Ils sont eux aussi au front de la bataille. Des batailles au pluriel, même. Contre le coronavirus, si dangereux pour les aînés. Contre la peur. Contre la mort. Contre la solitude de résidents coupés de leurs proches en chair et en os. Contre la morosité.
Cadres ou responsables dans des EMS valaisans, Florine Carron, Elisabeth Yerly, Nicolas Kaufmann et Bernard Lattion ont tous dû se réorganiser, changer leurs tâches, s’adapter sans cesse depuis le début de l’épidémie. «C’est en permanence un travail d’équilibriste et de prévisionniste», décrit Nicolas Kaufmann, directeur des Fleurs du Temps, qui gère les EMS de Charrat, Fully, Leytron et Saillon.
Nicolas Kaufmann dirige Les Fleurs du Temps, qui gère les EMS de Charrat, Fully, Leytron et Saillon. Photo: DR
S’adapter très vite
Ouvrir une cellule de crise, prévoir le confinement, la cuisine, les mesures d’hygiène, pondre des protocoles de soins: tout a été à (re)faire. Et très vite. Responsable technique et chargé de sécurité des Maisons de la Providence, à Orsières et Montagnier, Bernard Lattion a la tâche si capitale de gérer les stocks de matériel médical et de protection. Masques, désinfectants, thermomètres en première ligne. Il raconte: «C’est un souci quotidien. On ne peut pas envoyer un soignant à la guerre sans son arme. On se bat tous les jours pour avoir ce qu’il faut.»
Bernard Lattion est responsable technique et chargé de sécurité des Maisons de la Providence, à Orsières et à Montagnier. Photo: DR
Le poids d’être un vecteur potentiel
Depuis des semaines, les portes des foyers ne s’ouvrent plus. Le virus est une menace féroce de l’extérieur. S’il ne s’est pas déjà infiltré dans les refuges des aînés. Le personnel, quasi seul à pouvoir entrer et sortir, ressent une lourde responsabilité sur ses épaules. «Les collaborateurs ne veulent surtout pas amener le Covid-19 aux résidents. Alors qu’à la maison, ils sont aussi perçus comme un risque de ramener le virus aux leurs. On a passé du temps à les déculpabiliser, car le risque zéro n’existe pas», relate Elisabeth Yerly, infirmière cheffe à la résidence Beaulieu, à Sierre.
Elisabeth Yerly, à droite, est infirmière cheffe à la résidence Beaulieu de Sierre.
Sacrifices personnels et fatigue mentale
Le mal invisible ébranle même parfois les vies privées. Responsable du service socio-culturel à l’EMS Les 3 Sapins, à Troistorrents, Florine Carron raconte: «Je ne mange plus dans la même pièce que mon fils. Je désinfecte la douche deux fois par jour, je passe ma maison à l’eau de javel, je lave aussi mes vêtements en rentrant et je ne côtoie plus personne.»
A la peur de contaminer, d’être contaminé, de faire face aux décès, s’ajoute la pression de travailler en confinement et de faire au mieux dans une crise où l’ingérable doit être géré. Pour le bien-être des résidents. Nos interlocuteurs le confient alors sans gêne: ils sont fatigués. Crevés. Mentalement plus que physiquement.
Le ciment des équipes
Toutefois, dans cette nouvelle réalité, beaucoup de couleurs apparaissent aussi. «Voir certains résidents guérir du Covid-19 et retrouver une énergie toute neuve est encourageant pour les collaborateurs», appuie Nicolas Kaufmann. Dans les équipes, l’entraide, la cohésion et la compréhension entre les disciplines se sont renforcés: «Je pense qu’on travaillera mieux ensemble encore après la crise», augure Elisabeth Yerly.
Florine Carron est responsable du service socio-culturel à l’EMS Les 3 Sapins, à Troistorrents. Photo: DR
Amener le soleil du dehors
Et puis, le personnel essaie d’amener autant que possible le soleil du dehors dans les murs des foyers. Pour que les résidents, privés des rencontres de leurs familles, gardent le moral. Coups de fils, appels vidéos avec les proches, coucous aux balcons, envois de photos en cartes postales, animations musicales à distance: de quoi scotcher les sourires sur les lèvres et conjurer l’ennui. «L’EMS ne doit pas être un lieu fermé. Les contacts sociaux, même à distance et virtuels, doivent absolument être maintenus», insiste Nicolas Kaufmann.
Florine Carron a même l’impression que les liens, tous, sont plus forts à l’heure du coronavirus qu’avant. Entre les aînés et les soignants, mais aussi entre le personnel et les familles: «On fait davantage d’accompagnement individuel et on connaît plus les histoires de vie des résidents.» Comme si elle parlait pour tous les gardiens des aînés, l’animatrice conclut: «Malgré tout, nous devons continuer notre mission: apporter la vie dans ces maisons».
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