courrier des lecteurs

Politique climatique et cerveau ancestral

9 sept. 2019

Doit-on s’étonner que des personnes s’obstinent à ne rien vouloir changer, en tout cas pas la sacro-sainte croissance économique, face à l’urgence climatique? Pas vraiment si l’on tient compte des recherches en neurosciences. Car le pire ennemi du changement est notre propre cerveau, façonné depuis la nuit des temps par des apprentissages élémentaires: il est préférable pour assurer sa survie et reproduire l’espèce de manger le plus rapidement possible, de fuir le danger, de dominer l’autre, d’obtenir une grande reconnaissance sociale, etc. Cela est régi par notre cerveau ancestral qui sécrète de la dopamine, source de plaisir, dès qu’un de ces objectifs est atteint. Le problème est que cette partie-là du cerveau ne connaît pas de limite! 

Les techniques nous poussant à l’hyperconsommation ont bien assimilé cette faiblesse du cerveau ancestral. D’ailleurs elles n’ont pas attendu le développement des neurosciences pour comprendre cela: au début du siècle passé, on affirmait déjà que la clef de la prospérité économique consiste en la création d’une insatisfaction organisée. 

Einstein nous avertissait: «Si l’humanité veut survivre, une manière radicalement nouvelle d’être est nécessaire.» Or cela est possible car nous avons acquis un cortex préfrontal qui permet de poser des limites au cerveau ancestral. Mais il faut s’exercer «en pleine conscience» régulièrement car ce cerveau ancestral est constamment sollicité par le «tout et tout de suite» de notre société de consommation. 

Alors, au lieu de jouer à l’autruche devant ce grand danger présent et futur qu’est la destruction de la planète, nous pourrions développer des stratégies nouvelles comme une croissance qualitative «moins mais mieux», «une sobriété heureuse» qui seront sources de plaisir au grand dam de notre cerveau ancestral. 

par Alain Kohler, 1950 Sion