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Ouvrir les standards de l’habitat? La chronique immobilière de l’EPFL

13 févr. 2021, 20:00
Valentin Bourdon, architecte et collaborateur scientifique au Laboratoire de Construction et Conservation (LCC) de l’EPFL

La situation de confinement met au grand jour des réalités souvent mal perçues quant à la nature encore profondément traditionnelle de l’habitat. Effets de mode et efforts plastiques dissimulent depuis plusieurs décennies un manque de perspectives pour l’avenir du logement, dans sa structure d’une part, mais aussi dans le rapport qu’il entretient avec les autres éléments qui constituent les villes et façonnent les territoires. 

Derrière un sentiment de mutation rapide des modes de vie se cachent de profondes réticences dans le changement physique des cadres de vie, en partie liées à l’inertie très lente qui caractérise généralement l’évolution du bâti. Pourtant de nouvelles dynamiques, sans doute accentuées par les effets de la pandémie, pourraient motiver l’ouverture des habitudes les plus enracinées en matière de logement, à commencer par leur mono-fonctionnalité et leur tradition unifamiliale.

Vers des espaces indifférenciés

Voir des cuisines devenir alternativement bureau ou salle de classe interroge la manière de penser l’habitation. Entre nécessités et potentialités, la multiplicité subie des fonctions à l’intérieur des logements offre deux enseignements principaux pour la conception architecturale.

Le premier correspond à l’inadéquation profonde du parc immobilier face à un retour massif du travail dans l’espace domestique. Pour cause, un patrimoine bâti en Europe traditionnellement sectorisé, qu’il soit résidentiel ou bien tertiaire. Les siècles qui nous précèdent ont ainsi façonné la culture urbaine en distinguant les lieux de l’habitation de ceux du loisir et du travail. Mais depuis près d’un an, toutes ces composantes sont pour beaucoup superposées à l’intérieur d’un seul et même espace. Réduire les dysfonctionnements et atténuer le manque de flexibilité dans l’utilisation de son logement constituent un défi architectural dans la transformation de ce qui existe déjà.

Le second enseignement concerne davantage la manière de concevoir les nouvelles constructions, dans une plus grande prise en compte des besoins de réversibilité, des usages et des modes de vie. Qu’un logement puisse accueillir une activité d’artisanat, un espace pour travailler et échanger à distance, pour héberger un proche ou un nouvel enfant, sans forcément déménager. Ou bien à l’inverse, qu’un bâtiment puisse contenir des habitations pendant une période donnée, puis des bureaux, et inversement. Voire simultanément, qu’un édifice puisse abriter de manière indifférenciée des programmes variés, répartis au besoin dans les étages. La question devient dimensionnelle, aussi normative, mais surtout culturelle. Et la période collectivement traversée pourrait bien faire évoluer ce dernier aspect. 

La possibilité d’une mise en partage

L’ouverture du modèle de la famille nucléaire traditionnelle à des situations sociales plus diversifiées autorise à repenser l’association systématique d’un foyer à un ensemble d’équipements exclusifs. La tendance à la hausse de l’habitat coopératif témoigne également d’une réévaluation des besoins strictement privatifs, et ouvre l’horizon sans doute plus durable de la mise en partage.

La mutualisation au sein d’un ensemble de logements ou d’un quartier peut prendre des formes plus ou moins intenses. Elle constitue en tout cas un levier d’économies, mais aussi de nettes améliorations lorsqu’elle permet à chaque logement de disposer d’un service inaccessible à lui seul. Engageante sur le plan relationnel, cette direction pourrait prendre une place plus importante dans les prochaines années. À condition que les moyens financiers, humains mais aussi architecturaux soient réunis pour en garantir la faisabilité.

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