dix personnes sont atteintes du coronavirus. Aujourd’hui, sur l’ensemble du canton, notre capacité théorique d’accueillir en soins intensifs est de septante places, cinquante à Sion et vingt à Brigue, mais leur utilisation dépendra surtout des compétences humaines nécessaires à leur fonctionnement.
 

Aujourd’hui, sur l’ensemble du canton, notre capacité théorique d’accueillir en soins intensifs est de 70 places.

Après l’interview de Bertrand Kiefer de lundi, plusieurs lecteurs nous demandent pourquoi on ne réintroduirait pas le dépistage systématique?

Il s’agit tout d’abord d’un problème de capacité. La Suisse effectue 2000 tests par jour, ce qui la place au troisième rang mondial en la matière. Le Valais en fait aujourd’hui 250 par jour, ce qui est beaucoup. Au niveau de notre Institut central des hôpitaux, nous ne pouvons pas en faire plus. Maintenant, si une autre instance, telle que l’armée, par exemple, prend en charge des dépistages, il sera possible d’en faire plus. Mais cela n’aura cependant aucun effet thérapeutique et ne constitue pas une réponse en soi aux situations auxquelles nous devrons quoi qu’il en soit faire face. Et après les mesures décrétées lundi, l’important est surtout de pouvoir gérer ce qui va venir. 

Un lecteur s’est retrouvé à l’hôpital et dénonce le comportement de deux professionnels de chez vous qui ne portaient pas le badge nécessaire. L’hôpital ne doit-il pas être exemplaire?

Oui et nous nous efforçons de l’être. Mais nos collaboratrices et collaborateurs peuvent parfois être sous pression et ne pas avoir le comportement adéquat comme cela a pu être le cas ici. Notre «Espace d’écoute» est toujours à disposition de nos patients pour nous informer de ces cas et nous permettre de rapidement réajuster les choses.

Une famille nous demande si des grands-parents de 62 ans qui ne font pas partie des groupes à risque et qui sont en bonne santé peuvent garder leurs enfants?

Je dirais oui parce que leur âge et le fait qu’ils n’ont pas de maladies associées ne les mettent pas dans une catégorie à risque. Mais nous prônons, dans la mesure du possible, une garde par les parents ou des tiers et pas par les grands-parents.
 

Les masques doivent en priorité être portés par les malades eux-mêmes et par celles et ceux qui les soignent.

Une personne âgée aimerait savoir si elle peut sortir de la maison pour se promener dans la forêt en compagnie d’une amie?

Oui, cela est possible, à condition de ne pas se toucher et qu’il n’y ait pas trop de monde. C’est la règle absolue. Si vous la respectez, il n’y a aucun souci. Et à condition aussi de ne pas se promener en groupe ou dans des lieux où il y a peu de monde. Les images du week-end notamment à Paris, au canal Saint-Martin, où l’on voyait une foule prendre le soleil sont absolument à bannir.

Et pour un couple, peut-il encore se toucher?

Oui, évidemment, si les deux conjoints n’ont aucun symptôme et n’ont pas de facteur de risque. S’il y a un quelconque doute il est alors préférable de s’en remettre à l’avis de son médecin traitant.

Il y a beaucoup de questions autour des masques. Faut-il les porter pour celles et ceux qui continuent à travailler? Y en aura-t-il assez pour tenir le temps du virus?

Je tiens d’abord à tirer la sonnette d’alarme. Aujourd’hui, en Suisse, il se consomme près de 1 million de masques par jour et les stocks sont limités, ce qui nous fait craindre une pénurie. Les masques doivent en priorité être portés par les malades eux-mêmes et par celles et ceux qui les soignent. Porter un masque alors que vous n’avez aucun symptôme du virus ne sert à rien et en aucun cas à vous protéger. Il faut donc laisser les masques aux gens qui en ont besoin. Que l’hôpital puisse préserver des stocks de matériel en suffisance pour traiter les malades sera aussi l’une des clés du bilan final du coronavirus.

On nous demande si les aliments dans les magasins d’alimentation ou les billets de banque peuvent transmettre le virus?

La contamination par ce virus se fait par le contact direct entre deux personnes et par leur environnement immédiat. La possibilité d’une contamination sous une forme, par exemple par des aliments ou des objets tels des billets de banque est très marginale. En respectant les distances de sécurité avec autrui et en se lavant régulièrement les mains avec du savon nous protège suffisamment. 
 

Si les gens ne respectent pas les mesures édictées lundi, il me paraît évident que l’on arrivera à une situation de confinement.

Lundi soir, Emmanuel Macron a placé la France en situation de confinement. Depuis, plusieurs lectrices et lecteurs nous ont demandé pourquoi la Suisse ne le faisait pas?

Le confinement est la mesure ultime pour enrayer une pandémie qui progresse trop. Si les gens ne respectent pas les mesures édictées lundi, il me paraît évident que l’on arrivera à cette situation. Il y a dix jours, on disait que cette démarche n’existerait qu’en Italie. Aujourd’hui, l’on voit qu’elle est prise ailleurs en Europe.

Pour vous, faut-il appliquer cette mesure rapidement parce que la maladie progresse trop?

La maladie progresse rapidement. Toute l’Europe est dans la phase aiguë de la maladie avec une courbe qui monte très fort. En Suisse, il faudra évaluer rapidement l’effet de l’application ou non des mesures liées à l’état d’urgence décrété lundi et une telle mesure pourrait bien devoir être appliquée.

Une lectrice se demande si l’on va sortir un jour de cette crise «sachant que le virus ne va pas disparaître»?

Oui, nous allons revivre un jour normalement, car tôt ou tard une immunité va se créer et nous pourrons alors nous défendre naturellement de ce virus. L’humanité a survécu à de nombreuses épidémies et leur survivra encore. La question est de savoir quand nous retrouverons une vie normale et quel aura été le prix humain de cette pandémie.

Frédéric Favre est en auto-isolement. Qu’est-ce qui se passerait si ça vous arrivait?

Je respecterais scrupuleusement les consignes en mettant en auto-isolement et en le signalant aux personnes avec lesquelles j’ai été en contact rapproché afin qu’elles puissent prendre les mesures qui s’imposent. Cela dit, je pourrais tout de même rester en activité en favorisant le télétravail et les conférences téléphoniques. Le tout durant dix jours dont quarante-huit heures au moins sans symptôme avant de reprendre une vie normale dans le respect des consignes en vigueur.

Vous pouvez envoyer vos questions pour Eric Bonvin à vincent.fragniere@lenouvelliste.ch

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