courrier des lecteurs

Nuit de saccage

28 août 2007

Lac de Tanay, nuit du samedi 18 août au dimanche 19 août 2007. Ils allaient défoncer notre tente en traînant un sapin de bien 5 mètres. On sort, on explique. Il est passé 23 heures. Fraîchement abattu, comme d'autres la même nuit, le jeune arbre devait alimenter l'un des sept foyers allumés jusque tard dans la nuit sur le petit pré autorisé aux campeurs, en pleine réserve naturelle du lac de Tanay. Cauchemar éveillé! Une quinzaine de jeunes au crâne rasé, installés sur l'avancée de terre qui surplombe le petit lac, vident des bières et crient des chansons paillardes jusqu'aux petites heures du matin. En face, un groupe de jeunes Veveysans, moins faciles à reconnaître, jettent de l'antigel sur le feu, au pied d'un grand arbre, pour faire brûler le bois frais, s'encouragent à boire, vantent leurs expériences avec des champignons hallucinogènes. Toute la soirée on se passera la hache pour abattre du bois frais. Le garde-site, visité à deux reprises, n'a pas de lampe de poche. Il appelle tout de suite la police, sans autre mesure éducative plus engagée face à une population qui, on le comprend, lui fait peur. Les agents enfin arrivés sont chahutés: les provocations jaillissent. Quelques amendes? A quoi serviront-elles? Où sont les parents? Où sont les enseignants? Où sont leurs efforts perdus? On est perplexe, on veut leur parler mais ils sont ivres, imprévisibles. On se réfère au cadre officiel, mais à l'Auberge du Grammont, Raoul Parchet, résigné, suggère la fermeture du camping. Revu au petit-déjeuner chez Nicole, le "garde-site" n'a d'yeux que pour son assiette et acquiesce, l'air indifférent: "Mais oui, il faut écrire". Un peu plus tard, des véhicules privés envahiront le terrain, au moment où quelques campeurs plient bagages... Alors on écrit, en espérant du fond du cœur que les institutions locales sauront analyser et gérer le problème, et avec l'espoir d'une autre nuit, moins triste, en plein air au bord du lac de Tanay, une nuit qui ne soit pas une insulte à la splendeur du site.
par Gideon Urbach, Kasia Michalak, Genève