Réalisateur des «Femmes de l’ombre», sur la Résistance au féminin, et de «La daronne», comédie insolente croquant Isabelle Huppert en dealeuse de cannabis, le cinéaste français Jean-Paul Salomé retrouve l’actrice qui prête cette fois son génie à une syndicaliste bien malmenée. Propos d’un cinéaste à la fibre féministe.

Jean-Paul Salomé, qu’est-ce qui vous a mis sur la piste de Maureen Kearney?

Un livre paru en 2019, qui s’intitulait déjà «La syndicaliste». La journaliste Caroline Michel-Aguirre l’a écrit à partir de l’enquête qu’elle a faite sur Maureen Kearney. Caroline connaissait Maureen parce qu’elle la fréquentait pour avoir des tuyaux sur l’industrie nucléaire…

Quand elle a appris l’agression de Maureen, elle s’est rendue à son procès. Là, Caroline a tout de suite compris que quelque chose n’allait pas et s’est mise à enquêter. En lisant son livre, j’ai été sidéré par ce personnage, par les enjeux, et surtout par ce qu’on lui a fait subir. A peine terminé, j’ai eu envie d’en tirer un film.

«La justice et la police procèdent encore trop du patriarcat.»
Est-ce que vous avez rencontré Maureen Kearney avant d’écrire le scénario?

Le livre était remarquable, mais très factuel, j’avais besoin d’en savoir plus, comment elle avait traversé cette épreuve, et d’avoir son accord bien sûr! Je l’ai rencontrée avec sa famille, puis nous avons communiqué par courriel, parce que c’était moins intrusif… A l’époque où nous avons commencé à travailler à l’écriture, tout était encore très à vif pour elle.

Maureen me répondait quand elle le voulait, mais elle m’a confié nombre de choses que j’ai mises intégralement dans le film. En revanche, je n’ai eu aucun rapport avec les autres protagonistes de l’affaire. En fait, je n’y tenais pas du tout…

La justice et la police ne sortent pas grandies du film…

En France, la justice et la police procèdent encore trop du patriarcat… Et encore plus il y a dix ans. Mais je ne suis pas sûr qu’il en irait différemment aujourd’hui. Un médecin serait peut-être toujours là pour écrire dans son rapport: «Maureen Kearney a des réactions qui ne correspondent pas à une femme qui viendrait d’être agressée sexuellement».

Mais il y a aussi le fait qu’elle avait du caractère, des convictions, au point de mettre en péril des accords commerciaux occultes très risqués pour l’emploi. Au terme de son second procès, on lui a fait clairement comprendre qu’elle n’avait pas intérêt à insister…

Comment s’est préparée Isabelle Huppert pour le rôle?

Elle n’a pas voulu rencontrer Maureen Kearney avant le tournage. Elle voulait se sentir libre et elle trouvait que le scénario lui donnait déjà toutes les clefs. Par contre, ce qu’elle a absolument voulu, c’est lui ressembler le plus possible, en étant coiffée comme elle, en portant ses lunettes, ses accessoires, ses vêtements…

Quand Maureen est venue sur le tournage et qu’elles étaient de dos, il était impossible de les déconnaître. C’est tout le travail d’une comédienne qui est passée par le costume et par l’apparence, et non par la psychologie. Finalement le costume a guidé la psychologie et nous sommes retombé·es sur nos pieds.

«La syndicaliste», la sortie ciné de la semaine à ne pas rater

Tiré de faits véridiques, un thriller qui décrit la descente aux enfers d’une syndicaliste trop pugnace aux yeux de certains.