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Coronavirus: Guerre et paix, par Yves Gaudin

Une douzaine de personnalités issues de générations, de milieux socio-professionnels différents livrent pour "Le Nouvelliste" leurs pensées sur l’impact social de l’expérience collective que nous vivons tous, et sur le temps d’après, quand la vie reprendra, sans doute différemment d’avant.

01 mai 2020, 16:40
/ Màj. le 01 mai 2020 à 18:00
Yves Gaudin, Docteur en psychopathologie sociale, Écrivain, sion

Profitant d’une colonie de vacances, et dans une expérience devenue célèbre, Sherif, un des pères de la psychologie sociale, observa que des enfants, séparés aléatoirement en deux camps, en arrivèrent rapidement à surévaluer largement les résultats de leur groupe tout en dénigrant, dans la même mesure, les prestations fournies par le camp adverse*. Il nota également, qu’une fois le sentiment groupal inculqué, les enfants se trouvaient très différents selon le groupe appartenu. Chaque situation compétitive enflammait un conflit latent et l’expérience fut même menacée d’être interrompue, tant les bagarres faisaient rage. Ce n’est que lors d’une phase d’épreuve «de survie» (par exemple, tirer ensemble un bus pour le faire démarrer au risque de passer la nuit dehors, aller chercher de l’eau pour la survie de groupe) que les enfants retrouvèrent un semblant de cohésion.

 

On pourrait donc penser que le Covid-19, décrit par plusieurs dirigeants politiques comme «un ennemi nous ayant déclaré la guerre», permettra de nous unir, habitants du monde, d’une même voix et d’un même espoir.
Yves Gaudin, Docteur en psychopathologie sociale, Écrivain, sion

 

En Valais comme ailleurs, on connaît bien ce phénomène dès lors qu’il s’agit de savoir qui a la meilleure équipe de football, la meilleure vache, fanfare, vin… Et où, plus on élargit le focus, plus on se rassemble. Ainsi, que l’on vienne du haut ou du bas du canton, à Berne, seul le FC Sion compte; hors du pays, Federer n’est plus Bâlois, mais Suisse; Sergio Garcia jouant à la Ryder Cup sera Européen; et pour peu qu’un extra-terrestre venait à nous visiter, nous serions sûrement tous habitants de la même planète. 

On pourrait donc penser que le Covid-19, décrit par plusieurs dirigeants politiques comme «un ennemi nous ayant déclaré la guerre», permettra de nous unir, habitants du monde, d’une même voix et d’un même espoir. Cependant, si plusieurs corporations sont «au front», s’il convient de saluer ceux qui se mettent au service des malades, la guerre est une invention des hommes! Pas de la nature. Aucune créature, à part notre espèce, ne veut détruire son habitat. Au contraire, et comme avec les milliards d’autres virus dans notre corps humain, il nous faudra bien apprendre à cohabiter avec lui, apprendre à s’en immuniser, à fortifier notre organisme, à surveiller ses mutations éventuelles… Comme nous aurions à le faire avec l’autre, celui qui n’est jamais que le reflet de nos projections. La guerre contre le Covid-19 n’existe donc pas, seule la peur domine. A nous d’en prendre conscience pour faire la connaissance de l’autre et aller à la rencontre de soi. 

Bien à vous.

Yves Gaudin, Docteur en psychopathologie sociale, Écrivain, sion

* Sherif, M. (1966) In common predicament: Social psychology of intergroup conflict and cooperation. Boston: Houghton-Mifflin.

 

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