courrier des lecteurs

Affaire Rappaz - Lettre ouverte au Grand Conseil valaisan

15 nov. 2010

Mesdames les Députées et Députées-suppléantes, Messieurs les Députés et Députés-suppléants, Sur votre site internet officiel, on peut lire : Le Grand Conseil exerce le pouvoir législatif dans le Canton. Il jouit de toutes les autres compétences que lui réservent la Constitution et la législation; il exerce notamment la haute surveillance sur les autorités exécutives et judiciaires. Je m'adresse donc à vous dans le cadre de votre session du 18 novembre devant vous prononcer sur la demande de Monsieur Bernard Rappaz, que j'ai rencontré à 3 reprises au Quartier cellulaire des HUG. En 1969, le 13 octobre, j'avais à peine 17 ans, ma mère, 49 ans, se suicidait, à Sion, par strangulation après une bonne dose de Valium, me laissant une lettre débutant par " À Dieu, enfant chéri, .... ". Permettez-moi donc de me sentir légitimé de m'adresser à vous, en tant que valaisan d'origine, ayant grandi à Sion, Montana et au Collège de Saint-Maurice. J'ai baigné toute mon enfance, dans le discours de la Foi chrétienne et de la compassion. On m'a enseigné le devoir de pardonner même à mon ennemi et d'apporter secours aux plus démunis. Rien ne me préparait à échanger avec M. Rappaz, et pourtant, afin de m'informer et de progresser dans ma réflexion, j'ai voulu le rencontrer, lui, mais aussi sa fille Vanessa et sa maman haut-valaisanne Maggie Loretan, Mme Françoise Manuella Crettaz (autre seule gréviste de la faim de très longue durée, bénéficiant actuellement d'une suspension de peine par le Canton de Vaud, pour inaptitude provisoire à la subir), le médecin pénitentiaire en charge de M. Rappaz, et bien d'autres avec des arguments forts tranchés, soit me félicitant pour ma démarche, soit me désapprouvant voire m'insultant. Je vous demande, le 18 novembre 2010, lors de votre réflexion et de votre vote à bulletin secret, en votre âme et conscience, d'avoir une pensée du style: "Bernard Rappaz m'a, nous a assez irrité, manipulé, il doit payer ! Mais aussi, Bernard Rappaz n'est pas un dangereux criminel pour la société, son activité de chanvrier s'est déroulée notamment pendant une période où la Berne politique oscillait entre dépénalisation et criminalisation, avec des réponses cantonales fort différentes, voire diamétralement opposées. Bernard Rappaz a une fille, Vanessa de 12 ans, sympathique jeune fille entourée par sa maman et aimant son papa, et travaillant très bien à l'école. Bernard Rappaz n'a plus de ferme, son lieu de vie, punition personnelle et pécuniaire supplémentaire." Ces jours où je vous écris cette lettre, sa tête dirige encore son corps. Aucun argument ne peut légitimer une mort dans une prison suisse, au XXIè siècle. Il faut impérativement dépasser le blocage actuel avec l'injonction des autorités judiciaires de le nourrir de force et le refus légitime des médecins d'exécuter, dans le respect de l'Art médical (notion d'ailleurs incluse dans le jugement du Tribunal fédéral), un acte violent à l'encontre de la personne humaine. Trouvons tous ensemble une solution, vous par l'examen de la demande de M. Rappaz, (qui ne conteste pas le principe de la sanction pénale, qu'il reconnaît comme légitime, mais conteste, par sa grève de la faim, la quotité), le Conseil d'Etat valaisan par une suspension provisoire de peine, donnant le temps nécessaire à M. Rappaz d'assister avec toutes ses facultés, le 3 décembre, à son nouveau procès, et à réunir, dans les meilleurs délais, un symposium, pourquoi pas à Sion, avec les différents acteurs, soit les juges, les médecins, mais aussi les politiques, éthiciens, représentant-e-s des médias, avocats et détenus. La société suisse est prise de cours, nous en sortirons tous grandis ! Recevez, Mesdames les Députées et Députées-suppléantes, Messieurs les Députés et Députés-suppléants, mes respectueuses et très cordiales salutations valaisannes.
par Jean-Charles Rielle, médecin, conseiller national PS/GE, bourgeois de Sion et de Grimisuat