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«Au nom de la terre», un film poignant et déchirant

Suicide paysan mode d’emploi, tel pourrait être le pitch du film à charge d’Edouard Bergeon qui rencontre un énorme succès, dépassant déjà 1,7 million de spectateurs en France. Interview.

04 nov. 2019, 18:00
Jacques Narcy, dit Rufus, à gauche, incarne le père (Jacques Jarjeau) de Guillaume Canet (Pierre Jarjeau).

En France voisine, «Au nom de la terre» a franchi la barre des 1 700 000 entrées. Venu du documentaire de télévision, le cinéaste poitevin Edouard Bergeon en est plutôt surpris, même s’il espérait secrètement ce succès, en regard du sentiment d’urgence qui l’anime. Interviewé à l’occasion d’une avant-première bondée, il s’est révélé direct, franc et engagé… comme son film!

Edouard Bergeon, si vous deviez vous présenter en quelques mots? 

Je suis fils d’agriculteur, j’ai 37 ans. A 16 ans, après la mort de mon père, j’ai dû reprendre le domaine avec ma sœur et ma mère. Tout en bossant à la ferme, j’ai commencé par faire des piges pour France3, au service des sports, puis pour le JT de France2. Après, j’ai fait des documentaires de télé où pendant quinze ans, j’ai filmé de vraies gens, voilà!

Qu’est-ce qui vous a incité à passer au cinéma et à la fiction avec «Au nom de la terre»?

Un concours de circonstances! En 2015, le producteur Christophe Rossignon découvre «Les fils de la terre», mon documentaire sur le suicide des paysans. Il en est sorti bouleversé. Il est lui-même fils et frère d’agriculteurs. Il m’a appelé pour en parler… Peu après, Rossignon reçoit un téléphone de Guillaume Canet qui lui dit qu’il vient de voir un documentaire formidable à la télé, qu’il veut absolument en faire une fiction et la réaliser lui-même. Rossignon lui répond qu’il a déjà un réalisateur: moi! Canet se propose alors immédiatement pour jouer le rôle principal, sans même avoir lu le scénario… Que demander de plus?

 

Il n’y a pas mieux qu’un agriculteur endetté, ça fait vivre tout le monde, sauf lui. 
Edouard Bergeon, réalisateur

 

Comment s’est passée l’écriture du scénario?

Je n’avais aucune expérience. J’ai travaillé avec deux coscénaristes, mais j’ai tout de suite voulu positionner le film comme «grand public», même si c’était un sujet très dur. Pour moi, il était essentiel qu’un maximum de gens le voient. Et que je ne trahisse pas les agriculteurs, que ceux-ci soient fiers du film, fiers d’être représentés par un comédien aussi populaire que Guillaume Canet. En plus, il a un vrai lien à la terre, parce que son père élevait des chevaux et le faisait trimer. Guillaume sait conduire un tracteur!

Avez-vous été fidèle à la réalité à laquelle vous avez été confrontée adolescent?

Bah non, parce que si je racontais la réalité, ce serait bien pire. Donc c’est «inspiré de», il y a des scènes réalistes, d’autres que j’ai adoucies, mais ce que je raconte n’a rien d’exagéré: l’isolement de la famille, l’absurdité d’un système agricole qui pousse des hommes à investir, alors qu’ils veulent juste vivre de leur métier. Vous savez, il n’y a pas «mieux» qu’un agriculteur endetté, ça fait vivre tout le monde, sauf lui!

Vous faites un lien révélateur entre les pesticides, les hormones de croissance, les antidépresseurs… 

Pour moi, l’un des sous-textes clefs du film, c’est la chimie! Celle qu’on met sur les champs, celle que l’on injecte aux animaux, celle dont on gave les paysans dépressifs. A la campagne, c’est la camisole chimique pour tout le monde: les bêtes, la terre et les hommes. Mon père, il est mort de ça et pour plein d’autres mauvaises raisons: sanitaires, climatiques, financières, accidentelles, sans oublier la pression des consommateurs, un accompagnement psy inexistant, ça fait beaucoup pour un seul homme, non? Mais tout va bien, Bayer a racheté Monsanto, une firme qui donne le cancer, l’autre qui le soigne…

Tout comme votre film, vous n’inclinez pas trop à l’optimisme…

Vous avez raison, on se prend ce film dans la figure, mais j’ai voulu faire réfléchir! Dans nos poches, nous avons chacun une carte de crédit et un bulletin de vote… C’est à nous d’essayer de faire changer les choses, en arrêtant les mauvaises pratiques, en retrouvant un vrai lien avec la terre. 

Infos pratiques

«Au nom de la terre», d’Edouard Bergeon, avec Guillaume Canet, Veerle Baetens, Rufus, Anthony Bajon...

 

 

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